Le communisme, l'écologie et les écologistes13/12/19961996Cercle Léon Trotsky/static/common/img/clt-min.jpg

Le communisme, l'écologie et les écologistes

Pluies acides, marées noires, déforestations, réduction de la couche d'ozone, effet de serre, la liste des problèmes liés aux détériorations, réelles ou supposées, de l'environnement des hommes sur la Terre que l'actualité met périodiquement à l'ordre du jour est bien longue. Il ne s'agit pas toujours de catastrophes comme celle de Bhopal en Inde en 1984 ou celle de Tchernobyl en 1986. Mais il s'agit de questions qui concernent le devenir de la planète et l'avenir de l'humanité, même si ces problèmes, qu'on -réunit communément sous le nom de problèmes écologiques, n'ont évidemment pas tous la même ampleur ni la même gravité.

Car nous ne mettons pas sur le même plan, en ce qui nous concerne, la disparition des chouettes tachetées par exemple, et l'aggravation des inondations due à la dégradation des sols dans un certain nombre de régions du monde, avant tout dans les pays pauvres, avec le cortège de morts et de misères que ces catastrophes entraînent.

Les dommages causés à l'environnement par les activités humaines, les nuisances diverses, la pollution de l'air ou des cours d'eau, ne datent pas d'hier. Mais la constitution de la grande industrie capitaliste a représenté, de ce point de vue aussi, une date importante dans l'histoire de l'humanité. Et, sur cette base, depuis un siècle, avec une accélération depuis le dernier demi-siècle, des phénomènes aggravants sont apparus, avec l'industrie du nucléaire par exemple, le développement des industries chimiques ou encore l'entrée à grande échelle de l'agriculture dans le circuit capitaliste.

L'objet de cet exposé n'est pas de discuter de l'aspect technique de ces problèmes, de la réalité du « trou » de la couche d'ozone, ou du risque réel de voir la température moyenne du globe s'élever de quelques degrés dans la période à venir, mais de la manière dont, en tant que communistes révolutionnaires, nous nous posons ces problèmes d'environnement, le problème de la relation des hommes avec le reste de la nature.

D'autant que, depuis une trentaine d'années, sont apparus en réaction à ces problèmes, dans les pays industrialisés, des courants se proclamant le plus souvent apolitiques et se réclamant de « l'écologie ».

La première chose à préciser, c'est que l'écologie, au sens propre du terme, est une branche de la science, plus précisément de la biologie, dont l'objectif est de comprendre le fonctionnement de la communauté des êtres vivants d'un milieu donné, avec toutes ses interactions et sa dynamique. Mais ce mot a pris, dans les années 1960, une signification assez différente. Il désigne aussi, depuis cette date, un courant de pensée qui s'interroge sur la place et le rôle de l'homme dans le monde vivant, et qui s'alarme volontiers à la perspective de désastres touchant l'environnement qui pourraient conduire aux pires conséquences pour l'espèce humaine. Un courant de pensée qui a donné naissance à diverses institutions, ainsi qu'à des groupements politiques divers et variés, qu'on a pris l'habitude de réunir sous la rubrique « écologistes ».

Mais tout cela ne fait pas de tous les écologistes, suivant cette définition élargie, des scientifiques pour autant.

Les marxistes révolutionnaires que nous sommes ne sont pas non plus des spécialistes des sciences de la nature. Mais nous avons une conception de l'histoire des sociétés humaines, y compris de leur impact sur leur environnement naturel, qui nous fait penser que le vrai problème est avant tout dans la nature des rapports économiques et sociaux qui régissent ces sociétés humaines, en particulier à l'époque du système capitaliste.

Ces problèmes dits « écologiques », de rapports de l'homme avec l'ensemble de ce qui fait son milieu, ne sont pas plus « neutres » que les autres problèmes, pas plus indépendants de la structure de notre société. Car, comme l'écrivait déjà Friedrich Engels il y a un siècle, « qu'il s'agisse de la nature ou de la société, le mode de production actuel tient uniquement compte du résultat immédiat et manifeste », c'est-à-dire du profit capitaliste.

Pour nous, c'est ce mode de production capitaliste qui est en cause y compris dans la façon de gérer, ou plutôt de dilapider, polluer, détériorer de façon peut-être irréversible - c'est vrai - le milieu dans lequel vivent les êtres humains.

Cela nous différencie des courants et mouvements politiques se réclamant de l'écologie qui, s'ils accusent parfois et dans le meilleur des cas différents aspects du fonctionnement du système capitaliste, ne vont pas plus loin dans la recherche des responsabilités de fond.

 

L'homme et la nature

 

Puisqu'il s'agit des rapports entre les êtres humains et le milieu dans lequel ils vivent, la planète Terre avec ses mers, son sol et son atmosphère, les animaux et les plantes qui y vivent - leur milieu « naturel » - il est sans doute nécessaire de commencer par définir ce que nous pouvons raisonnablement mettre derrière ce mot de « nature ».

On entend en effet abondamment invoquer les « lois de la nature », la nécessité de « défendre » ou de « protéger » la nature, que les activités humaines mettraient à mal. Mais, il faut s'entendre.

Derrière l'idéologie écologiste prise globalement revient en effet régulièrement l'idée selon laquelle il aurait existé, avant l'homme, une entité Nature parfaite, et stable - une espèce de paradis terrestre - que l'homme serait venu perturber. Bien des botanistes et des géographes ont raisonné ainsi, en définissant un état idéal des relations entre les êtres vivants et le milieu, en l'absence d'intervention humaine.

Et des penseurs se réclamant de l'écologie sont allés plus loin, comme notamment le naturaliste Jean Dorst, ancien directeur du Muséum d'histoire naturelle, dans un livre qui fit quelque bruit en 1964, « Avant que la nature meure » : « L'homme, écrivait-il, n'existait pas encore et cela pendant des millions d'années, et déjà un monde semblable ou différent du nôtre étalait ses splendeurs (...) L'homme est apparu comme un ver dans le fruit, comme une mite dans une balle de laine, et a rongé son habitat, en sécrétant des théories pour justifier son action ».

Ce genre de conception, qui aboutit à considérer l'espèce humaine comme parasite, sinon ennemie de la planète, se retrouve en filigrane chez nombre d'écologistes. Les mêmes voient souvent le développement démographique de l'humanité comme une calamité.

Or, l'idée de la stabilité de la nature est un mythe. Si la nature peut paraître stable, c'est à l'échelle de quelques générations, et encore. Mais, à l'échelle des temps géologiques, les milieux naturels sont en perpétuel changement, ils ont une histoire. Les continents ont dérivé, les climats ont fluctué, les formes de vie se sont modifiées, les zones de forêts ont connu des phases d'expansion et de réduction, et il y a eu un temps où le Sahara était jalonné de marécages et de lacs... La Terre n'a pas attendu l'homme pour connaître des perturbations.

Ce qu'on appelle les équilibres naturels ne sont pas des équilibres stables et fixes. Ce sont des processus dynamiques, au sein desquels des espèces disparaissent et d'autres apparaissent. Le renouvellement est constant. C'est une des grandes lois des phénomènes vivants, et il n'y a pas de raison de pleurer la disparition de telle ou telle espèce dans ces conditions. C'est au travers d'extinctions plus ou moins massives de multiples formes vivantes, au travers de crises, que la vie a évolué.

Mais, évidemment, ces perturbations s'étendaient en général sur plusieurs millions d'années, alors que l'espèce humaine, elle, a bouleversé la planète en quelques millénaires, voire en cinquante ans.

Toutes les espèces vivantes modifient certes leur environnement par leur seule présence ; mais elles sont incapables de tirer de la nature autre chose que ce que la nature produit. Engels l'expliquait déjà : si les animaux exercent une action sur leur environnement, c'est sans savoir ce qu'ils font, ne faisant qu'utiliser la nature, tandis que l'homme, à partir du moment où il s'est mis à produire, poursuit un but. Il cherche à assujettir la nature, à la dominer.

Ainsi, lorsque, il y a environ 10 000 ans, l'homme a commencé à pratiquer l'agriculture et l'élevage, il a commencé à détruire dans certaines zones la végétation naturelle, dans le but de semer des graines de céréales ou de planter des arbres fruitiers. Il n'a pas tardé dès lors à essayer d'acclimater les plantes et les animaux qu'il jugeait utiles hors de leur habitat naturel. A les faire se multiplier. Et cela a modifié la faune et la flore à l'échelle de régions de plus en plus vastes. Ces ancêtres du néolithique, en domestiquant certaines espèces végétales et animales, ont transformé dès cette époque par la sélection artificielle des espèces sauvages dans un sens utile à l'homme. Aurait-il fallu qu'ils se contentent des rares plantes comestibles « naturelles » qu'ils pouvaient cueillir autour d'eux ? Ou qu'ils continuent à ne rechercher leur ration de protéines animales qu'en s'adonnant à la chasse (à condition qu'elle fut « écologique » ), plutôt que de recourir à l'élevage ?

Ces questions n'ont aucun sens. Et pourtant, ces activités, tout en donnant naissance aux premières civilisations, ont bel et bien altéré, sinon même parfois dévasté, l'environnement ! L'élevage du mouton et de la chèvre a par exemple joué vraisemblablement un grand rôle dans la désertification du bassin méditerranéen.

Cela fait des millénaires que les équilibres naturels ont été ainsi maintes fois bouleversés par l'homme. Ses efforts pour maîtriser ses rapports avec la nature ont jalonné toute son histoire. La conquête des forêts, pour échapper à la dépendance alimentaire, en a constitué une part importante un peu partout dans le monde. En Europe, les grands défrichements ont connu leur apogée entre le XIe et le XIIIe siècles. L'agriculture se développait rapidement, avec les progrès de l'outillage, et par ailleurs le bois était le principal combustible. Au XIVe siècle, il restait semble-t-il moins de forêts qu'aujourd'hui dans le territoire qui est devenu la France.

A la longue et en tout cas à partir du XVIe siècle, l'Europe et en premier lieu l'Angleterre a connu une « crise du bois », ce qui a eu pour effet que l'utilisation de la houille comme combustible est devenue plus rentable...

Bien évidemment, les hommes n'étaient pas en mesure, alors, de juger des conséquences plus ou moins lointaines de telles actions. Mais il n'empêche que les défrichements faits au profit de l'agriculture ont constitué un progrès historique considérable, sans lesquels notre civilisation n'existerait pas.

Aujourd'hui, il ne reste pratiquement plus un coin du globe, dans les zones habitées, qui n'ait été transformé par l'homme. Le citadin européen qui dit aller admirer la « nature » à la campagne y contemple en fait des paysages qui sont le résultat de toute une histoire passée, en particulier de ces grands défrichements du Moyen Age.

Dans ce sens, une grande partie de la « nature » a été progressivement artificialisée : les plantes cultivées n'ont plus guère de rapport avec les plantes sauvages d'antan ; les forêts ne sont le plus souvent que des plantations d'arbres sélectionnés ; les pâturages peuvent être constitués d'herbes importées, comme dans certains pays d'Amérique centrale (importées d'Afrique, en l'occurrence)...

Et ce que nombre de gens considèrent comme leur « bout de nature », leur jardin, peut être tout à fait agréable, mais n'est pas du tout « naturel » - le style « naturel » ou « sauvage » devant d'ailleurs autant à l'artifice que celui des jardins avec statues et fontaines compliquées.

Alors, on peut dire que lorsque le courant écologiste parle de la nécessité de « respecter » la nature, de ne pas la « sacrifier », il y a dans ces expressions... à boire et à manger. Parler de milieu « naturel » est le plus souvent un abus de langage, car ce que nous appelons communément naturel est presque toujours déjà « humanisé », au sens de modifié par l'homme.

Certes, l'action de l'homme peut mettre en oeuvre des processus dangereux pour lui-même au travers de son environnement, mais chercher à y échapper par un quelconque « retour à la nature » est d'autant moins une solution que cela n'a aucune signification.

