Relations Est-Ouest : la fin des « blocs », rien à voir avec la fin du communisme

Au sommaire de cet exposé

Sommaire

En décembre dernier, au large de l'île de Malte, Bush et Gorbatchev se sont rencontrés sur un bateau. Certains journalistes ont surtout relevé qu'il y avait du roulis et du tangage ce jour-là, mais entre Bush et Gorbatchev, malgré les difficultés météorologiques, il y a eu beaucoup de regards entendus. Et Bush en est sorti pleinement satisfait, avec entre autres cette déclaration faite à un journaliste :

« Oui, je pense que je peux avoir confiance en Gorbatchev »... « je l'ai regardé dans les yeux, je l'ai évalué. Il était très déterminé. Alors, il a eu un pétillement dans l'oeil. C'est un gars tout à fait sûr de ce qu'il fait. Il a un bon sens politique. Je peux le dire à la façon dont il riait avec nous ».

Bush pense que Gorbatchev est « un bon gars » . Ce n'est pas en un clin d'oeil au cours d'une croisière en Méditerranée qu'il s'est fait son jugement mais après avoir constaté ces derniers temps les effets de la politique de Gorbatchev, en particulier en matière extérieure.

Un certain nombre de conflits mondiaux, que la littérature politique appelle avec condescendance des « conflits régionaux », sont en voie d'apaisement dans le monde. En Afghanistan, au Cambodge, en Angola après le Mozambique, en Afrique du Sud, au Nicaragua et au Salvador, des solutions politiques semblent déjà trouvées ou en passe de l'être. On voit s'éteindre un certain nombre de guerres pour le pouvoir que se menaient des appareils militaires aidés et armés d'un côté par les États-unis et leurs « amis » sud-africains ou israéliens, de l'autre par l'URSS et les siens, cubains, Vietnamiens ou Allemands de l'Est. Mais dès qu'on y regarde d'un peu près, on constate que c'est surtout l'URSS qui se dégage.

Et puis, en Europe, l'URSS quitte les pays de l'Est.

Alors Bush a confiance, et des raisons pour cela. Face à l'impérialisme américain, l'URSS est en quelque sorte en train de rentrer les antennes qu'elle avait étendues dans le monde, de se replier dans ses frontières (dont on ne sait pas trop, avec la Lituanie et les envies d'indépendance de quelques autres Républiques jusqu'où ces frontières pourraient se rétrécir). L'URSS rentre au bercail en quelque sorte, reprend la stature de puissance nationale qu'elle avait dans les années 1930, quand la dégénérescence stalinienne en avait fait un État uniquement jaloux de se protéger dans ses frontières. Mais l'URSS n'est plus le centre de ce « Bloc soviétique » créé en 1947-48 face au « Bloc » impérialiste américain.

Nous assistons à la fin de ces « blocs » d'après-guerre. Ou plus exactement au démantèlement du bloc soviétique, comme si ses dirigeants choisissaient de jeter l'éponge devant l'impérialisme.

En 1917, la révolution partie de Pétrograd et Moscou veut gagner le monde entier

A ses débuts en 1917, la Russie révolutionnaire, la Russie communiste, est tout sauf un bloc. Les « blocs » à l'époque, dans l'Europe en plein conflit mondial, ce sont les super-machines de guerre impérialistes : Le bloc austro-prussien opposé au bloc anglo-français. Ces « blocs » retaillent l'Europe et le monde pour les intérêts des industriels et des banquiers. La révolution russe naît précisément du dégoût et de la colère des masses populaires pour ces blocs guerriers. Et c'est comme un grand souffle qui part de Moscou et Pétrograd. Une onde qui rayonne et diffuse sur le monde entier. Le pôle révolutionnaire de 1917 n'a rien de géographique. Le « front » de la guerre de classe déclenchée par la révolution russe n'oppose pas des « blocs » de territoires nationaux, mais divise au contraire en deux camps toutes les nations. C'est comme une tuberculose disséminée qui se propage. Dont la progression est inquiétante parce qu'insaisissable. L'ennemi est partout ! Dans tous les pays. Il franchit les frontières sans les passer ! Les bourgeois voient des révoltés et des bolchéviks à tous les coins de rue ! Ils les voient même comme ils n'ont jamais été, avec un couteau entre les dents !

