Égypte : dix ans de la dictature militaire d’al-Sissi11/05/20242024Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2024/05/une_240-c.jpg.484x700_q85_box-28%2C0%2C2451%2C3507_crop_detail.jpg

Égypte : dix ans de la dictature militaire d’al-Sissi

Dix ans après le coup d’État militaire qui avait mis un terme à la crise ouverte par la révolte populaire de 2011, les raisons qui avaient conduit à cette révolte sont toujours présentes et même plus aiguës. Les libertés et droits démocratiques sont plus verrouillés sous al-Sissi qu’à l’époque de Moubarak. Les inégalités sociales se sont accrues. La caste des militaires a considérablement étendu sa mainmise sur l’économie, pendant que les travailleurs et les classes populaires sont écrasés sous les effets d’une crise sans précédent.

Après les Émirats arabes unis, le Fonds monétaire international ainsi que l’Union européenne et la Banque mondiale viennent de porter secours à l’État égyptien menacé de faillite. Bien que le régime dictatorial du maréchal Abdel Fattah al-Sissi muselle les 111 millions d’habitants que compte le pays, tous craignent une explosion sociale incontrôlable, qui aggraverait l’instabilité dans la région. Alors que la guerre à Gaza se prolonge et que les tensions s’étendent au Moyen-Orient, ils soutiennent d’autant plus la dictature égyptienne, élément de leur domination.

Du printemps arabe à l’arrivée de Sissi

En février 2011, sous la pression populaire, l’état-major, en accord avec les États-Unis, lâchait Hosni Moubarak, le dictateur au pouvoir depuis trente ans. Pour désamorcer la contestation, le maréchal Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées, trouva l’appui des principales forces d’opposition, notamment celui de l’organisation des Frères musulmans, pour participer à la « transition démocratique pacifique ». Les Frères musulmans apportaient le crédit dont ils bénéficiaient dans les couches populaires à l’armée qui les avait réprimés à maintes reprises. Grâce à leurs actions caritatives et à la présence de leurs militants, ils apparaissaient honnêtes et soucieux des plus démunis mais, comme les autres partis politiques islamistes ou démocrates, de droite ou de gauche, ils défendaient l’ordre social bourgeois. Tous ces partis considéraient les classes exploitées comme une masse de manœuvre qui devait rester à sa place, c’est-à-dire docile et soumise aux classes dominantes.

Durant la période d’agitation populaire qui suivit, pendant laquelle se succédèrent grèves ouvrières, manifestations et occupations de places, à aucun moment la situation n’échappa au contrôle des généraux, qui firent le choix de se mettre en retrait. C’est Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, qui remporta l’élection présidentielle du 30 juin 2012 avec 51,7 % des voix. Un an plus tard, il faisait face à la colère des masses populaires victimes de ses mesures d’austérité et hostiles au tour dictatorial pris par son pouvoir. Le Front de salut national, coalition regroupant des partis de la droite à l’extrême gauche, participa activement au mouvement. Le 30 juin 2013, après des manifestations massives qui exigeaient son départ, Morsi fut destitué par le général Abdel Fattah al-Sissi, son vice-Premier ministre et ministre de la Défense. Le Front de salut national s’effaça derrière l’armée et salua la destitution de Morsi.

Sissi avait agi avec le soutien des États-Unis, de ses alliés dans la région, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Israël, qui n’acceptaient pas que l’Égypte soit dirigée par les Frères musulmans.

Ainsi à deux reprises, après le départ de Moubarak en 2011 et après l’élection de Morsi en 2013, les militaires avaient réussi à surfer sur les vagues de contestation et à apparaître comme protecteurs des manifestants et garants du changement.

En l’absence d’un parti qui représente ses intérêts, la classe ouvrière, malgré sa participation massive au mouvement de contestation, ses grèves, son courage et sa combativité, n’était pas en mesure d’être porteuse d’une perspective politique pour l’ensemble des classes exploitées. Et c’est finalement l’armée qui profita du dégagisme anti-Moubarak, puis anti-Morsi.