 

Montée de la bourgeoisie et progrès des connaissances

 

Pendant la période qui a vu l'ascension de la bourgeoisie en Europe, de la fin du Moyen Age jusqu'au XVIIIe siècle, l'idéologie dominante dans la nouvelle classe montante, ainsi d'ailleurs que dans certains secteurs de l'aristocratie, était marquée par un appétit de progrès, de connaissances, en même temps que de richesses.

Explorateurs, aventuriers et intellectuels découvraient le monde : le monde des autres continents comme celui des connaissances à partir des données de la science naissante. L'idée du pouvoir de l'homme sur la nature accompagnait cette démarche conquérante.

Maîtriser les rapports entre l'homme et la nature, c'est d'abord connaître et comprendre celle-ci. Avec les grands voyages, les descriptions détaillées, les histoires naturelles, les planches de botanique et de zoologie se sont multipliées. De Marco Polo à Léon l'Africain, de nombreux voyageurs naturalistes ont dressé une sorte d'inventaire des paysages et des climats, des espèces d'animaux et de plantes nouvelles pour eux.

Les premiers herbiers de la Renaissance contenaient au maximum quelques centaines de plantes ; à la fin du XVIe siècle, des botanistes français en avaient déjà décrit près de 6 000 espèces. Au milieu du XVIIIe siècle, le suédois Linné dénombrait quelque 40 000 espèces de plantes et d'animaux (aujourd'hui, on en est approximativement à 1 700 000, et ce n'est pas terminé).

Le siècle des Lumières connut un véritable engouement pour le recensement des espèces vivantes, et la nécessité se fit sentir d'un système de classification, dans lequel Linné s'illustra. Mais on concevait toujours les espèces comme immuables depuis leur création par Dieu. Si on les classait dans des sortes de catalogues, certes plus fournis qu'aux temps de l'Arche de Noé, cela consistait à les grouper par ressemblances les unes aux côtés des autres, en tant qu'espèces fixes, sans idée d'évolution. La nature ne passait pas pour avoir son histoire dans le temps.

Ce n'est pas seulement une platonique « vénération » de la nature qui motivait les intellectuels, et moins encore, bien sûr, les marchands en plein essor. Le grand commerce avait ses aiguillons, par exemple le commerce international des fourrures qui poussait à chasser et à massacrer les bêtes sauvages du Canada. Avec la bénédiction de la religion officielle du moment, pour laquelle Dieu avait donné toutes les créatures à l'homme pour son bénéfice...

La mentalité générale, en ces débuts de l'époque moderne qui précédèrent l'époque de la grande industrie, ne nourrissait pas d'enthousiasme particulier à l'égard de la nature et du naturel. Au contraire, les zones non cultivées, comme les landes ou les montagnes, étaient jugées hostiles, sauvages et même laides. Ce qui était considéré comme civilisé, et beau, c'étaient les paysages cultivés et productifs.

Mais les temps étaient en train de changer. Au début du XIXe siècle, le poète anglais Wordsworth se lamentait devant cette mentalité en ces termes : « Aux yeux de milliers, et de dizaines de milliers d'hommes, une riche prairie, avec du bétail bien gras en train de paître, ou la vue de ce qu'ils appelleraient une grosse récolte de blé, a autant de valeur que toutes (...) les Alpes et les Pyrénées dans leur grandeur et leur beauté extrêmes ».

Le sentiment esthétique, lui aussi, a son histoire...

 

La révolution de l'industrialisation capitaliste

 

La révolution introduite par la grande industrie a, en effet, bouleversé les choses, et elle a transformé l'ampleur du problème posé par les rapports entre l'homme et la nature. Parce qu'elle a permis l'expansion du système capitaliste, qui en l'espace d'un siècle, le XIXe, a rendu ce problème plus aigu que toute l'histoire de l'humanité ne l'avait fait auparavant.

L'homme avait, certes, rasé des forêts, retourné le sol, asséché des marais, à la mesure des progrès de son outillage. Et les techniques anciennes n'étaient pas forcément « propres », écologiquement parlant, même si elles étaient plus primitives !

Les villes du Moyen Age avaient connu leur lot de pollutions avec leurs rues qui ressemblaient à des cloaques et leurs rivières où se déversaient les déchets des tanneries et des abattoirs. On s'était plaint, à Londres, de la pollution de l'air, dès le XIIIe siècle. Et les villes industrielles anglaises, à cause de l'utilisation du charbon dans les manufactures naissantes en particulier, étaient déjà noyées dans des fumées malsaines au XVIIIe siècle.

Mais, désormais, avec le développement de l'industrie, un levier sans commune mesure était placé entre les mains de la classe dominante, détentrice de moyens techniques à une échelle jamais vue. Et l'industrialisation capitaliste entraîna une généralisation des pollutions et des nuisances de toutes sortes.

A titre d'anecdote, on relève que, les effets toxiques se faisant sentir d'abord dans l'entourage des usines, c'est dès 1810 qu'en France un décret impérial proclama la nécessité (tout en respectant bien sûr préalablement la propriété privée, la rentabilité et la liberté du travail...) de ne pas nuire à la sécurité et la salubrité du voisinage.

C'est que des bourgeois aussi étaient affectés par les fumées... 1810, c'était en tout cas bien avant toute législation protectrice des travailleurs, ne fût-ce que les enfants.

Désormais, avec l'expansion des besoins en énergie - faisant appel au charbon, puis plus tard au pétrole - les pollutions de l'air, de l'eau et des sols prenaient une tout autre ampleur. Des sources nouvelles de pollution vinrent s'ajouter aux précédentes, avec le développement de l'industrie chimique en particulier. Et l'urbanisation accélérée des pays européens en voie d'industrialisation en a démultiplié les conséquences.

 

Une nouvelle branche de la biologie

 

Parallèlement, cependant, les sciences et les techniques faisaient des progrès spectaculaires.

La branche de la science qui a reçu le nom d'écologie s'est constituée à la confluence de plusieurs disciplines dans la deuxième moitié de ce XIXe siècle.

Diverses sortes de travaux et de recherches y ont contribué. Par exemple, la conquête et l'exploitation de pays transformés en colonies par les pays capitalistes s'accompagnaient d'un certain intérêt scientifique, notamment en matière de connaissances sur les maladies tropicales, donc sur les insectes porteurs de germes, et aussi sur la flore tropicale.

La biologie - la science des organismes vivants - connut une étape décisive entre 1855 et 1865. Mais le cloisonnement qui existait toujours entre les différentes branches des sciences naturelles - la botanique, la zoologie, etc. - entraînait la fragmentation des connaissances, et c'était un frein à la connaissance des lois générales. On éprouvait le besoin de synthèses intellectuelles, la nécessité d'étudier la nature d'un point de vue plus global.

Les idées évolutionnistes commençaient à être dans l'air du temps. Darwin avait eu divers précurseurs, mais son traité de l'Origine des espèces, paru en 1859, annonça la victoire des idées transformistes. Il apparut assez vite que la théorie de l'évolution était « plus qu'une hypothèse », même si le Pape de Rome vient seulement de l'admettre, plus d'un siècle après...

C'est un ardent propagateur des idées de Darwin, Ernst Haeckel, qui créa, à partir de deux racines grecques signifiant maison et science, le terme d' « écologie », qui signifie donc science de l'habitat, ou du milieu de vie si l'on veut.

A partir du moment où Darwin posait le problème de l'évolution des espèces à travers la lutte pour l'existence et la sélection naturelle, cela ouvrait en effet les portes à cette nouvelle branche de la biologie. Dès lors que l'on s'interroge sur les chances de survie de telle espèce d'herbivore, par exemple, cela amène à s'interroger sur les plantes dont il se nourrit, la nature du sol et les conditions du climat qui ont permis à ces plantes de pousser, comme sur les prédateurs qui s'en nourrissent, ou ses parasites. Ce qui veut dire envisager toute une étude de son milieu de vie avec ses multiples interactions.

Haeckel réunissait sous le nom d'écologie une telle étude, ambitieuse. Ambitieuse, parce qu'étudier les êtres vivants dans leur fonctionnement global et dans la nature même n'est pas une chose facile ni rapide.

C'est pourquoi l'écologie scientifique n'a pas connu un grand épanouissement à l'époque, même si plusieurs scientifiques, des écologues, menèrent quelques travaux de recherche avec des buts appliqués, comme l'amélioration du rendement des pêches ou le perfectionnement de l'ostréiculture.

Ce n'est que vers les années 1910, 1920 et 1930 que l'écologie scientifique, conception globale et dynamique, a commencé à se constituer vraiment, et d'ailleurs tout particulièrement dans la jeune Union soviétique.

 

Société industrielle et nature ne sont pas incompatibles

 

Les capitalistes avaient d'autres chats à fouetter que de s'atteler à une meilleure connaissance du fonctionnement de la nature. Pourtant, dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'industrie capitaliste avait déjà détérioré l'environnement dans plusieurs pays européens, et commençait aussi à le faire aux États-Unis d'Amérique.

La conscience du phénomène fut due pour une part aux observations faites dans les colonies anglaises, notamment sous l'influence des travaux de Darwin, sur la disparition de certains espèces animales par exemple. Les médecins britanniques de la Compagnie des Indes orientales s'alarmaient déjà, en 1852, des conséquences de la destruction des forêts tropicales due à la colonisation. Ils y liaient les problèmes d'inondations qu'ils rencontraient en Inde, notamment.

Et le plus frappant peut-être est que quelques-uns, dans la communauté scientifique de l'époque, débattirent, dans les années 1860, de la question des risques d'un changement global du climat, voire même d'une possible altération de la constitution de l'atmosphère terrestre à cause des rejets industriels de gaz carbonique, et des menaces en conséquence pour la survie de l'espèce humaine...

Face à ces problèmes qui, comme on le voit, ne sont pas tout à fait nouveaux, la question était soulevée : le massacre de la nature n'est-il pas une fatalité inhérente à l'industrie moderne - dont, pour ses laudateurs, il conviendrait de s'accommoder comme d'un tribut inévitable à payer au « progrès », ou qui serait, inversement, pour ses détracteurs, une raison de rejeter la grande industrie en tant que telle.

Face à la bourgeoisie intéressée à la défense de son système d'exploitation et encline à se laver les mains des conséquences, n'y aurait-il donc d'autre solution envisageable que le refus du progrès apporté par l'industrialisation - c'est-à-dire une impasse ?

A la base, le problème est le même aujourd'hui, et les réponses possibles sont de même nature.

Il s'est trouvé des militants pour refuser d'emblée de se laisser enfermer dans ce faux dilemme, avant tout Marx et Engels.

 

Ce qui est en cause : la loi du profit capitaliste

 

Ce qui marquait le XIXe siècle, ce n'était pas le triomphe de l'« industrie » comme telle, mais celui de l'industrie capitaliste. Marx comme Engels dénonçaient globalement la contradiction fondamentale entre les intérêts du système capitaliste et les intérêts de l'humanité, intérêts généraux qui incluaient expressément pour eux le bon état de son environnement sur la Terre. En mettant particulièrement l'accent sur les conséquences du fait que le capitalisme fonctionne uniquement dans le court terme et en vue du profit, ils avaient aussi en vue les dégâts que cela causait immanquablement à la nature.

Ainsi, Marx, qui était vivement intéressé par les développements en cours dans l'agriculture, c'est-à-dire les débuts des applications de la chimie, souligna que « Tout l'esprit de la production capitaliste, axée sur le gain en argent immédiat, est en contradiction avec l'agriculture, qui doit desservir l'ensemble des besoins permanents des générations humaines qui se chevauchent ». Il précisait : « chaque progrès de l'agriculture capitaliste représente un progrès non seulement dans l'art de dépouiller le travailleur, mais dans celui d'appauvrir la terre ; toute amélioration temporaire de la fertilité des sols rapproche des conditions d'une ruine des sources durables de cette fertilité ».