Les révolutionnaires russes autour de Lénine et Trotsky, ont crée un « pouvoir soviétique », un État ouvrier qui précisément parce qu'il défend une classe ne veut pas s'enfermer dans des frontières « nationales ».

Au tout début de la révolution, c'est tout juste si les blochéviks voulaient s'embarrasser d'un ministère des affaires étrangères, même baptisé « Commissariat du peuple aux affaires étrangères ». Trotsky avait pris cette charge parce qu'il avait besoin de temps à consacrer aux affaires du Parti, et disait-il, « le travail n'y est pas bien grand...publier les documents secrets et fermer boutique » . Le nouveau pouvoir a en effet publié en feuilleton dans les Izvestia le contenu de Traités secrets conclus entre 1914 et 1917, qui révélait les marchandages par lesquels les gouvernements s'étaient par avance attribués les fruits de de la victoire.

Et même quand la Russie révolutionnaire se donne un nom de baptème, un peu plus tard, elle choisira « URSS » : « Union des Républiques Socialistes Soviétiques », qui est presque le seul nom de pays au monde (avec le Libéria en Afrique) qui n'ait rien à voir avec une localisation géographique. Un nom de pays qui se rapporte à une forme de gouvernement et à un idéal de société. Les révolutionnaires militent alors pour la révolution mondiale. Et cela n'est pas un mot. En 1917, en 1918, il faut « tout faire pour la révolution allemande et européenne » , disent et redisent Lénine et Trotsky. « Malgré la guerre civile, malgré le blocus... ». A la fin de 1918, quand la première vague révolutionnaire arrive en Allemagne, Trotsky précise bien que : « Si le prolétariat d'Allemagne tente de prendre l'offensive, le devoir essentiel de la Russie des Soviets sera d'ignorer, dans la lutte révolutionnaire, les frontières nationales ». Et il ajoute, provoquant pour la bourgeoisie, qu'il n'y aura besoin d'aucun traité avec Liebknecht pour que les prolétaires russes se portent à la rescousse de la révolution allemande. Lénine, qui craint au même moment que le parti soit en retard sur la révolution allemande, fait expédier par télégraphe dans le monde entier la résolution suivante : « Nous sommes tous prêts à mourir pour aider les ouvriers allemands à faire avancer la cause de la révolution qui a commencé en Allemagne » .

La préoccupation essentielle des bolchéviks fut de construire des partis communistes dans les différents pays et une Internationale. Et tant que les gouvernements bourgeois leur ouvraient des ambassades, comme à Berlin quelques années, ils en faisaient un quartier général pour révolutionnaires, un lieu de discussions, réunions, édition de matériel de propagande.

Ils ont mené pourtant une politique d'État, passér des accords diplomatiques, militaires ou commerciaux avec l'entourage impérialiste, mais c'était toujours les intérêts de la révolution qui inspiraient leur politique.

Brest-Litovsk, c'est le nom d'une ville qui, successivement a été :

- allemande, avant la guerre de 1914,

- polonaise, entre les deux guerres mondiales,

- russe ou soviétique, après la Deuxième Guerre, (à cause des changements de frontières).

En mars 1918, c'est là que les Bolchéviks concluent le « Traité de Brest-Litovsk » qui met fin à la guerre entre la Russie et l'Allemagne, et le bolchévik Joffé, en guise d'au-revoir au comte et au baron qui forment la délégation austro-prussienne, leur lance un calme mais ferme : « J'espère bien que nous allons pouvoir déclencher la révolution chez vous aussi » ...

