Haïti - Crise électorale sur fond d’épidémie de choléra25/01/20112011Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2011/01/133.png.484x700_q85_box-6%2C0%2C591%2C846_crop_detail.jpg

Haïti - Crise électorale sur fond d’épidémie de choléra

L'article qui suit, envoyé par nos camarades de l'OTR en Haïti, après avoir décrit la campagne des élections organisées dans un pays frappé par le tremblement de terre et par le choléra, fait également le point sur les ravages de l'épidémie.

Il a été rédigé dans les derniers jours de décembre 2010. Depuis cette date, les résultats définitifs du premier tour de l'élection présidentielle ne sont toujours pas publiés. Il est, en revanche, de notoriété publique que le choléra continue à progresser...

Les résultats définitifs du premier tour des élections présidentielles et législatives déroulées le 28 novembre dernier sont dans l'impasse. Le CEP (Conseil électoral provisoire), sur la demande du chef de l'État, vient de publier un communiqué reportant sine die la proclamation de ces résultats fixée au 20 décembre dernier dans le calendrier électoral. « Suite aux événements ayant marqué le premier tour des élections législatives et présidentielle du 28 novembre 2010 et, en vue de rétablir la confiance des acteurs impliqués dans le processus en particulier et de la population en général, le président de la République a sollicité de l'Organisation des États américains une mission d'expertise d'appui à la vérification de la Tabulation des votes et une assistance légale d'accompagnement de la phase contentieuse du processus électoral en renforcement de la mission d'observation déjà sur place.

En attendant la fin de la phase contentieuse du processus électoral, l'arrivée et l'accomplissement des travaux de la mission, le Conseil électoral provisoire a décidé de surseoir à la publication des résultats définitifs du premier tour. »

Sauf que ni l'OEA ni le chef de l'État, et encore moins le CEP, ne peuvent rétablir la confiance, parce que pointés du doigt et décriés comme acteurs et complices de la mascarade électorale.

Entachées de fraudes massives, de magouilles centrales caractérisées en faveur du candidat du pouvoir, Jude Célestin, et émaillées de scènes de violence à certains endroits du pays, ces élections avaient été contestées le jour même du scrutin non seulement par une douzaine de candidats, dont Michel Martelly, mais aussi par plusieurs milliers de manifestants dans les rues de Port-au-Prince notamment qui en réclamaient l'annulation.

La publication des résultats préliminaires le 7 décembre dernier annonçant un deuxième tour de la présidentielle avec Mirlande Manigat recueillant 31,37 % des voix et Jude Célestin, le dauphin de René Préval, en deuxième position, avec 22,48 %, soit environ 1 % de plus que Michel Martelly, obtenant 21,84 % des voix, éliminé au premier tour, allait entraîner un mouvement de protestation quasiment à l'échelle du pays pour dénoncer le fait que Jude Célestin a été favorisé grâce aux manœuvres de toutes sortes au détriment de Michel Martelly. Port-au-Prince, la capitale, a été complètement paralysée pendant une semaine. Pas de transport, des rues désertes, la zone industrielle ne fonctionnait pas, pas d'école, l'aéroport international fermé. Le siège de la plate-forme politique du pouvoir, INITE, a été incendié et des bilboards géants exhibant les photos de Jude Célestin démolis au passage des manifestants en colère contre la présence de ce dernier au deuxième tour. La situation n'était pas différente aux Cayes, troisième ville située au sud du pays. Rien de ce qui symbolisait INITE n'a été épargné. Même des locaux abritant des bureaux publics comme la Douane, les Finances, les Impôts, etc., ont été mis à sac ou incendiés.

Le pouvoir actuel représenté par René Préval, réélu en 2006 pour son deuxième mandat, a sa propre formation politique dénommée, INITE en créole, comprenez Unité en français. INITE remplace la plate-forme politique LESPWA (l'Espoir), sous la bannière de laquelle il avait été élu en 2006.

Étant donné que leur bilan est très négatif surtout avec la gestion de la catastrophe du 12 janvier, ils ont changé de nom juste avant les élections.

Après avoir éjecté Jacques Édouard Alexis juste à la veille de la désignation des candidats à la présidence, cet Alexis qui fut son Premier ministre, le président a choisi Jude Célestin, son beau-fils, son protégé, comme candidat à sa succession. C'est un auguste inconnu. Mais Préval voulait s'assurer qu'il allait continuer à diriger même après son départ.

