La Réunion : 20 décembre 1848 : l'esclavage est aboli mais pas le salariat 20/12/20162016Brèves/medias/breve/images/2016/12/Statue_de_Victor_Schoelcher_ici_a_Cayenne_0.jpg.420x236_q85_box-0%2C68%2C2441%2C1441_crop_detail.jpg

Brève

La Réunion

20 décembre 1848 : l'esclavage est aboli mais pas le salariat

Illustration - 20 décembre 1848 : l'esclavage est aboli mais pas le salariat

Quand l'esclavage fut aboli en 1848, le nombre d'esclaves à la Réunion était de 60 800.

Pendant plus de deux siècles, les esclaves ont servi de main-d'œuvre bon marché à quelques gros propriétaires de l'île. Ils leur ont permis, à eux mais aussi aux marchands d'esclaves et aux bourgeois de France, d'accumuler d'énormes fortunes. De nombreuses villes françaises doivent leur développement et leur prestige à la traite des esclaves.

Plus généralement, c'est le système capitaliste lui-même qui s'est développé grâce aux richesses accumulées avec la sueur et le sang de générations d'esclaves. A la Réunion, bon nombre de capitalistes d'aujourd'hui sont d'ailleurs les héritiers d'ancêtres esclavagistes.

On a coutume de dire que l'abolition de l'esclavage, ou plutôt les abolitions, ont été l'œuvre d'humanistes et autres militants abolitionnistes. Certes, il a fallu l'action d'un Victor Shoelcher en France pour que soit mis fin à l'esclavage. Mais cela se fit dans une période où le système d'exploitation de la main-d'œuvre servile entrait de plus en plus en contradiction avec les besoins du capitalisme qui, dans les pays qui s'industrialisaient, avait recours à une autre forme de main-d'œuvre plus adaptée à ses appétits, celle du salariat.

En France, c'est lors de la grande révolution, que la Convention vota, le 4 février 1794, l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises. Cette première abolition ne fut pas suivie d'effet à la Réunion, qui s'appelait alors Bourbon. Dans les Caraïbes en revanche, l'abolition de l'esclavage fut proclamée. Il faut dire que dans ces îles, et en particulier à Saint-Domingue (l'actuel Haïti), une révolte d'esclaves et d'affranchis précipita l'abolition. Mais quelque temps plus tard, en 1802, Napoléon Bonaparte rétablit l'esclavage dans toutes les colonies, non sans avoir massacré de nombreux esclaves qui s'étaient révoltés.

Il fallut en fait attendre la révolution de 1848 en France pour que l'esclavage soit définitivement aboli le 22 avril de cette année-là. L'abolition ne sera effective aux Antilles que le 27 mai 1848. A Bourbon elle ne le sera que le 20 décembre car on ne pouvait tout de même pas libérer les esclaves avant la coupe de la canne !

L'abolition de l'esclavage ne fut en rien douloureuse pour les colons qui ont été indemnisés et à qui on avait assuré que tout allait être fait pour que les nouveaux « libres » continuent de travailler aux champs. Ce rôle fut confié à Sarda Garriga, nommé commissaire de la République.

Voici quelques extraits de ses discours qui en disent long sur les attentes des colons et sur les obligations exigées des anciens esclaves :

« La liberté, vous le savez, vous impose des obligations. [...] Vous me prouverez que vous m'aimez en remplissant les devoirs que la société impose aux hommes libres [...] Vous avez vous-mêmes librement choisi les propriétaires auxquels vous avez loué votre travail ; vous devez donc vous rendre avec joie sur les habitations que vos bras sont destinés à féconder et où vous recevrez la juste rémunération de vos peines. [...] Beaucoup de propriétaires ne pourront peut-être payer le salaire convenu qu'après la récolte. [...] Mes amis, travaillons tous ensemble à la prospérité de notre Colonie. Le travail de la terre n'est plus un signe de servitude depuis que vous êtes appelés à prendre votre part des biens qu'elle prodigue à ceux qui la cultivent. [...] Propriétaires et travailleurs ne forment plus désormais qu'une seule famille dont tous les membres doivent s'entraider [...] La liberté, c'est le premier besoin de l'humanité, oui ; mais ce suprême bienfait impose d'importantes obligations : la liberté élève le travail à la hauteur du devoir ».

L'esclavage tel que l'ont connu les ancêtres de la plupart des Réunionnais est aujourd'hui aboli. Mais une autre forme d'exploitation sur lequel est bâti le système capitaliste persiste : le salariat. Tôt ou tard il faudra y mettre fin.

Mais cette fois l'émancipation des travailleurs ne pourra être l'œuvre que des travailleurs eux-mêmes.

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