Vingt-et-un an plus tard, en septembre 1939, c'est à Brest-Litovsk que l'armée de Hitler et celle de Staline font leur jonction, après avoir occupé chacune une moitié de la Pologne ! Le partage du pays était une des clauses des protocoles secrets du « Pacte germano-soviétique » , à la signature duquel Staline s'était illustré par un toast porté à Hitler et où il avait bu « à la santé du Führer » à cause, disait-il, « de l'amour que porte à son Führer la nation allemande ».

Le tournant stalinien : statu quo et repliement sur les frontières « nationales »

Entre temps, il y avait eu le tournant stalinien, la « théorie du socialisme dans un seul pays » exprimée pour la première fois à l'automne 1924. C'était une façon de dire qu'il ne fallait plus chercher à étendre la révolution, qu'il fallait maintenir le statu-quo avec l'impérialisme en protégeant les frontières nationales. Les masses populaires soviétiques étaient lasses mais surtout, les incitations à abandonner le combat devant l'impérialisme venaient d'en-haut, de ceux à qui des places un peu privilégiées dans le nouvel État donnaient l'envie de préserver leurs « acquis ». Ceux-là prenaient insidieusement le pouvoir, faisait leur propre révolution de palais au sein de l'État ouvrier. Trotsky écrit dans La Révolution trahie, en 1936, que « La théorie du socialisme dans un seul pays signifie le désir de délivrer la politique étrangère des Soviets du programme de la révolution internationale ».

Entre 1925 et 1939, l'État soviétique et l'Internationale passés sous la coupe de Staline, adoptent une politique d'abandon ou de trahison des opportunités révolutionnaires : en Chine en 1925-1927, en Allemagne en 1928-1933, en France et en Espagne en 1936-37.

Mais Staline a été en situation de mener cette politique de trahison de la révolution prolétarienne par des moyens hérités de 1917 : l'attraction de l'État ouvrier parmi les travaileurs et parmi les peuples opprimés, l'Internationale Communiste, ces partis devenus staliniens mais qui se disaient communistes. Il trahissait tous les idéaux d'Octobre 1917 mais il continuait cependant à s'en proclamer l'unique héritier, et il persévérera à en utiliser les mots en les vidant de leur contenu.

Les trahisons successives de la bureaucratie ont certes rapidement dilapidé le capital de confiance que lui avait valu le fait de passer pour l'héririère d'Octobre. Ce qui en restait constituait un des principaux moyens pour l'URSS de la bureaucratie de tromper et trahir la classe ouvrière. Mais c'était également cela qui donnait un caractère particulier et mettait certaines limites au rapprochement politique entre la bourgeoisie internationale et la bureaucratie, malgré la servilité de cette dernière.

Les « succès de la diplomatie stalinienne : à la mesure de la révolution internationale

En 1934, dans un manifeste de la IVe Internationale intitulé La Quatrième Internationale et la guerre, Trotsky fait une analyse de la politique étrangère de l'URSS qui peut nous servir de fil conducteur pour comprendre les relations entre l'URSS et l'impérialisme jusqu'à la période actuelle. Il écrit : « A une échelle historique, l'antagonisme entre l'impérialisme mondial et l'Union soviétique est infiniment plus profond que les antagonismes qui opposent les uns aux autres les pays capitalistes. Mais la contradiction de classe entre l'État ouvrier et les États capitalistes a une acuité qui varie en fonction de l'évolution de l'état ouvrier et des changements de la situation mondiale. Le développement monstreux de la bureaucratie soviétique et les difficiles conditions d'existence des masses travailleuses ont terriblement dégradé le pouvoir d'attraction de l'URSS vis-à-vis de la classe ouvrière mondiale. Les lourdes défaites de l'IC et de la politique extérieure nationale pacifiste du gouvernement soviétique n'ont pu, à leur tour, que diminuer les appréhensions de la bourgeoisie mondiale. Finalement, la nouvelle aggravation des contradictions internes du monde capitaliste oblige les gouvernements d'Europe et d'Amérique à aborder l'URSS à cette étape, non du point de vue de la question principale, capitalisme ou socialisme, mais de celui du rôle conjoncturel de l'État soviétique dans la lutte entre les puissances impérialistes. Les pactes de non-agression, la reconnaissance de l'URSS par le gouvernement de Washington, sont les manifestations de cette situation internationale... » Et Trotsky ajoutait encore que « le danger révolutionnaire que constitue le communisme a perdu de son acuité, en dépit de la terrible crise. Les succès diplomatiques de l'Union soviétique sont à attribuer, au moins dans une large mesure, à l'extrème affaiblissement de la révolution internationale ».