Le renversement de Morsi valut à Sissi une certaine popularité, car il prétendait répondre aux exigences du mouvement populaire et cultivait son image de sauveur de la nation et de rempart contre l’islamisme. Afin de donner une légitimité démocratique à son pouvoir, il convoqua une nouvelle élection présidentielle, qu’il remporta haut la main. Si désormais Sissi apparaissait revêtu d’un costume civil, c’est bien l’armée qui continuait de gouverner le pays.

Des libertés bafouées

Le soulagement consécutif à la destitution de Morsi fut de courte durée. Les forces de gauche et tous ceux qui avaient apporté leur soutien à Sissi, en considérant que l’armée était un moindre mal, déchantèrent. Après avoir férocement réprimé les partisans des Frères musulmans, l’armée publia décrets et arrêtés destinés à museler toutes les autres oppositions à son pouvoir. Déterminé à ramener la stabilité politique favorable aux affaires de la bourgeoisie, Sissi décréta l’interdiction des manifestations, fit pourchasser et arrêter les opposants de gauche et les militants ouvriers combatifs. Dix ans après son accession au pouvoir, les libertés, déjà restreintes sous Moubarak, ont encore été réduites.

On estime qu’aujourd’hui près de 60 000 prisonniers d’opinion croupissent dans les geôles égyptiennes. Beaucoup s’y retrouvent sans même avoir été jugés. Certains sont parfois détenus au secret pendant plusieurs mois, d’autres sont battus pendant leur interrogatoire, ou privés de soins médicaux. Les Frères musulmans ont été rejoints par des militants de gauche, des journalistes, des intellectuels, des blogueurs, des artistes dont les moindres paroles et images sont scrutées. Si elles sont jugées subversives, elles peuvent conduire à une arrestation. Les manifestations et les grèves sont illégales. Les partis et les organisations qui critiquent le régime sont censurés et interdits, tout comme les médias indépendants. La ­quasi-­totalité des organes de presse sont désormais aux ordres du pouvoir, directement contrôlés par l’État, les services secrets ou quelques riches hommes d’affaires proches du régime. Le recours à la peine de mort est en constante augmentation : en 2022 les juges ont prononcé 538 condamnations à la peine capitale et l’Égypte a été le quatrième pays au monde procédant au plus grand nombre d’exécutions, principalement par pendaison.

Une économie en faillite et sous perfusion

La dictature s’exerce avec d’autant plus de vigueur que la profondeur de la crise économique fait craindre au régime une explosion sociale. Inflation, chute de la livre égyptienne, pénurie de dollars, l’Égypte connaît une des pires crises de son histoire. L’État a un besoin vital de devises pour importer une grande partie de sa nourriture et rembourser sa dette extérieure, qui s’élève à près de 165 milliards de dollars. Le paiement des intérêts sur la dette de l’État s’élève à 42 milliards de dollars par an, soit les deux tiers des recettes budgétaires. En janvier, l’Égypte était considérée comme le deuxième des pays les plus à risque de faire défaut sur sa dette, juste derrière l’Ukraine en guerre. Faute de dollars, entre 5 et 15 milliards de dollars de marchandises sont restées bloquées dans les ports, paralysant l’activité de nombreuses entreprises.

L’État doit verser toujours plus d’intérêts à ses créanciers, pendant que les trois plus importantes sources de revenus du pays – transfert de devises de la diaspora, tourisme et canal de Suez –, déjà touchées par le Covid, se sont effondrées sous l’effet conjugué des guerres en Ukraine et à Gaza.

La première ressource du pays, constituée des transferts des millions de travailleurs égyptiens installés dans les pays du Golfe et du bassin méditerranéen, a chuté de 30 à 22 milliards de dollars en 2023. La guerre en Ukraine a privé le secteur touristique de la clientèle ukrainienne et russe, soit 40 % des touristes étrangers. Elle a provoqué aussi une flambée du prix du blé qui a porté un lourd préjudice à l’Égypte, qui en est le principal importateur mondial.