Bien avant, pour être sûr d'avoir la majorité aux deux Chambres, Préval avait pris le soin de corrompre ou mieux, d'acheter la majorité des députés et des sénateurs qui appartenaient à d'autres partis politiques, mais qui avaient une certaine popularité dans leurs circonscriptions électorales. Sa plate-forme politique INITE était ainsi montée avec des morceaux d'autres partis.

Et pour garantir sa victoire à ces élections présidentielle et législatives, il a mobilisé une bonne partie des fonds publics, des ressources humaines et matérielles de l'État pour faire campagne.

La presse parlée, écrite et télévisée est inondée de spots en faveur de Jude Célestin. Des posters géants, des banderoles, des véhicules à sonorisation mobile appelant à voter Jude Célestin sont déployés à travers tout le pays. Pour rassembler du monde dans les rares meetings qu'il a tenus, le pouvoir a offert entre 10 et 15 euros par personne et des sommes plus importantes à des responsables d'organisations ou d'associations bidon montées pour la circonstance et poussant comme des champignons, intervenant massivement dans la presse pour appeler à voter Jude Célestin. Des T-shirts et des photos à tout venant.

Un avion a été affrété pendant une semaine pour faire le tour du pays, lâchant des tracts appelant à voter Jude Célestin. C'est peut-être la campagne électorale la plus coûteuse dans l'histoire d'Haïti, répète-t-on.

D'autre part, l'organisme électoral, visiblement gagné à la cause du pouvoir, travaille de mèche avec celui-ci et est vertement critiqué par la majorité des formations politiques dans ou hors de la course électorale.

L'appareil électoral est aussi contrôlé de pied en cap par le pouvoir en vue d'imposer à la population un candidat à la présidence très impopulaire. La majorité des membres des bureaux de vote et des responsables électoraux départementaux sont désignés par le pouvoir.

La veille des élections, la machine électorale du pouvoir était fin prête pour l'opération et s'est mise en marche tôt à travers le pays. La plupart des membres de bureaux de vote à la solde du pouvoir ou de la plate-forme politique INITE ont dormi dans les locaux hébergeant les centres de vote et se sont employés à bourrer les urnes dans la soirée du 27 au 28 novembre. Si bien qu'à l'ouverture de ces bureaux à 6 heures, les premiers électeurs ont découvert des urnes déjà remplies à moitié ou plus. Dans d'autres centres de vote, à 9 h, soit trois heures après l'ouverture, les bulletins des candidats à la présidence notamment étaient déjà épuisés. Rupture de stocks due au bourrage des urnes.

À midi, des journalistes alertaient l'organisme électoral sur la situation d'autres centres de vote où le matériel électoral n'était pas encore arrivé. Étant donné que les partis participant aux élections sont en surnombre, il était prévu une sorte de rotation entre les mandataires de partis au sein des centres de vote pour éviter d'avoir plus de mandataires que d'électeurs dans les bureaux. Dans beaucoup de centres de vote, l'accès n'était accordé qu'à des mandataires de INITE, la plate-forme politique du pouvoir.

La force onusienne qui était chargée notamment de la logistique de ces élections, du transport du matériel électoral, a carrément oublié de desservir certaines communes où l'organisme électoral n'avait d'autre choix que d'annoncer en milieu de journée électorale le report des élections dans ces endroits.

Ce n'est pas tout. Dans la capitale, à Port-au-Prince notamment, plus de 50 % des électeurs n'ont pas pu voter. Faisant le va-et-vient incessant d'un centre de vote à un autre parfois très distant l'un de l'autre, les noms de ces électeurs ne figuraient nulle part. En fait, c'était planifié pour faciliter la tâche aux bourreurs d'urnes en faveur du candidat de INITE à la présidence.

La presse a dénoncé la fabrication de plus de 500 000 faux bulletins en République dominicaine, lesquels sont déjà remplis en faveur de Jude Célestin. Dans certaines régions comme dans le Sud, après avoir voté, des électeurs se sont rendu compte que les bulletins à remplir étaient revêtus d'un plastique à peine visible, lequel subterfuge consistait à enlever le plastique après et obtenir un bulletin vierge. On n'a pas besoin d'être experts en magouilles pour deviner facilement l'opération suivante.