Dans ces années 1930, la crise économique et sociale engendre l'exacerbation des contradictions interimpérialistes. La politique stalinienne engendre de son côté la démoralisation ouvrière. Les deux convergent pour rejeter au second plan l'antagonisme entre l'URSS et le monde impérialiste. Si bien que, comme le disait Trotsky, « la nouvelle aggravation des contradictions internes du monde capitaliste oblige les gouvernements d'Europe et d'Amérique à aborder en effet l'URSS, à cette étape...du point de vue de son rôle conjoncturel dans la lutte entre puissances impérialiste ».

A partir du moment où Hitler arrive au pouvoir, en janvier 1933, Staline cherche à se protéger par des alliances diplomatiques et conclut des pactes successifs avec les États-Unis qui reconnaissent l'Union soviétique en 1933, avec la France en 1935, et même avec Hitler lui-même en 1939 !

Des chiffons de papiers, vite jetés à la corbeille, qui exprimaient à leur façon le « rôle conjoncturel » que pouvait jouer l'URSS dans leur préparation à la seconde guerre mondiale.

Staline, « intendant de Hitler... avant d'être le bras droit de Roosevelt

Le pacte germano-soviétique d'août 1939 n'était pas plus imbécile et criminel, du point de vue des intérêts du prolétariat révolutionnaire, que celui avec de prétendues « démocraties impérialistes » ( « les plus grandes aristocraties du monde » disait Trotsky, parce qu' « elles exploitent des millions d'esclaves coloniaux ». Mais le pacte germano-soviétique aidait Hitler à préparer la guerre.

Ses protocoles secrets stipulaient, outre le partage de la Pologne, la vente à l'Allemagne nazie de pétrole et manganèse dont Hitler avait besoin pour mener bientôt la guerre contre la Grande-Bretagne. Trotsky ironise sur le fait que le prétendu « pacte de non-agression » signifie de fait « une attitude de passivité à l'égard de l'agression allemande » , doublée d' « un traité de collaboration économique dans l'intérêt de l'agression ». Et il résume ainsi : « Le pacte germano-soviétique est une alliance militaire avec répartition des rôles : Hitler mène les opérations militaires et Staline lui sert d'intendant » .

Hitler allait donc commencer la guerre à l'Ouest, avec Staline comme intendant, en particulier contre la Grande-Bretagne. En juin 1941, Hitler allait se retourner contre Staline et déclarer la guerre à l'URSS. La peur de Staline n'avait pas évité le danger, et la menace était décuplée du fait que l'URSS n'était pas préparée politiquement ni militairement à la guerre.

Il est vrai que Staline allait terminer la guerre comme intendant de Roosevelt et Truman. C'est une montée en grade qui valait bien le bâton de maréchal qu'il s'était lui-même attribué.

On a vu qui est Staline en 1939 : un homme faible qui avait successivement quémandé l'alliance des loups des deux blocs impérialistes opposés, avant de se jeter dans la gueule de celui qui allait chercher à le manger. Un homme qui, loin de préparer l'URSS à la bataille dans laquelle elle allait être impliquée, priait seulement le ciel, et les manoeuvres diplomatiques, de faire passer l'orage à côté de lui. Faute de pouvoir s'appuyer sur le seul réel allié que l'URSS aurait pu avoir, la classe ouvrière mondiale, qui représentait aux yeux des bureaucrates du Kremlin un danger encore plus grand, pour eux personnellement.