En mer Rouge, les attaques des rebelles houthistes du Yémen en soutien aux Gazaouis ont fait chuter le trafic maritime dans cette zone stratégique. Les sommes payées chaque année par les porte-­conteneurs et autres navires qui transitent par le canal de Suez, plus de 10 milliards de dollars habituellement, ont baissé de 40 à 50 %. L’autre conséquence de la guerre au Moyen-Orient est la dislocation des liens économiques entre Israël et l’Égypte, notamment la baisse des exportations gazières en provenance d’Israël, qui engendre des coupures d’électricité préjudiciables.

Pour éviter la faillite d’un État indispensable à l’ordre des grandes puissances dans la région, les alliés régionaux de l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, ainsi que les institutions financières internationales, viennent de débloquer des fonds importants. Le 6 mars, le FMI a consenti un prêt de 8 milliards de dollars, à condition que le cours de la livre égyptienne soit flottant et que le taux d’intérêt de la Banque centrale soit relevé de 24 à 30 %. Les exigences du FMI font le bonheur des affairistes et des spéculateurs mais, en rendant l’argent plus cher, elles risquent d’accroître un chômage déjà massif. Le 17 mars, la Banque mondiale accordait, elle, une aide de 6 milliards de dollars sur trois ans. Le même jour, Sissi obtenait de l’Union européenne une aide de 7,4 milliards pour jouer le rôle de rempart contre les flux migratoires. L’Égypte n’est pas seulement un pays d’émigration, c’est aussi un refuge pour neuf millions de migrants qui ont fui les guerres régionales, selon les estimations gouvernementales. Quatre millions de Soudanais, un million et demi de Syriens, un million de Yéménites et un million de Libyens y auraient trouvé refuge. Sissi a réussi à monnayer son rôle de gardien de l’ordre impérialiste auprès des institutions internationales. Il a pu compter aussi sur l’Arabie saoudite et les Émirats, ses principaux bailleurs de fonds, pour qui la stabilité de l’Égypte est essentielle. Depuis le coup d’État de 2013, qu’ils avaient encouragé, Saoudiens et Émiratis auraient investi 100 milliards de dollars en Égypte et les Émiratis viennent d’annoncer qu’ils comptent investir à nouveau 35 milliards. Tout en maintenant l’Égypte à flot, cette manne financière a permis aux monarchies du Golfe de faire main basse sur des terres, des stations balnéaires et des entreprises publiques. Ainsi, les Émirats prévoient de consacrer 10 milliards au seul développement de Ras el-Hikma, une ville sur la côte méditerranéenne, afin d’en faire une station balnéaire de luxe, un centre financier et une zone franche, dotée d’un port et d’un aéroport international. Les Émirats percevront 65 % des revenus d’exploitation. L’Arabie saoudite entreprend un projet similaire dans l’est du Sinaï, à Ras Ghamila, au débouché du golfe d’Aqaba. Outre les financiers internationaux, le projet profitera aux patrons du BTP égyptiens, mais surtout à l’armée, dont les officiers supérieurs sont d’âpres investisseurs.

L’armée, pilier économique du régime

Forte de 468 500 hommes, l’armée égyptienne est une des plus puissantes d’Afrique et du Moyen-Orient. Chaque année, elle reçoit 1,3 milliard de dollars des États-Unis. La caste des officiers qui la dirige s’est imposée à la tête d’un vaste empire économique et, sous le règne de Sissi, la liste des secteurs dans lesquels elle est impliquée n’a cessé de s’allonger. Une loi interdit de rendre public le budget militaire, mais celui-ci est estimé entre 20 et 40 % du produit intérieur brut (PIB). Sous la tutelle du ministère de la Défense nationale et de celui de la Production militaire, une soixantaine de grandes sociétés opèrent dans dix-neuf industries. Armement, agroalimentaire, boulangerie, médias, construction automobile, tabac, industrie pharmaceutique, transports, engrais, tourisme… aucun secteur ne lui échappe, ce qui fait dire aux Égyptiens que « la plupart des États ont une armée mais, en Égypte, c’est l’armée qui a un État ». Comme ses prédécesseurs, Sissi a nommé des militaires, d’active ou retraités, à la tête des grandes compagnies publiques. Les retraites d’officiers étant peu lucratives, ces postes leur permettent de conserver un certain standing.