Il n'est quand même pas inutile de souligner que le pouvoir a aussi pris toutes les dispositions pour ne pas avoir une trop grande participation populaire aux élections, situation qui facilite les magouilles tant dans les urnes que dans les centres de saisie des données.

La plupart des gens avaient perdu leurs cartes électorales lors du séisme du 12 janvier et des nouveaux électeurs qui ont atteint l'âge de la majorité souhaitaient aussi voter. Mais l'organisme responsable de la fabrication des cartes les faisait et les livrait au compte-gouttes. Six mois avant la date des élections, ce sont des files interminables de gens sous un soleil de plomb et en proie aux bâtons de policiers pour tenter en vain d'arracher une carte. À la télé, des gens ont témoigné s'y rendre sur rendez-vous tous les jours depuis six mois. En vain.

Tout cela a participé à faire monter la colère de la population le jour du vote et le 7 décembre lors de la publication officielle des résultats préliminaires. Mais le pouvoir, dans la planification de ses manœuvres, n'avait pas prévu ce paramètre : des manifestations en cascade dans quasiment toutes les villes du pays pour dénoncer les fraudes orchestrées en faveur notamment du candidat à la présidence, Jude Célestin.

C'était une véritable gifle pour le pouvoir qui a eu droit à un vote de rejet frappant particulièrement son candidat à la présidence, Jude Célestin, qui devrait être élu, selon les vœux de Préval, magouilles aidant, à 52 % dès le premier tour. De toute façon, même si Préval échoue dans son plan de faire avaler à la population son candidat impopulaire, Jude Célestin, sa plate-forme politique, INITE, est déjà bien positionnée pour avoir la majorité au prochain Parlement, c'est-à-dire bénéficier de la prérogative constitutionnelle de désigner le Premier ministre. Selon des sources combinées, le chef de l'État n'a pas caché sa volonté d'occuper cette fonction, de devenir ainsi le Poutine haïtien.

La révélation dans cette campagne électorale est la fulgurante ascension - dans les sondages et le jour du scrutin - de Michel Martelly alias Sweet Micky, un chanteur d'un groupe Compas, très populaire pour son sens de l'humour, mais connu aussi comme dealer de drogue qui avait fait sa fortune pendant la dictature militaire de Cédras et de Michel François, et comme dépravé dans les mœurs. À l'annonce de sa candidature, on en riait dans la population. Personne n'y croyait. Étant donné qu'il est le seul ou l'un des rares parmi les 19 candidats à la présidence qui n'a jamais participé aux différents gouvernements qui se sont succédé depuis le départ de Duvalier jusqu'à cette date et qui a tiré à boulets rouges sur le pouvoir, une bonne partie de la population lui a accordé son vote.

Et à Port-au-Prince, il a récupéré le mouvement de protestation déclenché le jour du vote en prenant la tête des manifestants déçus et en colère. Sa popularité continue de croître après la publication des résultats préliminaires l'excluant de la course au profit de Jude Célestin.

Steven Benoit, le député qui avait initié le projet de loi sur le relèvement du salaire minimum et l'avait défendu jusqu'au bout, a été élu sénateur dès le premier tour et avec 61,85 % des voix. La majorité des travailleurs n'avait d'ailleurs pas caché sa volonté de voter pour lui.

Lafanmi Lavalas d'Aristide a encore été exclu de ces élections présidentielles et législatives, mais il faut préciser que depuis plus d'un an le parti est scindé en plusieurs morceaux, presque autant de chefs que de fractions, dont quatre ont participé aux dernières joutes électorales. Mais Aristide n'a donné ouvertement sa bénédiction à aucune de ces fractions qui ont pris part aux élections. Celle qui est la plus importante, RENMEN AYITI, dirigée par Jean Henry Céant, notaire de l'ex-président Aristide, est arrivée en quatrième position dans les résultats préliminaires contestés avec 8,18 % des voix.

De ce qui précède, on peut déduire que c'était tout sauf des élections, mais cette mascarade a quand même coûté près de 30 millions de dollars américains. Si on y ajoute uniquement le montant du budget de campagne de Jude Célestin, le candidat du pouvoir, on obtiendrait une somme astronomique dont une infime partie suffirait pour couper la chaîne de transmission de l'épidémie du choléra qui a déjà tué officiellement au moins 2 500 personnes en Haïti.