Plus globalement, Engels, dans son ouvrage « Dialectique de la nature », écrit entre 1875 et 1885, décrivit la nature comme un ensemble de processus en interactions continuelles, se développant dans des conditions en perpétuelle évolution. « Gardons-nous », écrivait-il, « de trop nous féliciter des victoires remportées sur la nature (...) En défrichant les forêts pour obtenir des terres cultivables, les habitants de la Mésopotamie, de la Grèce, de l'Asie mineure et d'ailleurs étaient loin d'imaginer qu'ils jetaient les bases de la dévastation actuelle de ces pays ». Il donnait d'autres exemples du même genre, pour ajouter « nous ne dominons nullement la nature à l'instar du conquérant d'un peuple étranger, comme si nous étions placés en-dehors de la nature (...) toute la souveraineté que nous exerçons sur elle se résume à la connaissance de ses lois et à leur juste application, qui sont notre seule supériorité sur toutes les autres créatures.

En effet, chaque jour, nous apprenons à mieux pénétrer ses lois et à reconnaître les effets plus ou moins lointains de nos interventions(...) ».

Et encore la connaissance ne suffit-elle pas, ainsi qu'Engels le précisait lui-même un peu plus loin. Parvenir à dominer et régler les conséquences lointaines de nos activités productrices, disait-il, « exige de nous autre chose qu'une simple connaissance », et « nécessite le bouleversement total de notre production, y compris l'ordre social actuel dans son ensemble ».

Car, « jusqu'ici, les modes de production n'ont jamais visé qu'au rendement purement utilitaire, direct et immédiat du travail. Leurs conséquences multiples, qui n'apparaissent qu'à la longue (...) furent totalement négligées ».

« Le profit obtenu par la vente est le seul et unique mobile » du capitaliste, « (...) ce qui advient ultérieurement de la marchandise et de son acquéreur est le dernier de ses soucis. Il en va de même quand il s'agit des effets naturels de ces agissements ».

Comme on le sait, les appréciations de Marx et d'Engels sur le maintien des « sources durables de la fertilité des sols » - notion qui apparaît moderne à bien des écologistes d'aujourd'hui - n'en ont pas fait des militants écolos, hostiles à la société industrielle en soi... Au contraire, ils démontrèrent que société industrielle et nature ne sont nullement incompatibles, mais, en même temps, qu'une organisation consciente de la production exige le bouleversement de « l'ordre social actuel dans son ensemble ».

C'étaient des révolutionnaires communistes, et leur démarche demeure la seule véritablement féconde pour l'avenir, contrairement à celle des militants qui restent sur l'étroit terrain de l'écologie.

 

Les courants anti-industrialistes

 

Il existait d'ailleurs à cette époque tout un courant qui était l'ancêtre des écologistes actuels. En fait, il était même apparu en Angleterre dès les débuts de la révolution industrielle. A la fin du XVIIIe siècle, des privilégiés dénigraient les villes, leur pollution, se plaignaient de leur surpopulation, de la laideur des miséreux, et ainsi de suite. C'étaient parfois les mêmes riches bourgeois qui pouvaient s'offrir la beauté de propriétés dans la campagne, avec arbres, parc et lacs, grâce au profit tiré de leurs forges qui avaient dénudé les paysages un peu plus loin.

Et la mode de la nature prétendument « sauvage » remplaça le goût pour la nature fertile, cultivée, maîtrisée par l'homme.

Toute cette attitude a été avant tout le fait de gens vivant dans l'aisance. La bourgeoisie, impitoyable envers les travailleurs, sécrétait aussi, par ailleurs, un mouvement pour la protection des animaux (dès lors que leur rôle dans la nouvelle société industrielle était devenu plus marginal qu'avant).

Plusieurs décennies plus tard, à l'époque de la reine Victoria, avec la production massive de la grande industrie et la domination des valeurs liées au capital, les courants anti-industrialistes ont pris des proportions importantes. Réactions morales ou esthétiques, elles préconisaient notamment de retourner aux traditions et aux valeurs de l'artisanat d'autrefois.

Moins marqué qu'en Angleterre, ce type de mouvement a existé aussi à l'époque dans les autres pays industriels, et les thèmes des « Amis de la nature », du « retour à la nature », de la « protection de la nature », ont fleuri, dans des associations diverses comme dans la littérature. La loi française sur la protection des « sites et monuments naturels de caractère artistique » date de 1906. De son côté, un géographe russe développait en 1901 les mêmes thèmes, pour exalter une économie rurale qui serait notamment fondée sur l'énergie solaire... Il n'y a vraiment pas beaucoup de nouveau sous le soleil !

Ces courants qu'on pourrait qualifier d'écologistes avant la lettre émanaient de la petite bourgeoisie qui se souciait de la qualité de sa vie. Pour les prolétaires, la qualité de leur vie se heurtait directement à l'exploitation capitaliste, dont la petite bourgeoisie profitait au contraire, tout en souffrant de certains de ses effets secondaires. La société capitaliste opulente « digéra » facilement ce courant contestataire qui restait limité. Mais avec sa nostalgie d'un Moyen Age idéalisé et des sociétés pré-industrielles en général, il avait une forte composante réactionnaire.

 

Le mouvement écologiste des années 1970

 

Le XXe siècle n'a pas connu pendant des décennies de grands mouvements de protestation contre la destruction de l'environnement, et il a fallu attendre les années 1970 pour qu'apparaisse ce que l'on a appelé le mouvement écologiste, à l'échelle de l'ensemble des pays industrialisés.

Et pourtant, la première moitié du siècle, marquée en particulier par deux guerres mondiales, n'est pas allée sans dégâts non plus du point de vue « écologique ». Ces guerres ont été destructrices aussi de bien des « équilibres naturels » ; elles ont dévasté des territoires entiers.

Mais la société bourgeoise ne s'offre le luxe de se soucier de la nature qui nous entoure qu'en de rares périodes. Elle ne sécrète des préoccupations de cet ordre, parmi sa jeunesse en particulier, que dans les époques où elle semble assurer un certain confort à de larges couches de la petite et moyenne bourgeoisie. Ce n'est pas un hasard si ce phénomène est intervenu trente ans après la fin de la seconde guerre mondiale, à la fin de ces prétendues « glorieuses » dont sont si fiers les chantres de l'économie capitaliste.

Le premier parti écologiste au monde a été fondé en 1972 en Nouvelle-Zélande. 1971 avait été l'année du premier ministère de l'Environnement dans un gouvernement français.

Les multiples mobilisation de la période - des manifestations pour la défense du plateau du Larzac contre les projets d'extension du camp militaire à la contestation anti-nucléaire - se sont caractérisées par leur hétérogénéité.

Différents courants ont contribué au mouvement : des mouvements d'usagers, souvent très locaux, contre les nuisances apportées à leur cadre de vie par des projets d'extension d'autoroutes par exemple ; le courant ancien des associations de défense de la nature, qui connaissait un regain d'activité. La parution de plusieurs livres d'intellectuels portant sur l'avenir incertain de la planète, souvent porteurs de prédictions alarmantes, joua son rôle.

Bien des courants bourgeois « apolitiques » s'y retrouvaient. De son côté, la contestation étudiante de Mai 1968 apporta son lot de militants.

Le mouvement écologiste fut, sur le fond, un mouvement de protestation d'une partie de la petite bourgeoisie des villes contre les méfaits de la société industrielle. Et ce n'est pas un hasard s'il comporta un large aspect critique de la vie citadine.

En 1972, le journal La Gueule ouverte, créé par un journaliste de Charlie-Hebdo, lançait un appel à « changer sa vie ». Le « retour à la terre » devint à la mode. Des petits-bourgeois citadins s'en allèrent faire l'expérience des valeurs prétendument « authentiques », liées selon eux aux genres de vie traditionnels, ceux des artisans et des bergers, de la vie rurale en général. Cuire soi-même son pain, porter des vêtements tissés à la main et surtout pas en textiles synthétiques, manger « bio », devint l'idéal de vie d'une fraction de la jeunesse. Cela avait un air de renouveau, mais c'était globalement un mouvement de retour en arrière complété de préjugés passéistes.

Car si le mouvement dit « écologiste » se pare du nom d'une science, il y a souvent une marge importante entre les scientifiques spécialistes de l'écologie et ce que préconisent les « écologistes » en général, qui refusent souvent la science, en l'accusant de tous les maux.

Dans le domaine de l'agriculture, cette attitude a consisté à refuser les applications de la chimie. Partant du fait bien réel des pollutions entraînées par l'utilisation abusive des pesticides et des herbicides, elle a consisté à préconiser l'agriculture dite « biologique » en l'opposant au terme « chimique » devenu synonyme de poison, opposition qui n'a aucun sens, car toute la nature est formée de composés « chimiques », et les dégâts causés par les lisiers (c'est-à-dire les déjections « naturelles » ) des élevages de porcs bretons sont là pour prouver que, « naturels » ou « chimiques », les nitrates présentent les mêmes qualités et les mêmes dangers, suivant leur concentration dans les sols.

L'application de la chimie à l'agriculture a été une source de progrès considérable et elle l'est toujours. Ce n'est pas elle qu'il faut mettre en cause, mais son utilisation irrationnelle dans le cadre du capitalisme, liée à la recherche du seul profit par les Sandoz, Ciba-Geigy et autres Rhône-Poulenc.

Dans le même ordre d'idées, un certain nombre de groupes écologistes refusaient aussi, au nom de la liberté individuelle, « le caractère obligatoire des vaccinations », en arguant des accidents qu'elles peuvent causer. Ceux-ci existent certes. Mais il est tout aussi évident que les vaccinations ont fait reculer bon nombre de maladies, et que globalement le bénéfice pour la société a été incontestable. L'idée de refuser qu'elles soient obligatoires, c'est-à-dire de les refuser pour soi, est parfaitement choquante, car on ne se fait pas vacciner uniquement pour protéger sa petite personne. En se faisant vacciner, on évite aussi de devenir un vecteur de la maladie pour d'autres, qui ne peuvent peut-être pas bénéficier eux-mêmes de la vaccination. Et ce refus est significatif de l'individualisme caractéristique de la petite bourgeoisie qui imprègne largement certaines des démarches du mouvement « écologiste ».

Les solutions proposées par certains de ses militants peuvent peut-être convenir à des communautés marginales, mais ne sont en aucune manière des solutions pour la société dans son ensemble. Si le mouvement écologiste a parfois véhiculé des aspirations sympathiques à un changement social, il charriait aussi des conceptions quasi-mystiques dans le genre « fusion » avec la nature. Et, finalement, globalement, il était marqué par une idéologie hostile au progrès.

 

Dans un contexte idéologique précis

 

La vague « verte » en France s'inscrivait dans un cadre général. C'est des États Unis qu'étaient parties les premières protestations d'inspiration écologiste.

La période qui avait suivi la deuxième guerre mondiale avait été marquée par le développement du nucléaire - les bombes de Hiroshima et de Nagasaki - qui avait créé une certaine méfiance envers l'idée du progrès scientifique. La communauté scientifique américaine y fut plus particulièrement sensible d'ailleurs lorsque, en 1953, les expériences nucléaires dans le Névada entraînèrent des retombées radioactives sur New York.

Le développement intensif des industries chimiques et pétrolières entraînait de son côté des pollutions de plus en plus massives. En 1952, à Londres, des brouillards épais mêlés de fumées industrielles (le « smog » ) avaient causé la mort de 4 000 personnes en cinq jours. Aux USA, une ville comme Los Angeles connaissait une pollution atmosphérique analogue.

Une autre forme de pollution, entraînée par l'emploi massif et incontrôlé des pesticides et insecticides industriels, fut particulièrement dénoncée par Rachel Carson dans un livre, « Printemps silencieux », paru en 1962. Elle y décrivait comment les luttes menées contre un coléoptère dans le Middle-West, ou une espèce de fourmi dans les États du Sud, avaient été l'occasion d'aspersions massives de produits nouveaux, sans justification évidente mais à grand renfort de propagande. Ces produits se révélèrent néfastes pour les oiseaux, les poissons et toutes sortes d'animaux, et sources de maux divers pour les humains.