Même si le secteur privé est majoritaire, avec 70 % du PIB, l’armée est en position dominante. Les militaires qui s’arrogent les marchés publics sont les donneurs d’ordres dans de nombreux domaines. Bien souvent, le secteur privé se retrouve en position de sous-traitant. Les entreprises sous son contrôle ne paient ni taxes, ni impôts, ni droits de douane. Elles n’hésitent pas à recourir aux conscrits, main-d’œuvre bon marché qu’elles exploitent sans vergogne, pour la construction de ponts, routes et villes nouvelles. Cette main-d’œuvre est utilisée par la New Capital Company qui gère, sous contrôle de l’armée, la construction en plein désert de la nouvelle capitale, censée désengorger Le Caire et ses 22 millions d’habitants. Elle n’est toujours pas terminée et a déjà coûté plus de 60 milliards de dollars. Ces investissements colossaux ont enrichi les marchands de béton et n’ont fait qu’accroître la dette du pays et l’emprise de l’armée sur l’économie.

L’armée contrôle tous les ports et les péages des routes industrielles qu’elle a pavées. Elle dispose comme bon lui semble des terres d’État, qui constituent 94 % des terres du pays, et d’un contrôle sur les zones stratégiques, le littoral, le Sinaï, le canal de Suez, où se concentrent la majorité des investissements. Quiconque proteste contre ses passe-droits est accusé d’être un Frère musulman, c’est-à-dire un terroriste. Un patron de l’agroalimentaire qui avait refusé de céder son entreprise s’est retrouvé en prison.

L’armée est loin d’honorer tous les contrats qu’elle signe. Mohamed Ali, un ancien acteur reconverti dans le bâtiment, en a fait l’expérience. En 2019, mécontent de ne pas avoir été payé, il a dénoncé sur les réseaux sociaux les méthodes de l’armée, la corruption et le mépris des hauts gradés. Ses vidéos virales ont attisé la colère de la population. Durant trois jours, plusieurs milliers de jeunes ont manifesté et ont repris les slogans de 2011. Les rues du Caire ont résonné aux cris de « Sissi dégage ! » L’appareil répressif s’est abattu sur eux, plus de 4 000 jeunes ont été arrêtés, ceux à qui la justice n’avait rien à reprocher sont restés des mois en détention provisoire, pour l’exemple, afin de dissuader tout retour de la contestation. Un jeune manifestant exprimait ainsi sa rage : « Foutue dictature policière, la crise économique, l’armée… Ils nous écrasent du bout de leurs chaussures et ne laissent aucune chance aux jeunes. »

Le régime craint une nouvelle révolte

À la veille de la présidentielle de 2023, répondant aux critiques concernant les mégaprojets qui avaient ruiné le pays, Sissi justifiait sa politique : « Si le prix du progrès et de la prospérité est d’avoir faim et soif, ne mangeons pas et ne buvons pas. » Le Monde rapporte qu’en mars à Alexandrie, durant le ramadan, des cortèges réunissant des dizaines de personnes lui ont répondu en défilant avec des pancartes « On a faim, ô Sissi ». Le progrès qu’invoque Sissi ne profite qu’à une minorité qui vit dans le luxe, barricadée dans des quartiers sécurisés, loin de la pauvreté, de la misère des classes populaires et de la paupérisation des classes moyennes.

Coupe dans les subventions à l’énergie et aux biens de première nécessité, hausse des prix du transport, chômage : la majorité des Égyptiens sont pris à la gorge. 60 % de la population est considérée comme pauvre et ne profitera pas des milliards de dollars promis à Sissi, en revanche elle en paiera les intérêts. La presse rapporte les propos lucides d’une femme qui s’enquérait de l’arrivée du sucre dans une épicerie du quartier cairote de Dokki : « Ils ont donné l’impression que les dollars pleuvaient sur nous. Que diriez-vous d’une pluie de sucre bon marché ? » Avec les pénuries et une inflation annuelle de plus de 39 %, et même de 70 % pour les produits alimentaires, se nourrir est un parcours du combattant. Une colère sociale couve et s’est exprimée fin février, lors de la grève des 3 700 ouvrières des filatures de l’entreprise publique de Mahalla el Koubra, dans le delta du Nil. Elles n’acceptaient pas que les 750 000 travailleurs des entreprises publiques ne bénéficient pas des hausses du salaire minimum accordées aux cinq millions de fonctionnaires.