Déclarée officiellement le 19 octobre, cela fait environ deux mois et quelques jours, l'épidémie du choléra a déjà fait 2 591 morts, selon le dernier bilan communiqué par le ministère haïtien de la Santé publique, daté du 21 décembre 2010 ; 48 personnes environ décèdent par jour de la maladie, chiffre très en dessous de la réalité. Même le plus naïf de la population ne prend pas au sérieux ces chiffres émanant des autorités sanitaires du pays qui visiblement ne font rien pour stopper l'épidémie du choléra, qui pourtant se traite aussi facilement qu'il tue. Sur 134 communes et 570 sections communales, on ne compte qu'une cinquantaine de centres de traitement du choléra. Des SOS viennent de tous les responsables des centres hospitaliers du pays pour alerter qu'ils sont dépassés, qu'ils n'ont pas assez de lits, pas de médicaments et surtout pas assez ou pas du tout de personnel soignant. Ils n'ont dans la plupart des cas même pas les moyens techniques pour faire des tests de dépistage rapides. L'écrasante majorité des communes du pays ne disposent pas de centres de traitement de choléra ; la situation est encore plus difficile dans les sections communales, où en général il n'y a même pas un dispensaire. Dans certaines villes du pays comme le Cap-Haïtien, dans le Nord, des cadavres de gens atteints du choléra sont restés pendant deux, trois jours le mois dernier sans être ramassés alors que les cadavres constituent aussi une source de transmission de la bactérie. Imaginez la situation dans les zones reculées du pays où il n'y a aucun centre de soins, où les gens ne mangent qu'avec la main, où le contact des mains avec la bouche, principale porte d'entrée de la bactérie, sont très fréquents ; où les gens considèrent en général les maladies comme un sort qui leur est jeté.

« On a déjà dénombré au moins 45 personnes lynchées à mort en Haïti depuis le début de l'épidémie de choléra à la mi-octobre par des groupes les accusant de pratiquer la sorcellerie pour propager la maladie », a indiqué mercredi le ministère haïtien de la Communication et de la Culture.

« Nous avons dénombré 40 morts dans le seul département de la Grand'Anse où les gens s'attaquent à des guérisseurs accusés de sorcellerie liée au choléra », a déclaré Moïse Fritz Evens, un responsable du ministère de la Communication.

Dans d'autres régions d'Haïti, cinq personnes ont été tuées dans les mêmes circonstances, selon la même source. Les victimes, la plupart des prêtres vaudou, la religion populaire d'Haïti, sont battues à coups de machette et de pierre avant d'être brûlées dans la rue.

Moins de trois semaines après le démarrage de l'épidémie, le gouvernement avait annoncé avoir le contrôle et la maîtrise de l'épidémie de choléra. On n'en était officiellement qu'à 300 décès.

Au milieu du mois de décembre, le ministre de la Santé se targuait d'être en possession de beaucoup de médicaments, qu'il ne lui manquait que des entrepôts pour les stocker alors que dans tous les centres de traitement du choléra les médicaments manquent cruellement. Les autorités s'emploient à mentir à la population, à détourner les fonds publics et ne prennent aucune mesure appropriée en vue de stopper l'épidémie qui se propage à toute vitesse en tuant aussi vite qu'elle s'étend.

À l'origine de cette épidémie de choléra, la contamination du plus grand fleuve du pays, celui de l'Artibonite. C'est du moins l'hypothèse la plus plausible et admise de tous, sauf de la force onusienne dont le contingent népalais est pointé du doigt. Deux études, l'une française et l'autre américaine, ont déjà privilégié la thèse selon laquelle les matières fécales des Népalais auraient contaminé le fleuve. Une chaîne de télévision française a rapporté qu'une épidémie de choléra a frappé Katmandou, la capitale du Népal, au mois de septembre 2010, et quinze jours après un contingent népalais a quitté cette ville en direction d'Haïti.

Mais le plus révoltant dans cette histoire, c'est que des couches pauvres de la population des départements de l'Artibonite et du Centre en sont à consommer l'eau polluée, insalubre, du fleuve Artibonite pour se désaltérer. Et l'accès à l'eau potable est le problème de toute la population pauvre en Haïti.

La CAMEP et le SNEP, les deux organismes responsables de la distribution de l'eau potable au niveau national, desservent moins de 2 % de la population et en eau non potable.

