Quand la barbarie du monde nous rattrape26/10/20152015Éditorial/static/common/img/contenu-min.jpg

Editorial

Quand la barbarie du monde nous rattrape

Bombardements, quartiers dévastés, attentats, assassinats, tortures, populations terrorisées par des régimes sanguinaires, réfugiés survivant dans des conditions infâmes : chaque jour la télévision et la presse amènent leur lot d’images barbares.

Cela se passe en Syrie, en Turquie, en Israël, dans les territoires palestiniens occupés. C’est en Irak, en Libye, au Yemen, au Nigeria ou en Afghanistan. C’est à des milliers de kilomètres d’ici. Mais même ceux qui veulent ne pas voir ne peuvent pas faire comme si cela n’existait pas.

Parce que les victimes de ces guerres sont jetées sur les routes par centaines de milliers et frappent aujourd’hui à nos portes. Parce qu’avec la menace du terrorisme, nous payons les contrecoups de ces oppressions et de ces guerres.

Et ce n’est pas un hasard : notre gouvernement est coresponsable de cet enfer. Parce qu’il bombarde en Irak et en Syrie. Parce qu’il apporte son soutien à l’État d’Israël, au gouvernement turc et aux dictatures du Golfe. Parce qu’il manœuvre en Afrique pour que la bourgeoisie française continue d’exploiter les richesses de ce continent. Cette barbarie ne peut pas ne pas rejaillir sur nous.

Elle aggrave d’ores et déjà le cours réactionnaire dans lequel l’Europe est engagée depuis quelques années. De partout en Europe, la crise, le chômage de masse et les politiques anti-ouvrières menées par tous les gouvernements, de gauche ou de droite, ont affaibli les partis gouvernementaux au profit de partis souverainistes anti-immigrés.

Ces partis d’extrême droite, pour différents qu’ils soient, ont en commun de s’appuyer sur des peurs et des préjugés et de les attiser. Ils sont partout profondément réactionnaires et anti-ouvriers.

Mais si l’extrême droite est championne du repli sur soi, elle n’est pas la seule force politique à pousser dans ce sens. La volonté affichée par tous les dirigeants européens de renforcer les frontières européennes, d’expulser ceux qui ne sont pas considérés comme de « vrais réfugiés » et même de rétablir des frontières au sein de l’espace Schengen, en témoigne.

Ici en France, sans même parler du Front national qui joue sur les préjugés les plus crasses, comment la droite et les socialistes présentent-ils les migrants ? Non pas comme des victimes, mais comme des indésirables ! Non pas comme des femmes et des hommes qui nous ressemblent, mais comme des « fardeaux » ! Qu’un élan de solidarité s’exprime, et la propagande mensongère et honteuse se met en marche pour marteler qu’il ne faut pas créer d’appel d’air.

Tout est fait pour que nous taisions nos sentiments de fraternité. Tout est fait pour nous convaincre que les migrants représentent une menace pour nous et nos enfants. Tout cela pour accréditer, ouvertement ou hypocritement, l’idée que le salut viendra du protectionnisme, de la méfiance à l’égard de l’étranger, des frontières voire des barbelés.

La France et la Grande-Bretagne - deux pays riches pour lesquels absorber quelques dizaines de milliers de migrants n’est pas un vrai problème - en sont à s’accuser mutuellement pour ce qui se passe à Calais. En Allemagne et en Suède, des minorités d’extrême droite s’organisent pour incendier des foyers de réfugiés. Combien d’autres racistes, portés par le climat actuel, se sentiront autorisés à s’attaquer aux immigrés ?

Dans les années 1990, en Yougoslavie, la démagogie xénophobe a débouché sur la constitution de milices puis sur la guerre civile. Il y a deux ans, dans l’est de l’Ukraine, on a vu comment ces mêmes réflexes ont dégénéré en escalade guerrière.

Si on n’y prend garde, la barbarie du monde, la xénophobie, les guerres nous rattraperont. Le nationalisme, la méfiance généralisée nous ont déjà rattrapés. Il faut que les travailleurs conscients prennent le contrepied de cette évolution délétère.

Ce n’est pas en se barricadant derrière des frontières qu’on se protégera du fléau du chômage, de la concurrence et de la misère du monde. Ces méfaits ne viennent pas de l’extérieur, mais de l’intérieur de notre société. Ils sont propres au capitalisme, et on ne s’en débarrassera qu’en renversant ce système.

Tout se tient : les bombes là-bas, l’exploitation et le chômage ici. Car elles ont une source commune, la course au profit et la domination d’une minorité sur toute la société.

La seule force capable de renverser cette domination est la classe ouvrière consciente de ses intérêts et organisée à l’échelle internationale. Cela commence par comprendre que toutes les victimes du capitalisme ont le même intérêt fondamental de mettre fin à ce système aussi injuste qu’inhumain.

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