Les campagnes de désinsectisation à grande échelle étaient un filon pour les fabricants, et une source de subventions gouvernementales. Entre 1957 et 1959, de telles campagnes menées d'avion s'étendirent, d'après Rachel Carson, à des millions d'hectares, et il arriva que les aviateurs fussent payés, non à l'hectare traité, mais au litre de produit déversé...

Elle fut traitée de « vieille folle à la solde du KGB ». Une décennie plus tard, pourtant, les problèmes d'environnement avaient trouvé une autre résonnance y compris dans les sphères officielles. C'est en 1972 qu'eut lieu, à Stockholm, la première Conférence mondiale sur l'environnement.

Quelques années avant, une association dite « Club de Rome » avait été fondée, réunissant des membres appartenant à plus de 30 pays, scientifiques, hauts fonctionnaires, économistes, etc. dans l'objectif d'étudier l'interdépendance des problèmes à l'échelle du monde. C'est une publication intitulée « Halte à la croissance » qui lui a assuré une large publicité. Pour ces idéologues de la bourgeoisie, la société allait vers une inéluctable catastrophe si on ne mettait pas un coup d'arrêt à la croissance, économique et démographique. Si tant d'hommes mouraient de faim, disaient-ils, c'est parce qu'il y en a trop pour trop peu de ressources, des ressources qu'il convient donc de ne pas épuiser davantage.

Au cours de sa campagne pour la présidentielle de 1974, le candidat écologiste René Dumont reprit une partie des positions du Club de Rome : il préconisa l'augmentation du prix de l'essence pour enrayer l'asphyxie des villes par les voitures, et réclama la suppression des allocations familiales au-delà du deuxième enfant pour lutter contre une prétendue surpopulation. Tout comme Brice Lalonde à la même époque, il considérait que tout le monde est pollueur - exploiteurs et exploités étant tous co-responsables.

 

La protection des ressources naturelles a servi à justifier les plans d'austérité

 

Et cela ne doit pas surprendre. La critique de la société dite de consommation, thème chéri de la plupart des groupes écologistes, était en harmonie avec l'idéologie d'austérité que prôna la bourgeoisie, en particulier à partir de 1973-74.

Les experts du Club de Rome avaient, sans doute et pour partie en tout cas, voulu avertir leur classe des problèmes réels créés par la dégradation croissante de l'environnement et par les risques croissants de catastrophes, qui pouvaient affecter éventuellement des bourgeois eux-mêmes. Mais leur cri d'alarme avait aussi et surtout un objectif propagandiste : il a contribué dans les années 70 à utiliser la protection des ressources naturelles pour justifier les plans d'austérité. Cela correspondait au tournant de la situation de l'économie capitaliste, pour laquelle les profits commençaient à ne plus passer par les investissements productifs.

Si bien que l'idéologie écologiste faisait une sorte de pendant à l'idée de la « Croissance zéro ». Quand les écologistes affirmaient qu'il vaut mieux « être » qu' « avoir », cela restait un peu obscur, mais quand ils déclaraient « la contestation du milieu de vie sera plus révolutionnaire que celle du niveau de vie », qu'ils se sont mis à préconiser le partage du travail et des salaires (pas des revenus en général, des salaires !) comme moyen pour combattre le chômage, la convergence idéologique est mieux apparue.

D'ailleurs, de l'écologiste inconnu au conseiller des organismes officiels, voire au ministre, bien des trajectoires ont été rapides.

 

L'écologisme et le mythe de la surpopulation

 

S'il y a un thème qui revient avec régularité à propos des problèmes d'environnement, dès lors qu'ils dépassent les questions locales, c'est celui de la croissance démographique, de la prétendue surpopulation. Il y aurait trop d'êtres humains sur la Terre (et ce sera encore pire demain, nous dit-on) par rapport à ses réserves énergétiques, par rapport aux ressources alimentaires, et compte tenu de l'atteinte croissante portée par tout ce monde à l'environnement naturel.

Cette thèse a été liée, pour ainsi dire d'emblée, à la naissance du mouvement écologiste de notre époque. Le biologiste américain Paul Ehrlich, animateur de grandes institutions écologistes et connu en particulier pour son livre « La Bombe P » (P comme population), exposait en 1968 cette thèse selon laquelle la surpopulation serait la cause principale des maux qui accablent l'environnement : « Il est aisé de remonter à l'origine de l'enchaînement des causes de sa détérioration. Trop de voitures, trop d'usines, trop de produits détergents, trop d'insecticides, trop d'analgésiques, des usines de traitement des déchets inadéquates, trop peu d'eau et trop d'oxyde de carbone - la cause de ces maux, on la retrouve aisément dans l'excès de population ».

Les thèses d'Ehrlich représentent peut-être un cas extrême, mais la théorie écologiste de la surpopulation mondiale a traversé les années. Le commandant Cousteau, par exemple, déclarait au « Nouvel Observateur » en 1992 : « Tous les écologistes aujourd'hui sont convaincus que la surpopulation est à l'origine de tous les problèmes. Dans les 40 années qui viennent, la population va doubler. En l'an 2030, on est sûr d'avoir 10 milliards d'individus. 2030, c'est demain, et avec 10 milliards d'individus, on ne sait pas comment faire. Dans un monde où un tiers de la population devient de plus en plus riche sans augmenter, tandis que les deux tiers de la population deviennent de plus en plus pauvres en augmentant, cette situation ne peut pas durer. Elle crée une haine réciproque des pauvres contre les riches qui se terminera dans le sang ».

Selon Cousteau, la population que la Terre pourrait nourrir, sur la base de la consommation des Américains, serait de 600 ou 700 millions de personnes, chiffre qu'il aurait obtenu d'après un calcul mathématique.

La démographie n'est pas la spécialité de Cousteau. Mais on peut lire aussi, dans un ouvrage de spécialiste qui n'a que quelques années, consacré aux « catastrophes écologiques » : « En cette fin du XXe siècle, la catastrophe écologique majeure qui affecte l'humanité et dont découlent la plupart des maux dont elle souffre déjà, ou qui la menacent, (...) provient de sa reproduction anarchique avec pour conséquence un accroissement exponentiel du nombre d'hommes », « (...) cette explosion démographique compromet dès à présent toute possibilité de développement dans le tiers monde », ou encore « Si l'on excepte les conséquences d'une guerre nucléaire, la croissance démographique constitue le problème d'environnement le plus grave auquel la civilisation humaine a jamais été confrontée ».

Le WorldWatch Institute de Washington est un centre international de recherches démographiques et écologiques. Son président, Lester Brown, une personnalité de l'écologisme, a préfacé l'édition 1996-1997 de « L'État de la Planète ». Sa thèse est que « la capacité de charge de la terre (est) déterminée par la quantité de nourriture disponible » - la « capacité de charge », c'est-à-dire le nombre d'êtres humains qu'elle peut porter.

 

Retour à Malthus

 

On est revenus aux théories de Malthus avec un autre vocabulaire.

La crainte de la surpopulation est, en effet, une vieille lune. Elle fut théorisée par l'économiste anglais Malthus à la fin du XVIIIe siècle, en 1798. Pour lui, l'accroissement de la population suivant une progression géométrique tandis que celle des ressources ne suit qu'une progression linéaire, on finit forcément par atteindre une « limite des subsistances », donc une crise, entraînant normalement l'élimination de l'excédent... Il a résumé cela de façon imagée : « Un homme qui est né dans un monde déjà occupé, s'il ne lui est pas possible d'obtenir de ses parents les subsistances qu'il peut justement leur demander, et si la société n'a nul besoin de son travail, n'a aucun droit de réclamer la moindre part de nourriture et, en réalité, il est de trop. »

Autrement dit, tout homme qui n'est pas né gosse de riche et qui n'est pas jugé utile aux profits du patronat sur le marché du travail du moment, est tout simplement... de trop sur la terre. Malthus concluait lui-même : « Au grand banquet de la nature, il n'y a point de couvert disponible pour lui ; elle lui ordonne de s'en aller (...) ».

La nature a bon dos. Cet homme, qui, soit dit en passant, était pasteur anglican, s'exprimait avec toute la brutalité des prophètes du capitalisme naissant, et il n'était pas seul à penser ainsi, à une époque où bien des bourgeois anglais s'effrayaient du nombre de miséreux concentrés dans les villes industrielles.

Mais, quand un Lester Brown écrit aujourd'hui que la « capacité de charge » de la terre est limitée par la quantité de nourriture disponible, il a la même brutalité. Et sa « solution » a la même odeur de mort. Il l'a indiquée dans une interview au journal « Le Monde » : « Dans la mesure où on ne peut plus augmenter l'offre, il faut agir sur la demande, pour la contrôler et la faire baisser »... L'économie capitaliste n'est plus trop intéressée par l'accroissement des investissements productifs (l'offre) pour accroître ses profits, mais elle est en revanche intéressée à imposer l'austérité aux masses, y compris celles qui sont déjà les plus démunies. Il faut faire baisser la demande alimentaire des crève-la-faim !

Dans cet esprit malthusien, les écologistes emploient l'expression de « population limite » - limite en fonction des possibilités de subsistances. Pour la calculer, ils partent des données du présent, en un instant donné et en un lieu donné. On peut se demander comment ils peuvent utiliser de telles données pour faire des prédictions à long terme ? C'est d'autant plus absurde lorsqu'ils définissent leur « population limite » pays par pays, en faisant abstraction des échanges avec le reste du monde.

C'est une façon de voir foncièrement conservatrice. Toutes choses restant égales par ailleurs, disent-ils, la population de l'Afrique va à la catastrophe et à des famines généralisées vu son rythme d'accroissement actuel. Ils n'envisagent en aucun cas une modification de l'ordre social existant.

Des organismes des Nations Unies, comme la FAO qui vient de tenir congrès à Rome, ont une manière de calculer la « population limite » qui mérite l'attention : on découpe l'ensemble du globe en zones homogènes, des carrés d'environ 100 km de côté en l'occurrence. Pour chacun des carrés, en fonction du climat, des sols, etc., on calcule le rendement agricole pour trois niveaux de technologie. Ce qui, transformé en calories, aboutit à chiffrer le nombre d'hommes pouvant vivre sur chaque carré ! !

Ce genre d'exercice doit occuper un bon nombre de bureaucrates et d'informaticiens, mais il a quelque chose de fou. De toute façon, les hommes ne vivent pas isolés, en autarcie, dans des carrés de 100 km de côté !

De plus, un certain nombre de démographes admettent eux-mêmes que leurs méthodes sont parfois discutables et leurs prévisions... contestables. L'un d'eux parmi quelques autres, Hervé Le Bras, fournit ainsi un exemple qui se rapporte à la première carte qui fut établie pour montrer la croissance de la population à l'échelle du monde entier, en 1925. La population était censée s'accroître le plus vite aux USA, en Europe centrale et orientale, en Russie, tandis que l'ensemble de l'Afrique noire et de l'Asie, y compris la Chine et l'Inde, était supposé stagner.

Or, en 1990, sur les cartes des taux de croissance de la population, la répartition est à peu près exactement inverse. Les populations d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine sont passées d'un milliard et demi en 1945 à quatre milliards en 1990.

La carte de 1925 était donc grossièrement inexacte, mais elle reflétait la pensée de son auteur, Britannique qui envisageait le peuplement de la planète par la colonisation de l'homme blanc.

En fait, les prédictions démographiques sur le long terme sont souvent des projections largement arbitraires, biaisées par l'idéologie dominante ou des soucis de propagande. Et quand des écologistes prétendent étayer par ce genre de chiffres leurs conceptions néo-malthusiennes, ce sont davantage des préjugés de classe qu'ils expriment que des préoccupations environnementales.