Le Staline de 1945 a une position mieux assise. C'est la consécration aux grandes conférences de Yalta et Potsdam.

En 1943, l'entente contre-révolutionnaire planétaire entre les USA et l'URSS

A Yalta en février 1945, Staline trône entre Roosevelt et Churchill. A Potsdam en août de la même année, entre Truman et Attlee. Les présidents américains et premiers ministres britanniques se suivent, Staline demeure...et assume de fait le secrétariat général, permanent, des rencontres des sommets impérialistes.

Mais la nouvelle place, et surtout le nouveau rôle de Staline datent de l'année 1943, décisive où, à la conférence de Téhéran, s'est conclu le pacte entre l'impérialisme anglo-américain et l'URSS.

En décembre 1943 à Téhéran, Roosevelt et Churchill qui festoyent avec Staline qu'ils appellent affectueusement l' « oncle Joe », sont impressionnés par la puissance militaire soviétique. Ils le seront plus encore, quelques mois plus tard, quand l'URSS réussira à faire avancer sur toute l'Europe, d'Est en Ouest, une armée de six millions d'hommes, sur un front de 5.000 kilomètres de large et de 500 kilomètres de profondeur, et que la Pologne, les Pays-Baltes, la Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Yougoslavie, la Hongrie et enfin l'Allemagne (dont Berlin) seront occupées par l'Armée rouge. Quand Churchill discute avec Staline du futur partage des zones d'influence dans l'Europe d'après-guerre, en octobre 1944, une limite s'impose d'elle-même, c'est celle qui correspond au terrain qu'occuperont les armées.

L'impérialisme anglo-américain est confronté aussi à la situation critique de l'Europe et du Japon. Il y a les dévastations de la guerre, la désorganisation économique, la famine et la misère, mais surtout la destruction physique prévisible des appareils d'État, ceux des pays vaincus mais de tous les autres aussi. L'écroulement des appareils d'État, les vides étatiques, sur fond des défaites, reculs, désespoirs et souffrances dans la guerre, cela veut dire qu'on risque la révolution, en particulier en Allemagne, un pays à forte population ouvrière.

Les alliés ont besoin de Staline pour relever l'Europe capitaliste. Staline a servi d'intendant à Hitler. Il peut passer maintenant au service de Roosevelt et proposer l'armée rouge comme force supplétive de l'impérialisme dominant.

Les Anglo-américains et les soviétiques vont donc collaborer à remettre en place des appareils d'État, même brinquebalants, même faits de pans entiers des anciens appareils, nazis par exemple.

Mais les alliés n'ont pas besoin de Staline seulement pour qu'il maintienne l'ordre. Ils en ont besoin pour qu'il intervienne politiquement. Pour qu'il use du crédit qu'il a encore dans le prolétariat pour contrer précisément toute action autonome du prolétariat. Pour qu'il se serve de l'étiquette communiste de son régime pour empêcher précisément toute utilisation du communisme par les masses, même par erreur. L'impérialisme américain assigne à Staline la tâche de mettre les partis et les militants communistes à la remorque des dirigeants bourgeois. Il faut que l'URSS change de visage, il faut que l'URSS apparaisse comme un pays qui ne se bat plus que par « patriotisme ». Surtout dans cette année 1943 où le début de la fin de la guerre peut voir éclater la révolution.

Alors Staline fait des gestes qui peuvent paraître symboliques - comme la dissolution de l'Internationale Communiste et la suppression du Chant l'Internationale comme hymne soviétique - mais qui sont destinés à mettre les points sur les « i » auprès des militants communistes qui ne comprendraient pas ou ne voudraient pas comprendre qu'il s'agit vraiment d'un tournant. Il demande aux partis communistes de former des « Fronts » avec les partis bourgeois dits anti-nazis (dont le nombre augmente au fur et à mesure que le vent de la victoire tourne). Avant de leur demander de participer à leurs gouvernements. Avec de Gaulle par exemple !