Un rapport du ministère de l'Éducation nationale affirme que seulement 29 % des écoles sont pourvues d'eau potable sur les 15 682 fonctionnant dans le pays. Mais qui peut garantir que l'eau disponible dans ces 29 % d'écoles est vraiment potable ?

La situation est d'autant plus alarmante que tous les facteurs sont réunis pour la propagation de cette épidémie de choléra : la misère, les bas salaires, l'ignorance, l'analphabétisme, la promiscuité, le non-accès à l'eau potable, les problèmes d'assainissement, de gestion des ordures et des excreta humains, l'insuffisance ou l'inexistence des fosses septiques pour la majorité de la population. Sans oublier les conditions révoltantes dans lesquelles les centaines de milliers de sinistrés survivent dans des camps dépourvus de sanitaires et d'eau potable pour la plupart, les conditions dans lesquelles des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses de la zone industrielle prennent leurs repas, sans parler de l'eau polluée qui leur est imposée par les patrons.

Même dans les villes du pays, une bonne partie de la population des bidonvilles défèque à même le sol. Quatre Haïtiens sur cinq n'ont pas accès aux services d'assainissement. Même des latrines sont refusées à la majorité de la population au 21e siècle.

Tous ces facteurs sont des bons compagnons d'une épidémie de choléra, et de surcroît avec un gouvernement plus préoccupé par les magouilles centrales aux élections pour favoriser ses candidats que par les nombreuses pertes en vies humaines déjà causées par le choléra.

Au travers des déclarations des autorités et des spots de prévention, il ressort que la propagation de l'épidémie est due surtout au fait que les gens ne se lavent pas les mains. En clair, ce sont les victimes qui sont culpabilisées et les responsables, les classes possédantes et leurs valets au gouvernement, qui contraignent les masses pauvres à vivre dans la saleté, dans la crasse, par le chômage, les bas salaires, le non-accès aux services publics, sont dédouanés.

Tandis qu'il est évident que le choléra, même s'il est freiné dans sa course - ce qui est loin d'être le cas -, restera sous forme endémique tant qu'on ne s'attaque pas à la situation sociale et économique des couches pauvres de la population et à la déconfiture des services publics, qui favorisent le développement et la multiplication de la bactérie du choléra.

Le séisme du 12 janvier et la catastrophe sociale qui s'en est suivie avaient mis à nu la décomposition de l'État qui avait été incapable d'organiser le secours, d'apporter des soins aux dizaines de milliers de blessés dont la plupart ont succombé à leurs blessures faute de secours et de soins. L'épidémie de choléra affiche et confirme aujourd'hui la faillite des dirigeants politiques et économiques du pays.

Les prochains jours s'annoncent sombres en fait de pertes en vies humaines au sein de la population pauvre. Au début du mois de décembre dernier, l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS), la branche régionale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a alerté que les cas de contamination pourraient atteindre jusqu'à 400 000, au cours des douze prochains mois, dont la moitié au cours des trois mois à venir. La vie des dizaines de milliers de pauvres est en danger sans la mise en place d'une politique efficace de lutte contre le choléra, sans une mobilisation des classes pauvres pour porter les dirigeants et les ONG - qui avaient collecté des millions au nom des pauvres après le séisme - à mobiliser les fonds disponibles pour sauver la vie des gens, pour installer des centres de traitement du choléra partout dans le pays avec les médicaments bien sûr, pour former des étudiants en médecine dans le traitement du choléra, les mobiliser à renforcer les équipes soignantes, distribuer massivement des kits hygiéniques dans le pays, fournir l'eau potable à la population pauvre des villes et des campagnes.

Face aux magouilles du chef de l'État, René Préval, pour imposer son poulain, Jude Célestin, comme président de la République, des couches pauvres ont su réagir spontanément le jour même du scrutin et aussi pendant environ une semaine après la publication officielle des résultats préliminaires le 7 décembre dernier. Pour porter le gouvernement, les ONG, les riches de ce pays à décaisser les sommes qu'il faut en vue de rompre la chaîne de transmission de l'épidémie, les classes pauvres des villes et des campagnes ont intérêt à étendre et à renforcer leur mobilisation dans les dix départements du pays. La force, la pression, c'est en effet le seul langage que comprennent ces dirigeants obtus et méprisants vis-à-vis des masses pauvres.

26 décembre 2010

Partager