Celles-ci ne peuvent pas recevoir de solutions sérieuses et efficaces dans le cadre d'un système sans avenir. Et le mouvement écologiste n'a pas connu en France le développement que d'aucuns attendaient. Les problèmes croissants de la crise et du chômage tendent à marginaliser ce type de préoccupations, y compris au sein de la jeunesse petite-bourgeoise elle-même.

 

Le capitalisme et la destruction sauvage de l'environnement

 

Pourtant, alors que la crise du système capitaliste engendre un gâchis humain de plus en plus effrayant, on assiste en même temps à une destruction de l'environnement de plus en plus sauvage. Les peuples sont pillés et pressurés, la planète est saccagée : cela va de pair.

Car il nous faut en venir à cette constatation : l'écologisme est dans l'impasse, à l'heure où les dégâts écologiques prennent des proportions catastrophiques. En particulier dans le Tiers Monde.

C'est là, en effet, que le capitalisme montre le plus crûment à quel point le souci de protéger la nature est étranger à son fonctionnement. Dans les pays riches, quelques mesures sont prises qui atténuent les effets, notamment pollueurs. Parce qu'il y existe des formes démocratiques et davantage de moyens, et parce que les bourgeois eux-mêmes veulent se protéger, les États ont accouché d'un certain nombre de lois et décrets, de commissions préfectorales, de bureaux d'études, qui jouent un certain rôle limitatif.

Mais, dans les pays pauvres, le pouvoir de nuisance du fonctionnement du capitalisme pour l'ensemble de la société et de son milieu de vie ne connaît pas de frein, ou presque.

 

Catastrophes « naturelles » ?

 

Lorsqu'on nous informe de cyclones, tremblements de terre, éruptions volcaniques, sécheresses prolongées, inondations, en Amérique latine, en Afrique ou en Asie, et qu'on nous parle à ce sujet de « catastrophes naturelles », c'est, dans une large mesure, un mensonge. En ce sens que les cyclones sont bien d'origine naturelle, mais que les désastres qui en résultent pour les hommes ne sont pas dus à la seule nature. La population des pays pauvres est beaucoup plus vulnérable à de tels désastres que celle des pays riches, sa vulnérabilité étant directement liée à la misère et aux inégalités.

Les conséquences d'un tremblement de terre ne sont pas les mêmes pour les Californiens, par exemple, que pour les habitants de Mexico ou d'Agadir, tous exposés à un risque sismique élevé, mais avec des moyens matériels et financiers inégaux pour les prévenir et y faire face. Et si le niveau de la mer devait monter rapidement, par suite d'un réchauffement du climat, comme certains le prédisent, les conséquences ne seraient pas identiques aux Pays Bas et au Bangladesh...

Dans les pays du Tiers Monde, les plus misérables sont aussi les plus exposés, au point que dans bien des cas ils vivent plus ou moins en permanence dans un contexte de catastrophe, car ils n'ont pas le choix, contraints de s'installer sur des terres insalubres, en pente, sujettes aux glissements de terrain comme les « favelas » d'Amérique du sud.

Dans les inondations au Bangladesh, ce n'est pas le régime des pluies qui est en cause. La déforestation des pentes de l'Himalaya entraîne le comblement par les alluvions du lit des rivières dans les plaines, alors que plus rien ne s'oppose au ruissellement des eaux sur les flancs des montagnes, et c'est là la cause de la fréquence accrue de ces inondations.

 

Le capitalisme et la destruction des forêts

 

A l'heure actuelle, la destruction des forêts tropicales est particulièrement dénoncée par les défenseurs de l'environnement, en raison essentiellement des conséquences possibles sur le climat de la planète. Au cours de la décennie 1980, 17 millions d'hectares ont disparu chaque année. En Côte d'Ivoire, 75 % de la surface forestière ont disparu en 30 ans.

Ce phénomène va même jusqu'à provoquer des cris d'alarme officiels, les pays du G7, l'ONU, parlent d' « enjeu planétaire ». Ils n'en parlaient pas tant, d'ailleurs, pendant que l'armée américaine détruisait, avec ses défoliants, 42 % des forêts du Vietnam au sud du 17e parallèle !

Et ils feignent d'ignorer que les forêts d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine ont été largement détruites d'abord pour les besoins des monocultures imposées par les colonisateurs puis l'impérialisme et destinées à être exportées, comme le thé, le cacao ou l'hévéa. Si le Brésil par exemple a perdu la moitié de sa superficie forestière antérieure à la colonisation européenne, c'est pour une bonne part parce qu'on y a étendu la culture du caféier sur d'immenses plantations au cours du XIXe siècle.

Comme ils feignent d'ignorer qu'aujourd'hui le commerce du bois aux mains de grandes compagnies capitalistes occupe le 5e poste du commerce international, la consommation de bois provenant des forêts tropicales s'étant beaucoup développée depuis la dernière guerre, parce qu'il revient paraît-il beaucoup moins cher que celui des forêts tempérées.

Les forêts sont exploitées sur un mode intensif, avec seulement en vue le profit à court terme, et c'est dévastateur : on coupe les arbres plus vite qu'il n'est possible à d'autres de grandir pour les remplacer.

Le cas le plus connu de destruction des forêts tropicales est celui de la forêt amazonienne : à quoi est-il dû ?

Dans les années 60, sous couvert de favoriser la colonisation de la forêt par des petits paysans sans terres, les gouvernements brésiliens ont fait percer des routes. En réalité, seulement une petite partie du sol de l'Amazonie peut servir à l'agriculture. Et ce fut un échec. Un gaspillage ? Certes, mais cela dépend pour qui. Très vite, les autorités ont décidé de transformer la forêt, traitée par avion avec des défoliants, en pâturages, en y semant des prairies artificielles et en y installant des ranches d'élevage de bovins. Les grands profiteurs de ces ranches n'ont eu à débourser que des prix dérisoires pour des surfaces immenses. La viande produite est exportée vers les marchés d'Amérique du nord...

On ne s'étonne pas que l'argent des travaux ait été « prêté » par la Banque mondiale, le Département d'État américain, etc., ce qui a contribué à accroître la dette publique extérieure du Brésil, tout en enrichissant les grandes firmes de l'agro-business et les banquiers.

Cette « mise en valeur » de l'Amazonie a coûté la vie de presque la totalité des Indiens qui y vivaient, assassinés comme le militant écologiste Chico Mendes par les tueurs à gages à la solde des gros intérêts fonciers, ou décimés par les maladies amenées par ce bouleversement.

La destruction de la forêt amazonienne a été une entreprise délibérément organisée. En Amérique centrale aussi, le quart des forêts a été détruit en 20 ans pour produire de la viande bovine destinée à l'exportation.

 

Conséquences de la course au profit

 

Que le système capitaliste soit directement en cause dans la dégradation parfois catastrophique de l'environnement terrestre des hommes, bien d'autres exemples l'attestent à travers le monde, d'Haïti à l'Inde.

En Inde, à Bhopal, en 1984, une explosion dans une usine de pesticides du trust américain Union Carbide a fait officiellement 6495 morts, 25 000 selon des organisations humanitaires. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été victimes de gaz toxiques. C'était une usine aux ateliers délabrés, entourée d'un immense bidonville.

L'affaire n'a pas ému outre mesure les autorités indiennes, ni, on s'en doute, les capitalistes d'Union Carbide. Mais les usines comme celle de Bhopal sont nombreuses en Inde et ailleurs.

Il est devenu courant que les capitalistes des pays riches où les normes anti-pollution sont plus sévères qu'ailleurs, comme les États Unis ou le Japon, « délocalisent » leurs industries polluantes ou dangereuses en Asie du sud ou en Amérique latine.

Ainsi, les zones franches du Mexique, les fameuses « maquiladoras » proches de la frontière avec les USA, où plus d'un demi-million de personnes sont surexploitées, sont du même coup un paradis pour pollueurs : la pollution de l'air, de l'eau, du sol y atteint un niveau catastrophique.

La pollution des eaux est particulièrement dramatique dans la plupart des pays du Tiers Monde. En Inde, deux tiers des ressources en eau sont polluées. La plupart des maladies observées sont en relation avec des agents véhiculés par l'eau. Le Gange est un égout, parce que les fabriques d'insecticides, d'engrais, les tanneries, etc., y déversent tous leurs déchets, souvent toxiques, et il n'y a pas de stations d'épuration. Pour donner une idée de cette pollution, à l'endroit où une fabrique de chaussures Bata relâche ses effluents, les poissons mis dans cette eau-là ne survivent que deux jours - record battu par une distillerie McDowell, qui ne leur laisse que cinq heures à vivre.

Et malgré tout cela, la thèse officielle en Inde, comme dans un grand nombre d'organismes internationaux, comme dans beaucoup de milieux écologistes, veut que la population en général et les pauvres en particulier, soient les responsables de la dégradation accélérée de l'environnement !

Même s'ils se traduisent en Occident par des conséquences moins brutalement catastrophiques que dans les pays pauvres, les problèmes d'environnement ne l'épargnent pas non plus. Pour la même raison fondamentale, qui tient à la loi du profit.

Si la pollution atmosphérique atteint des degrés alarmants, c'est parce que les industriels n'ont cure d'intégrer dans leurs coûts de production les dégâts qu'ils peuvent provoquer dans l'environnement et encore moins d'y intégrer le coût d'installations qui pourraient les prévenir ou au moins les limiter ; c'est aussi parce que les intérêts des industriels de l'automobile et des trusts pétroliers ont présidé à l'extension inconsidérée des transports routiers et de la circulation automobile individuelle.

Le coût pour la société n'entre que faiblement en ligne de compte dans le choix des politiques mises en oeuvre par les gouvernements. Sinon, une autre politique, fondée sur le développement de transports collectifs, sur une meilleure utilisation des transports ferroviaires, serait possible. Alors, on imagine bien que, là où le capitalisme fonctionne à l'état sauvage, à Calcutta ou Bombay, Lagos, Bangkok ou Mexico, les niveaux de pollution de l'air sont sans commune mesure avec ceux qui sont acceptés dans les métropoles des pays riches.

D'une façon générale, l'industrie capitaliste a un problème avec ses déchets. Du moins, c'est sur la société dans son ensemble qu'elle rejette ce problème. On le voit bien dans le cas du stockage des déchets radioactifs, qui reste le principal risque lié à l'industrie nucléaire (mis à part les accidents comme celui de Tchernobyl), y compris pour les générations à venir.

Mais, si ces déchets existent et posent de tels problèmes, c'est parce que les intérêts capitalistes des Framatome et autres GEC-Alsthom ont présidé au développement de cette industrie nucléaire, que ce sont eux qui en ont dicté le rythme accéléré, sans se soucier d'une évaluation des risques en fonction des intérêts de la population.

La circulation de ces déchets et de l'ensemble des déchets dangereux de l'industrie est entourée d'un épais voile de silence. Et pour cause. Bien des trafics se sont établis là-dessus, entre l'Union européenne, l'Europe centrale et les pays de l'ex-Union soviétique, par exemple, ou entre les pays industriels et le Tiers Monde. Les États de l'Union européenne ne parviennent même pas à se mettre d'accord sur la définition du mot « déchet » par rapport à la libre marchandise.

En attendant, on apprenait début novembre que sur le site industriel de Salsigne, dans l'Aude, 80 000 tonnes de déchets toxiques de toutes sortes, contenant notamment de l'arsenic, sont entreposés, à l'abandon, dans des installations désertes...

La dégradation de l'environnement à travers le monde prend donc des formes plus ou moins graves, mais elles ont une caractéristique en commun : toutes sont le produit direct de la manière irresponsable et irrationnelle dont le monde capitaliste fonctionne.

 

L'environnement, une valeur marchande

 

Les patrons savent se mettre au vert quand ils y voient leur intérêt. Ils ont su bien souvent « recycler » la mode écologiste à leur profit.

Rhône-Poulenc fait sa publicité autour de l'écologie tout en étant parmi les gros pollueurs sur le plan mondial. Son PDG, Jean-René Fourtou, l'a dit lui-même : « D'une charge nécessaire, l'environnement est devenu un « business » pour nous ».