Rejointes par plusieurs milliers d’autres travailleurs du site, les grévistes n’ont pas hésité à braver l’interdiction de manifester et ne se sont pas laissé intimider par la centaine d’arrestations. La grève gagnant d’autres secteurs, Sissi a lâché du lest et a annoncé que les 750 000 travailleurs du secteur public percevraient, comme les fonctionnaires, une augmentation du salaire minimum, le portant à 6 000 livres égyptiennes, soit 180 euros.

Sissi a donc cédé après quelques jours de grève, conscient que sinon il risquait d’être confronté à une contestation bien plus difficile à contrôler. La classe ouvrière représente une force en Égypte. Malgré des syndicats réprimés et domestiqués, l’embrasement des concentrations ouvrières, présentes notamment dans le delta du Nil, est considéré comme un risque majeur par le régime.

Il faut ajouter que, depuis le 7 octobre et la guerre à Gaza, la contestation a trouvé un nouveau canal pour s’exprimer. La question palestinienne est revenue au-devant de la scène, ranimant une vie politique que le régime a mis des années à étouffer. Le pouvoir craint que les actions de solidarité avec les Palestiniens fassent renaître une contestation qui se retournerait contre lui. Les seules manifestations de soutien aux Palestiniens qu’il avait autorisées le 20 octobre ont confirmé ses craintes. À cette occasion, les manifestants ont repris des slogans contestataires de 2011, tels que « Pain, liberté, cause palestinienne ». Les forces de sécurité ont aussitôt réprimé et procédé à une cinquantaine d’arrestations. La contestation a été brisée dans l’œuf, mais la guerre à Gaza se prolongeant, le régime égyptien reste sous pression. Il doit composer avec ses alliés israéliens et américains et une opinion populaire pro-­palestinienne, de plus en plus acquise au Hamas.

Al-Sissi utilise les négociations sur l’avenir de Gaza qui ont lieu au Caire pour apparaître comme un faiseur de paix et un défenseur de la cause palestinienne. Il encourage des collectes de sang, de médicaments et de nourriture destinées aux Palestiniens, mais refuse fermement d’ouvrir le point de passage à Rafah, ville à la frontière avec l’Égypte où 1,4 million de Palestiniens ont trouvé refuge, et qui est un des seuls moyens pour les personnes et l’aide matérielle d’entrer et de sortir de Gaza. Al-Sissi se rend ainsi complice de l’enfermement des Palestiniens et le justifie en affirmant vouloir empêcher une nouvelle Nakba (nom de l’exode des Palestiniens en 1948) et permettre à ceux-ci de rester chez eux. Mais après sept mois de guerre, plus de 35 000 morts, 76 900 blessés et la destruction de la bande de Gaza, ceux qui ont survécu n’ont plus de chez eux et souvent plus de famille…

En fait, dans l’éventualité où Netanyahou mettrait à exécution sa menace d’une offensive terrestre à Rafah, l’État égyptien, qui s’en défend, a construit un vaste camp dans le Sinaï égyptien, le long de la frontière avec la bande de Gaza, pour contenir les Gazaouis qui seraient en fuite et éviter qu’ils ne se réfugient en Égypte.

Al-Sissi défend sa complicité criminelle avec Israël en invoquant la défense de la paix et de la nation. Mais sa participation à l’oppression des Palestiniens, et plus généralement au maintien de l’ordre impérialiste au Moyen-Orient, qui va à l’encontre des sentiments des classes populaires égyptiennes dont la vie quotidienne est de plus en plus dure, peut à tout moment déboucher sur une nouvelle explosion de révolte. Il reste à espérer qu’une telle révolte dépasse les frontières de l’Égypte, pour entraîner les exploités de toute la région, et qu’elle tire les leçons du Printemps arabe de 2011 : l’armée n’est en aucun cas une alliée, mais toujours la gardienne de l’ordre social et de l’ordre impérialiste.

18 avril 2024

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