Russie : Poutine réélu, et après ?20/03/20242024Journal/medias/journalarticle/images/2024/03/resultats-election-russie.jpg.420x236_q85_box-3%2C0%2C1277%2C717_crop_detail.jpg

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Poutine réélu, et après ?

Sans surprise, Poutine a été réélu président avec près de 88 % des voix et une participation des électeurs de 73,33 %. C’est ce que le Kremlin a prétendu, après trois jours de vote et des opérations de décomptage qui ont eu lieu sans aucun contrôle, même celui, bien limité, de quelques observateurs indépendants.

Illustration - Poutine réélu, et après ?

Dans les grandes villes, les directions des entreprises et des administrations avaient fait pression pour que leurs salariés et employés indiquent s’ils allaient voter, où, quel jour, à quelle heure. C’était une menace à peine voilée sur les indécis. Côté carotte, à son habitude, le pouvoir avait aussi organisé un peu partout des tombolas sur les lieux de vote. Mais les réseaux sociaux ont aussi fait des micro-reportages édifiants. Ainsi, dans un secteur de production d’une usine de Moscou, sur dix ouvriers, trois seulement s’apprêtaient à aller voter. Il est vrai qu’on ne peut généraliser cet exemple, même si d’autres vont dans le même sens.

Après avoir écarté tout candidat ayant l’air tant soit peu opposé à sa politique, Poutine a récolté un grand nombre de voix parmi les bureaucrates et les nantis, cela va de soi, mais aussi dans les couches populaires. Il s’agit sans doute là moins d’un vote de confiance, comme cela a pu être le cas à une époque, que d’un vote de peur. Peur de la répression qui frappe quiconque émet une critique du pouvoir. Peur aussi, et le pouvoir a joué là-dessus, d’une défaite militaire que la population assimile à des sacrifices matériels et humains consentis en vain, ainsi qu’à une promesse d’aggravation de sa situation.

En ayant liquidé toute forme légale ou tolérée de contestation, Poutine a lié le sort du régime et le sien à la guerre. Cela se manifeste par des mesures de plus en plus impopulaires, tel l’élargissement de la mobilisation. Il disait s’y refuser avant l’élection, mais il pourrait y procéder sous peu, comme il avait augmenté la TVA à 20 % juste après la présidentielle de 2018. Cette fois, les travailleurs devront d’autant plus se serrer la ceinture que l’inflation ronge leur pouvoir d’achat, alors que le Kremlin a déjà fortement réduit les budgets sociaux, celui de la guerre absorbant la moitié des recettes de l’État. Le résultat est que, privés de tout moyen légal d’exprimer leur mécontentement, des citoyens russes l’expriment parfois de façon plus radicale. Même dans des milieux autres que ceux de la petite bourgeoisie, de l’intelligentsia et de la jeunesse estudiantine, qui ont dans un passé récent formé le gros des manifestants anti-Kremlin, certains en viennent à des actions qui défraient la chronique judiciaire.

C’est le cas de ces électeurs que des vidéos ont montrés, dans plusieurs villes, jetant de la teinture dans des urnes électorales ou y mettant le feu, en sachant que la police leur tomberait dessus. Il y a aussi cette retraitée de Perm, grande ville industrielle de l’Oural, qui a incendié un poste de recrutement militaire. Arrêtée, elle a dit avoir voulu dénoncer le fait qu’elle n’arrive plus à payer son loyer avec sa pension.

Pareils exemples se multiplient depuis la guerre en Ukraine, dans des régions et des secteurs de la société qui n’avaient pas une réputation contestataire. En Bachkirie, une foule ouvrière a récemment affronté la police, qui a dû – chose rarissime depuis trente ans – faire usage de gaz contre les manifestants. Mais ces actions ont le plus souvent un caractère individuel, inorganisé, voire désespéré.

Parce que la guerre et les oligarques l’exigent, le pouvoir russe ne peut qu’accentuer ses attaques contre la population laborieuse. Face à cela, elle devra retrouver la voie de l’organisation et du combat collectif pour ses intérêts de classe.

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