Le traitement des déchets est devenu une branche industrielle sur laquelle la Générale et la Lyonnaise des eaux occupent une position de quasi-monopole. Si l'amiante a rapporté en son temps, le marché du désamiantage est aujourd'hui convoité. Les produits « verts », ou « éco-produits », se sont multipliés - il y a même eu des SICAV « vertes » lancées sur le marché financier voici quelques années : cela entre dans le cadre de la concurrence.

Plus fort : aux États-Unis, des « droits à polluer » ont été instaurés. Des entreprises peuvent choisir de s'équiper anti-pollution ou de payer pour avoir le droit d'émettre un certain montant de substances nocives. Elles peuvent céder leurs droits à d'autres entreprises qui trouvent plus avantageux de polluer en payant. Les échanges passent par une société de courtage. Avec un véritable marché boursier des « droits de pollution », un sommet est atteint !

 

Une évolution réactionnaire

 

Si dans sa jeunesse idéaliste, le mouvement écologiste a parfois exprimé des aspirations altruistes, s'inspirant des intérêts généraux de l'humanité et de son avenir, il a ensuite largement contribué - et d'autant plus facilement qu'il ne contestait pas vraiment l'ordre établi - à alimenter, au cours des années 1980, l'idéologie officielle en Occident.

Au plan international, des organismes, américains le plus souvent, comme le WorldWatch Institute, sont tout à fait installés et font autorité dans les milieux scientifiques, économiques, et aussi écologistes dans un sens large. Des associations comme le « Fonds mondial pour la nature » (le WWF, selon ses initiales anglaises), ou comme Greenpeace, que certains journalistes ont qualifiée de « multinationale verte », sont des institutions financièrement puissantes. Greenpeace a le statut d'observateur à l'ONU.

En France, où la mouvance verte a toujours été plus modeste, depuis ses premiers succès électoraux en 1977, le courant politique écologiste a connu bien des vicissitudes, qui tenaient autant aux ambitions personnelles des uns qu'aux choix politiques des autres. Un parti politique Vert à proprement parler s'est créé en 1982, qui a par la suite pratiqué sur le plan électoral une politique d'alliances à géométrie variable. Avec des succès fluctuants, les « écolos » sont néanmoins passés du stade de « groupe de pression » au partenariat avec les partis politiques traditionnels dans la gestion des affaires publiques.

L'écologie « politique » a été « recyclée » par le système elle aussi. Tous les partis politiques bourgeois peuvent trouver dans ce courant ambigu d'idées et de préjugés matière à se « verdir » selon leurs préoccupations pré-électorales.

La fraction de l'écologisme qui se veut plutôt de gauche parle volontiers de solidarité et de démocratie, rejoint le courant humanitaire des divers mouvements « sans frontières » ; elle a une coloration humaniste et progressiste, tout en n'allant pas au-delà d'un vague réformisme gestionnaire. Tandis qu'une autre composante véhicule des idées d'attachement à la terre qui rappellent le vieux fonds pétainiste français et son thème « La terre, elle, ne ment pas ».

Les notions d'ordre et de stabilité sont au centre des soucis de ce courant conservateur, tout comme le culte d'une nature mythique qui est déjà allé de pair dans le passé avec des mouvements et des régimes d'extrême-droite. Aujourd'hui, on voit le Front national prôner une sorte de « national-écologisme », et Bruno Mégret, l'un de ses dirigeants, déclarer que « les partis écolos-gauchistes sont une espèce en voie d'extinction », et prôner un retour « à une éthique et une esthétique de la vie qui raniment le sens du sacré et de la durée, et permettent à l'homme de retrouver la conscience de ses racines et de son identité », préconisant de mettre « la science humaine au service des lois naturelles et de la nature », car pour ces individus « défendre la faune, la flore, les sites, le patrimoine, c'est défendre ce que l'on est, c'est défendre son identité », contre « l'écologisme cosmopolite »... Il « pose comme essentielle la préservation du milieu ethnique, culturel et naturel de notre peuple ».

Evidemment, le Front National a pour principale caractéristique de transformer tout ce qu'il touche en pourriture, et tous ses propos sentent bien mauvais.

Mais il reste que, dès lors qu'on refuse de se situer sur le terrain de la classe ouvrière pour se poser en défenseurs de « la nature », dans le contexte réactionnaire actuel, cela peut être gros de bien des dérives.

C'est ainsi que, par exemple, des associations internationales en Afrique en sont venues à interdire aux Touaregs l'accès à leurs zones traditionnelles de nomadisme nécessaires à leur survie, sous prétexte de protéger une espèce menacée d'antilope...

Il y a pire. Une approche de l'écologie appelée l'« écologie profonde » est apparue dans les milieux universitaires américains, et aussi en Allemagne et dans les pays scandinaves, qui dénonce un « chauvinisme humain » et se veut pure et dure. Les adeptes de l'« écologie profonde » ne se contentent pas de demander pour les animaux des droits équivalents à ceux des hommes, ils parlent aussi du « droit des arbres » par exemple, et globalement donnent la priorité à la survie de la nature sur le bien-être des hommes. Certains même n'ont pas hésité à s'élever, en 1984, lors de la famine en Ethiopie, contre l'envoi de secours afin de laisser « les lois de la nature suivre leur cours »...

Ce genre de délire mystico-totalitaire est aujourd'hui, dans le domaine de l'écologisme, l'expression d'un courant extrémiste et limité.

 

La couverture « verte » de l'impérialisme

 

Le thème écologiste dominant est celui des « pollutions globales », du « changement global », de « l'écologie globale », y compris dans les organismes internationaux où cela doit faire pendant au thème de la « mondialisation de l'économie ». Autant dire qu'il s'agit d'une couverture « verte » pour la domination de l'impérialisme.

La menace des « pollutions globales » est apparue environ dix ans après le spectre de la pénurie des ressources pétrolières.

Des cris d'alarme se sont élevés vers le milieu des années 80, venant de milieux plus ou moins scientifiques, concernant la couche d'ozone, la déforestation, la progression des déserts, le réchauffement des climats... Depuis, les Verts parlent volontiers de « crise écologique » globale, crise qui serait censée expliquer tous les maux qui nous frappent.

Ces menaces ont sans doute une base objective. Mais dans cette société, même ceux qui poussent des cris d'alarme ne sont pas forcément désintéressés !

Il y a eu par exemple toute une campagne médiatique au sujet du fameux « trou » de la couche d'ozone au dessus de l'Antarctique, dont on n'est pas certains que ce soit un phénomène récent. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y avait dans cette affaire des enjeux pour des trusts capitalistes précis.

Les responsables du fameux « trou » étaient avant tout, nous a-t-on dit alors, en 1985 et les années suivantes, des gaz utilisés dans l'industrie du froid, les chloro-fluoro-carbones ou CFC. Or, il se trouvait que les brevets ayant trait aux CFC étaient en train de tomber dans le domaine public, et que le leader mondial de leur production, Du Pont de Nemours, avait -préparé, depuis une dizaine d'années, des produits de substitution, et pris les brevets correspondants. En 1986, Du Pont se rallia donc spectaculairement à l'idée d'une réglementation de la production des CFC, mais l'intégrité de l'ozone atmosphérique n'avait rien à y voir !

Un Protocole international fut signé à Montréal en 1987, limitant, en plusieurs étapes, la production des CFC. C'était un arrangement entre trusts (le groupe français Atochem était très concerné, lui aussi), au profit des plus puissants, tout à fait dans les cordes habituelles du système capitaliste. Son application est financée et contrôlée pour l'essentiel par la Banque mondiale et des dirigeants associés directement à l'industrie chimique. Mais il fut présenté comme un grand succès écologiste, un événement, parce qu'il était censé gérer une présomption de risques à l'échelle planétaire pour la première fois !

Mais, bien sûr, parler de « pollution globale » et de responsabilité « globale » de l'humanité est un moyen d'évacuer la responsabilité des capitalistes, voire même de mettre en accusation les pays pauvres.

Ces pauvres sont, répète-t-on, si nombreux qu'ils détruisent le patrimoine forestier tropical et qu'ils polluent l'atmosphère de la terre entière avec leur consommation de charbon sale. On n'accuse pas explicitement « les pays pauvres », en fait, on préfère se réfugier derrière des appellations géographiques comme « le Nord » et « le Sud », c'est plus aseptisé, mais l'idée est toujours là. Et comment expliquer que la théorie de la surpopulation mondiale se maintienne encore aujourd'hui ?

Pourtant, les prévisions démographiques récemment publiées démentent en grande partie les précédentes : alors que les démographes de l'ONU prédisaient, il n'y a pas encore si longtemps, une population mondiale d'au moins 12 milliards pour le siècle prochain, soit un doublement par rapport au nombre actuel, ils estiment aujourd'hui qu'elle sera de 8 milliards au maximum, avant de baisser à partir de 2050 ou même avant. Les taux de natalité baissent, disent-ils, rapidement à peu près partout dans le monde.

Mais rien n'empêche la menace d'une « pénurie vivrière », d'une « crise alimentaire » de ressortir périodiquement. On peut être pour le moins sceptique, et se rappeler la fameuse « pénurie » de pétrole invoquée en 1973 pour faire flamber les prix. Vingt ans après, en 1993, les estimations des réserves de pétrole et de gaz ont été plus élevées que jamais. De toute façon, ce genre d'estimations est relatif, car il est fonction du niveau des techniques en un moment donné, et des conditions de la rentabilité capitaliste du moment.

De la même façon que pour la « crise pétrolière » qui n'en était pas une, lorsqu'on nous parle de « crise alimentaire », cela cache des manoeuvres commerciales et une exploitation politique.

 

Un nouveau « péril jaune » ?

 

Aujourd'hui, si tout « le Sud » est mis au banc des accusés, la Chine fait un retour de premier plan parmi les périls de l'heure.

Le raisonnement est le suivant, d'après « L'état de la planète » de cette année : la Chine « doit nourrir 14 millions d'individus supplémentaires par an »... « si le pays continuait de dilapider ses terres agricoles et son eau dans sa course à l'industrialisation », « la Chine devra trouver 400 millions de tonnes de céréales sur le marché mondial ». C'est énorme, et « en fin de compte, lorsque la Chine sollicitera régulièrement les marchés mondiaux, sa propre situation de pénurie deviendra celle du monde entier. Sa pénurie de terres agricoles et d'eau deviendra une pénurie mondiale. Son échec face à l'explosion démographique affectera bientôt le monde entier ».

Les auteurs de cette prose soulignent aussi qu' « au moment même où les pays industriels renoncent à produire des chloro-fluoro-carbones afin de protéger la couche d'ozone, la Chine a doublé sa production (entre 1986 et 1992). Ainsi, le rythme auquel elle abandonnera ces produits chimiques industriels pèsera sur les taux mondiaux de cancers de la peau dans les décennies à venir ».

La nouvelle variante du « péril jaune » d'antan n'est pas plus sympathique que l'ancienne. Tout cela ressemble à une tentative pour exorciser la peur qu'éprouve la minorité des nantis face à la menace, non écologique, des humains réduits à une vie de misère.

 

Le « sommet de la Terre » - Rio de Janeiro, 1992

 

En juin 1992, un sommet de la Terre a été réuni à Rio de Janeiro, d'où les enfants de la rue avaient été brutalement chassés, et même assassinés au besoin, pour la circonstance. Plus d'une centaine de chefs d'État et de gouvernement étaient présents, ainsi que des industriels et plusieurs centaines d'organisations non gouvernementales, des milliers de journalistes et de participants divers. Le but était de réussir une grande opération consensuelle sous la bannière de la défense de la planète, étant donné que, malgré tout, 20 % de la population mondiale consomment à eux seuls 80 % des richesses - ce qui reste une réalité embarrassante.

Le sommet de Rio a donc marqué l'intérêt officiel en faveur d'une politique de « l'environnement global ». Parmi les menaces planétaires évoquées, il y eut celle qui plane sur la biodiversité, c'est-à-dire la diversité des espèces vivantes, en raison des risques accrus de disparition d'espèces animales et végétales. La convention qui fut signée sur ce sujet, après un long marchandage, donne aux États des pays sous-développés le droit de réclamer des redevances aux industriels qui mettraient au point un produit dérivé des ressources naturelles de leurs pays. Ils peuvent « confier » à de grandes entreprises privées, par contrat, le droit d'exploiter leurs ressources animales et végétales, à peu près comme ils ont « confié » - si l'on ose dire - aux trusts impérialistes l'exploitation de leurs matières premières minérales, leur pétrole par exemple.

Le Costa Rica a transformé le quart de son territoire en réserves naturelles, où la grande firme pharmaceutique américaine Merck prospecte et analyse des échantillons de plantes, de microbes et d'insectes (moyennant une compensation financière). Des contrats analogues existent entre des industriels européens et certains pays africains.

Toujours au nom du respect de la biodiversité, plusieurs Organisations non gouvernementales (ONG) « vertes » ont formulé des propositions convergeant avec celles des industriels. Ainsi, l'existence de la dette contraint bien des pays pauvres à brader leurs ressources naturelles pour rembourser. Des ONG de défense de l'environnement rachètent une partie de la dette à prix réduit. Les banques créancières y trouvent leur intérêt, car cela leur permet de minimiser leurs « pertes » sur des créances de toute façon irrecouvrables, et elles retirent des avantages fiscaux de l'opération.

On appelle cela les échanges « dettes-nature », et c'est une forme de troc pratiquée dans le milieu de la finance qui est appliquée à l'écologisme. A une époque où l'exploitation par l'impérialisme du monde sous-développé a pris une forme en grande partie financière, l'environnement naturel de ces pays est en train d'entrer dans un circuit de type boursier...

Evidemment, les pays d'Amérique latine, d'Afrique ou d'Asie n'ont pas les mêmes moyens pour imposer aux pays industrialisés, principaux pollueurs du monde, des conditions de protection de leur biodiversité... Et l'environnement est devenu une nouvelle sorte d'alibi pour une autre forme d'ingérence de la part des pays riches, « l'ingérence écologique » (l'expression est, paraît-il, de Michel Rocard).

L'environnementalisme et l'« écologie globale » font aujourd'hui partie de la panoplie des instruments de la domination économique de l'impérialisme sur le monde entier.

 

Pour l'avenir de l'humanité comme celui de la planète, il faut renverser l'impérialisme

 

Il faut renverser l'impérialisme. Pour l'avenir de l'humanité, pour celui de notre planète - les deux sont liés.

La mise en accusation des pays pauvres dans la dégradation de l'environnement est particulièrement odieuse. Bien sûr que la pauvreté entraîne une surexploitation de certaines ressources naturelles, qui appauvrit notamment les sols, ce qui à son tour aggrave la pauvreté ; mais, qui a fait de vastes contrées africaines, asiatiques, etc. regorgeant de richesses naturelles, des pays aujourd'hui pauvres, sinon l'impérialisme qui les a pillés pour devenir le détenteur des richesses mondiales, et qui les saigne, aujourd'hui encore, plus que jamais ?

De quel droit les défenseurs de l'impérialisme prétendent-ils exiger des pays réduits au sous-développement économique une politique de protection de l'environnement que l'Europe ou les États Unis ont eux-mêmes totalement ignorée pendant les siècles où ils ont accumulé les richesses sur le dos du reste du monde ?

C'est un véritable scandale de plus de voir des autorités, écologistes compris, mettre les paysans pauvres en cause parce qu'ils brûlent de la végétation pour pratiquer leur agriculture. Certes, ce genre d'agriculture sur brûlis n'arrange pas l'état des sols à la longue, mais les paysans pauvres qui y recourent n'ont pas de choix. Et s'ils mettent la forêt à contribution, c'est parce que le système ne leur permet pas de se débrouiller autrement pour ne pas mourir de faim, et que le bois est indispensable pour faire cuire les aliments et se chauffer.

Alors que les capitalistes n'ont besoin du bois que pour leurs profits.

Le même système économique a engendré un accroissement considérable des richesses à un bout, concentrées dans une minorité de pays, et le sous-développement à l'autre, pour la majorité. Au nom du profit capitaliste, et du profit rapide, il a accumulé les catastrophes, les crises, un gâchis immense, deux guerres mondiales et d'innombrables guerres « locales » ; il a ravagé la nature sur la terre entière... et, aujourd'hui, ses plumitifs se permettent d'accuser les principales victimes, les pauvres du Tiers Monde, de ne pas voir plus loin que leurs ventres creux ! Ils osent les accuser d'irresponsabilité écologique !

Les maladies respiratoires sont une des premières causes de mortalité parmi les femmes de l'Inde. Parce que les pauvres fourneaux sur lesquels elles cuisinent fonctionnent avec des combustibles - charbon de mauvaise qualité, bouses de vache, déchets agricoles - qui sont extrêmement polluants pour l'air ambiant et nocifs. Et l'« expert » occidental, l'écologiste institutionnel, se dit que ces centaines de millions de démunis qui peuplent l'Inde et la Chine sont bien irresponsables, car étant donné leur nombre ils augmentent la teneur de l'atmosphère en gaz carbonique pour toute l'humanité...

Bien sûr, il vaudrait mieux pour toute l'humanité que les forêts tropicales soient préservées, que la composition de l'atmosphère terrestre soit respectée, que la diversité des espèces vivantes, végétales et animales, soit entretenue, que les ressources offertes par la nature soient gérées dans le souci de leur renouvellement et de l'avenir. Il vaudrait infiniment mieux, même. Mais, aujourd'hui, dans le cadre du système actuel, comment les peuples pourraient-ils concilier de pareils impératifs avec les nécessités élémentaires de leur survie, auxquelles ils sont réduits ? On voit bien que, dans les pays riches eux-mêmes, le respect de l'environnement se heurte à la recherche dominante de la rentabilité capitaliste.

C'est le système économique lui-même qui est en cause.

Contrairement à ce que feint de croire une partie du mouvement écologiste, qui se borne à dénoncer les « excès du libéralisme », ces problèmes sont, pour l'essentiel, sans solution dans le cadre de la société capitaliste.

 

Pour une Terre sans frontières...

 

Ne serait-ce que, pour commencer, parce que pratiquement tous les problèmes d'environnement exigent d'abolir cet anachronisme que représente le maintien des États nationaux et des frontières nationales (à plus forte raison micro-nationales !). Dans l'évaluation des ressources, cela mène à de folles absurdités telles que les calculs fondés sur des groupes humains cloisonnés entre eux, ou encore cette carte de l'Afrique charcutée en plusieurs zones, côte à côte, en fonction des possibilités de production alimentaire locales : des zones grises « pouvant nourrir plus de 100 habitants au kmi2 » et des zones noires « où la population excède les possibilités de production alimentaire ».

Quelle société humaine est-ce là ! Sur une carte de la France dressée avec de pareils critères, quel noir plus noir que le noir faudrait-il inventer pour représenter, par exemple, l'agglomération parisienne, dont la production alimentaire locale est bien incapable de nourrir sa population !

C'est l'ensemble des problèmes écologiques qui a une dimension trans-frontalière évidente : les fleuves, les courants marins, les vents, les nuages ignorent les passeports... Les processus de concentration des produits polluants suivent des lois qui échappent aux législations nationales... Les oiseaux migrateurs qui viennent faire leur nid en Europe en été, puis retournent en Afrique en hiver, que sont-ils sinon des « immigrés clandestins » ?

La nécessité d'une coopération mondiale transparaît de façon aveuglante à travers de tels problèmes, à plus forte raison encore quand ils affectent notre atmosphère sans frontières.

 

... débarrassée de la propriété privée ...

 

Les problèmes d'environnement montrent, ensuite, à quel point la propriété privée des moyens de production, du sol par exemple, est contradictoire avec les impératifs d'une gestion rationnelle des ressources naturelles.

Une telle gestion n'est concevable que dans la durée. On le voit bien dans le cas des forêts : les arbres ne grandissent pas encore sur commande ! Dès lors qu'on veut gérer sainement, il faut prévoir, anticiper, réserver les possibilités du futur. Cela exige des compétences et des moyens. Mais le propriétaire privé n'a, lui, le plus souvent en vue que le profit rapide qu'il escompte tirer des coupes qui l'intéressent. Surtout, comme c'est souvent le cas, lorsqu'il s'agit d'un organisme financier qui vise à placer cet argent, ou à spéculer avec.

En France, la forêt est aux trois quarts propriété privée, le reste appartenant à l'État et aux collectivités locales. Il a été calculé que, pour mettre en valeur les ressources forestières de la France de façon correcte en tenant compte de tous les aspects, il faudrait un ouvrier pour 200 hectares de forêt (selon les normes européennes). Or, ils sont actuellement moins d'un pour 2000 hectares.

Quant à la partie gérée par l'Office national des forêts, l'ONF, organisme public à vocation industrielle et commerciale, on voit ce qu'il en est quand on cite un des ministres qui en fut responsable peu après sa création : pour lui, la forêt « doit être gérée comme un champ de petits pois ou de tomates, à partir de cette certitude selon laquelle, si on investit en forêt, on peut y gagner de l'argent ».

Il faudrait au contraire élaborer des plans forestiers équilibrés dans la durée, le long terme.

L'entrave que constitue par elle-même la propriété privée est si évidente, d'une façon plus générale, qu'un bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, préfaçant un ouvrage consacré au « contentieux de l'environnement », peut souligner que l'écologie implique « la justification des limites au droit de propriété ».

 

... et de la loi du profit

 

Enfin, le développement industriel dans le cadre capitaliste ne dompte pas la nature, il la saccage. Non seulement parce qu'il ne s'inquiète pas des conséquences éventuelles de ses agissements, parce qu'il ne voit pas plus loin que les gros comptes en banque, mais aussi de manière directe dès qu'il peut faire entrer les richesses naturelles dans la catégorie des valeurs marchandes.

Cela se voit notamment dans le domaine de la pêche industrielle.

Pour les petits pêcheurs des côtes de l'Inde, un nouveau genre de requin est menaçant : les gros chalutiers industriels, qui font des captures massives de poissons destinés à l'exportation. Pour ces petits pêcheurs et les habitants de ces régions, le poisson, nourriture de base, est devenu plus rare et plus cher, car leurs zones de pêche littorales sont dépeuplées, y compris au mépris de toute légalité, par ces chalutiers qui ramassent tout sur leur passage.

De même, au large des côtes de l'Afrique de l'ouest, la moitié environ du poisson est capturée par des flottes appartenant à des pays industrialisés, surtout des pays de l'Union européenne. Ce poisson est destiné aux consommateurs de nos pays riches, qui ont les moyens de le payer plus cher, pour eux-mêmes, et aussi pour l'alimentation de leurs animaux familiers.

Au Chili, la consommation nationale de poisson a diminué de moitié parce que le marché à l'exportation de la farine de poisson est plus lucratif que la vente aux populations pauvres.

Et, dans le même temps, la pêche industrielle de plus en plus concentrée sous contrôle capitaliste a pour effet de détruire une bonne partie des réserves de poissons, qui, trop indistinctement et massivement capturées, ne peuvent plus se reconstituer normalement. Quand l'importance des prélèvements l'emporte sur les capacités naturelles de renouvellement, c'est la raréfaction, et même parfois le dépeuplement d'une mer entière.

Ce qui est en cause, c'est l'exploitation intensive en vue de rentabiliser des bateaux et des matériels coûteux. Elle met en péril la reproduction des espèces dans plusieurs régions du globe - surtout là où les zones de pêche sont devenues zones d'une guerre économique féroce.

Pourtant, une exploitation saine, équilibrée, prévoyante des ressources des mers par la collectivité pourrait éviter ce genre de risques. Les principes en sont connus, mais peu appliqués, en particulier dans les eaux baignant les pays pauvres. Une illustration de plus du conflit entre les intérêts privés capitalistes et ceux de la société dans son ensemble.

Cela dit, l'étatisation de l'économie ne peut pas suffire à elle seule à régler le problème. On l'a bien vu dans le cas de l'ex-Union soviétique : la gestion bureaucratique par une caste privilégiée au pouvoir a conduit à un mépris de l'environnement naturel et des risques pour la collectivité qui a été illustré par la catastrophe de la centrale de Tchernobyl, mais aussi, par exemple, par celle de la mer d'Aral.

Là aussi, l'absence de perspective à long terme, mais au contraire une gestion à courte vue, a entraîné des conséquences dramatiques.

Dans les années 1960, pour développer la culture irriguée du coton dans le Kazakhstan désertique, on détourna la plus grande partie des eaux de deux grands fleuves alimentant la mer d'Aral, et tout cela sans précautions mais en utilisant excessivement engrais et pesticides. Résultats : le niveau de cette mer a baissé de quelque 15 mètres, sa surface s'est réduite, la faune a disparu, et, parallèlement, presque le tiers des terres irriguées s'est salinisé, et a été rendu impropre à la culture. L'ensemble de ces conséquences inclut une spectaculaire augmentation de la mortalité humaine dans la région.

L'existence de « plans » officiels ne peut pas suffire par elle-même, comme si c'étaient de simples instruments techniques. Tout dépend dans quels objectifs ils sont conçus : les intérêts égoïstes et myopes des bureaucrates détenteurs du pouvoir, ou bien ceux de la collectivité humaine, présente et à venir.

Et tout dépend aussi du degré de démocratie dans le fonctionnement de la société, car l'élaboration comme l'application de plans à moyen et long terme au profit de la collectivité humaine, dans le domaine environnemental comme dans celui de la production, exigent la participation consciente et éclairée de toutes et tous.

En tout cas, la dimension collective des problèmes d'environnement appelle d'urgence une réorganisation sur des bases collectives de la société à l'échelle du monde.

 

La société communiste, ou la maîtrise des rapports de l'homme avec la nature et la biosphère

 

Le pouvoir qui sortira de la révolution prolétarienne sous le drapeau du communisme placera sa priorité dans ce domaine où l'application du critère du profit est particulièrement inacceptable : celui de l'alimentation de tous les êtres humains. Il se donnera pour tâche immédiate, essentielle, de restituer aux populations des pays pillés par l'impérialisme à travers le monde les possibilités concrètes d'une vie digne et humaine.

N'en déplaise à tous les pourfendeurs de la prétendue surpopulation de ces pays, les ressources mises en commun de l'humanité permettraient de nourrir correctement les milliards d'humains qu'ils considèrent avec mépris et crainte à la fois.

Que leur système soit mis à bas et ses dirigeants écartés du pouvoir de nuire, et d'immenses ressources seraient libérées.

L'arrêt des guerres et des dépenses d'armement, la reconversion de toute cette industrie de mort en fabrication de biens utiles aux populations, voilà déjà un grand pas en avant qui serait rendu possible. Selon un rapport de l'ONU qui date de quelques années, les dépenses nécessaires d'urgence dans le monde en matière d'eau potable ne s'élèveraient sur dix ans qu'à trois mois de dépenses militaires. Ou encore, le prix payé pour deux navires de guerre par la Malaisie en 1992 aurait suffi à fournir de l'eau potable pendant un quart de siècle aux cinq millions d'habitants de ce pays qui en manquent.

Autre gâchis qu'il serait possible de supprimer très vite : celui qui accompagne l'agriculture et l'élevage dans les conditions actuelles. Après les jachères, les quotas laitiers, la destruction des fruits ou légumes jugés excédentaires par rapport au nombre d'acheteurs solvables, voilà qu'on se met à abattre - avec des primes à l'appui - les tout jeunes veaux presque nouveaux-nés par milliers sur des chaînes spécialement aménagées pour cela. En effet, si leur naissance était indispensable pour que leurs mères produisent du lait, ils deviennent ensuite superflus, en vertu de cette raison incroyable que, si on les élevait, ils risqueraient d' « alourdir dangereusement » le marché de la viande bovine déjà saturé et en crise... en Europe.

Une politique agricole commune, mais cette fois commune aux hommes et aux femmes de la terre, et non plus soumise aux intérêts des multinationales de l'agro-alimentaire, entrerait désormais dans le domaine du possible. Karl Marx disait : « l'agriculture, dès lors qu'elle progresse (...) sans être dominée consciemment, laisse des déserts derrière elle ».

C'est pourquoi nous luttons pour que vienne le temps de la domination consciente !

Car, encore une fois, ce n'est pas l'industrialisation en elle-même qui est nécessairement en cause. Entre 1950 et 1985, la production mondiale de grains a pu être multipliée par 2,6 - en grande partie grâce aux applications de la chimie. Des famines ont pu être évitées. Pas toutes, mais cela a été un progrès incontestable, même s'il a été très mal réparti. Le recul a montré que la contrepartie écologique en matière d'état des sols et des eaux est lourde, mais cela est dû largement au fait que toute cette politique a été menée sous la direction des multinationales de l'industrie agro-alimentaire, dont les profits dans cette affaire ont été aussi massifs que l'utilisation des pesticides et des engrais chimiques dans les campagnes asiatiques. Et une utilisation raisonnée de ces mêmes produits, qui permettrait une agriculture efficace et prévoyante en même temps, est parfaitement concevable.

Dans une autre société, la recherche n'étant désormais plus soumise aux intérêts concurrents des trusts, qui l'amènent à s'intéresser davantage aux problèmes des industriels qu'à ceux des consommateurs, les sciences de l'agronomie, de la chimie, de la biologie, pourront donner leur mesure.

Ne serait-ce que sur la base des industries et techniques actuelles, l'humanité dispose potentiellement de connaissances et de moyens qui rendent d'autant plus scandaleux tout ce gâchis engendré par le capitalisme.

Les satellites permettent de rassembler une masse d'informations sur la Terre, sur l'évolution de sa végétation, etc. Aujourd'hui, des organismes comme le CNES font payer des droits sur l'accès à ces images, des sociétés privées se montent pour les commercialiser, et comme cela coûte cher les multinationales de l'agro-alimentaire ou forestières peuvent aisément les truster.

Mais cette masse d'images et de données pourrait, dans une autre société, constituer un outil précieux pour dresser l'inventaire des ressources naturelles communes de la Terre. La science écologique dans son ensemble, pourvue de moyens considérables, connaîtrait un tout autre développement et pourrait offrir à la société les possibilités de maîtriser ses rapports avec la nature dans l'intérêt collectif, et dans la durée. Cela ne relève plus de l'utopie - du moins à la condition que l'humanité parvienne à se défaire du carcan du système économique capitaliste.

Dans la société actuelle, les connaissances scientifiques étant réservées à un petit milieu, les préoccupations de type écologiste restent le plus souvent assez nébuleuses, ou bien relèvent plus de l'esprit de clocher que de l'intérêt général. Elles peuvent être aussi, on l'a vu, manipulées par les profiteurs du système économique dans leurs intérêts. C'est seulement dans une société socialiste, que de telles préoccupations concernant la place de l'homme au sein du monde vivant et dans son environnement terrestre, feraient partie des principales préoccupations générales.

A partir du moment où l'hypothèque de la course au profit et surtout du secret politique, commercial et industriel, serait levée, la confiance pourrait s'instaurer totalement vis-à-vis des sources d'information. Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui où, dès qu'une campagne médiatique est lancée sur telle ou telle question d'environnement, les soupçons sont légitimes quant aux enjeux qu'elle peut bien camoufler.

La société communiste est la seule société qui pourra faire ses choix dans la transparence générale. La seule qui pourra permettre qu'on débatte publiquement des petits et des grands projets, par exemple les emplacements et les proportions à accorder à tel investissement industriel, projets qui s'établiront sur les seuls critères sociaux et techniques, ou sur leurs éventuelles conséquences, du moins les conséquences prévisibles, sur l'ensemble de la biosphère le cas échéant.

Lorsqu'il s'est agi de mener sa guerre du Golfe, l'impérialisme américain s'est montré capable d'en gérer l'ensemble des aspects logistiques à partir de centres informatiques extrêmement performants, situés au fin fond des États Unis. Alors, pourquoi une société sans concurrence ne pourrait-elle pas se servir de pareils moyens pour étudier rationnellement ses projets régionaux, voire mondiaux, la technique venant mettre à la disposition des hommes le maximum d'informations ? Le but serait autrement exaltant, y compris pour les ingénieurs et scientifiques impliqués...

Toute activité humaine comporte des risques. Aucune technique n'est ni bonne ni mauvaise en soi.

Sans aucun doute, tous les risques technologiques, tous les périls écologiques ne seront pas écartés par enchantement. Mais au moins ils pourraient être assumés consciemment par une organisation sociale qui serait vraiment démocratique.

En disant cela, nous ne sommes pas des rêveurs. Nous ne prétendrons pas que la fixation des priorités de la société ira sans aucun conflit. Les préférences individuelles, locales, etc., ne coïncideront pas automatiquement avec les priorités sociales en tout temps et en tout lieu. Il n'y a aucune raison de penser que la vie sociale perdra de son animation, au contraire même...

Car dans une société socialiste, tout ne sera pas réglé à partir d'un ordinateur central. La décentralisation y sera bien plus grande qu'aujourd'hui. Mais les décisions qui seront prises à l'échelle locale, ou régionale, échapperont à l'esprit de clocher, parce qu'elles seront le fait d'êtres humains parfaitement informés, et prises en fonction d'une conscience sociale que les sociétés de classe ne peuvent pas imaginer.

Nous n'affirmons pas non plus que des erreurs et des dégâts seront impossibles. Cependant, dans la mesure où les incidences de la course au profit seront éliminées, et la démocratie plus large et plus directe, même ces erreurs seront plus facilement repérables en temps utile.

Oui, une telle société véritablement et pour la première fois à la mesure des capacités humaines est possible.

Le progrès peut et doit s'organiser pour rendre la vie de l'homme de moins en moins précaire, et de plus en plus riche à tous les niveaux. Il peut et doit servir à la maîtrise par l'homme, non de la nature, mais de ses rapports avec la nature ; il peut et doit servir à la sauvegarde du patrimoine que représente pour nous tous la formidable diversité des formes vivantes ; il peut et doit servir au respect de tous les êtres vivants.

Car on peut imaginer la biosphère sans l'homme, mais pas l'homme sans la biosphère.

Et, si l'homme modifie la nature, il peut parfaitement le faire sans dégrader son environnement.

Alors, même si nous nous retrouvons parfois aux côtés des écologistes dans certains combats ponctuels, nous militons quant à nous en vue d'attaquer le mal à sa racine. Si l'irrationalité de l'économie capitaliste menace peut-être, en effet, la survie même de l'humanité, nous militons pour la révolution sociale décisive qui est devant nous, qui ouvrira la voie à l'instauration d'une société sans classes, c'est-à-dire d'une société qui pourra alors seulement se dire pleinement humaine.

Il sera alors possible de se demander s'il faut essayer de recréer la forêt primitive dans la Beauce, s'il faut rendre les polders des Pays-Bas à la mer, s'il faut créer de nouvelles zones industrielles en Afrique ou transformer de vastes parties de ce continent en réserves naturelles, s'il vaut mieux sauvegarder la forêt amazonienne que de la transformer en nouvelle pampa. Et on pourra alors le faire honnêtement, sans hypocrisie, parce que toutes les ressources économiques de la planète seront mises à la disposition de tous les peuples de la Terre, des Indiens d'Amérique comme des Européens, des habitants des pays aujourd'hui industrialisés comme de ceux des régions où l'impérialisme a stérilisé tout développement économique.

Communistes et internationalistes : il n'y a pas d'autre moyen de défendre ce patrimoine commun de l'humanité qu'est la Terre.

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