Dans le monde, c'est l'occasion pour l'URSS, et pour les partis communistes de démoraliser et de perdre ceux des travailleurs qui espéraient que la fin de la guerre serait l'occasion de la lutte pour le bouleversement social. Mais c'est l'occasion aussi pour l'URSS et les partis communistes de différents pays de trouver de nouveaux « amis » et un nouveau crédit dans les milieux petits-bourgeois, voire bourgeois. Dans des couches sociales ni prolétariennes ni révolutionnaires, pour qui l'URSS apparaît surtout comme la grande puissance militaire - socialiste certes - qui a libéré l'Europe du nazisme.

Pour la première fois, l'URSS stalinienne joue un rôle de puissance mondiale. Mais Roosevelt dans sa politique n'aborde pas l'URSS d'un autre point de vue que l'abordait Hitler, c'est-à-dire qu'il ne l'aborde que du seul point de vue du « rôle conjoncturel de l'État soviétique dans les luttes impérialistes » . Oui, Staline a beau avoir trôné à Téhéran et Yalta, l'État soviétique n'a toujours qu'un rôle conjoncturel, subalterne disons. La différence avec les alliances de Staline d'avant-guerre, c'est que celle-là est conclue par l'impérialisme hégémonique de l'époque, pour une politique de stabilisation du monde entier, une politique destinée à prévenir ou éteindre les explosions sociales, en particulier dans les régions les plus dévastées par la guerre : l'Europe et le Japon. A Yalta - puisque le nom de cette conférence symbolise la politique menée de 1943 à 1947 - la bureaucratie stalinienne noue une entente contre-révolutionnaire planétaire avec l'impérialisme américain, l'impérialisme hégémonique. Cela représente un degré d'avilissement profond de l'État ouvrier. Staline accède même au voeu de Roosevelt que l'URSS déclare la guerre au Japon une fois terminée la guerre contre l'Allemagne, pour pouvoir porter des troupes en Mandchourie et y assurer là aussi l'ordre au moment de la retraite des occupants japonais. Comme le constatait Trotsky en 1934, les succès diplomatiques de l'URSS exprimaient à leur façon « l'extrème affaiblissement de la révolution internationale ». On pourrait ajouter que, par contre coup, ces succès contribuaient à affaiblir encore plus la révolution internationale.

L'impérialisme n'a plus en face de lui aucun adversaire

L'impérialisme américain, ni avant la guerre, ni pendant la guerre, n'a trouvé en face de lui aucun adversaire. Aucune politique autonome du prolétariat qui se serait opposé à lui sur le terrain révolutionnaire. C'est pourquoi il peut se payer le luxe de se renforcer encore en s'appuyant sans crainte sur un État et des partis qui se disent communistes !

En 1940, juste au début de la guerre, Trotsky écrivait que : « Pour l'Allemagne, il s'agit d' « organiser l'Europe ». Les États-Unis doivent « organiser le monde ». L'histoire est en train de confronter l'humanité à l'éruption volcanique de l'impérialisme américain » .

En cette fin de Seconde Guerre mondiale, on assiste en effet, à cette « éruption » , mais, encore une fois, décuplée par le champ libre laissé par la classe ouvrière sur le terrain révolutionnaire.

Dans la guerre, les États-Unis ont fait un argent fou, en vendant des armes, des vêtements, de la nourriture, des marchandises de toutes sortes aux pays belligérants. En leur concédant aussi des « prêts-bails », c'est-à-dire des prêts à des conditions exceptionnelles mais en échange de contrats d'achats de camelote américaine. Jamais les États-Unis n'ont autant exporté qu'en pleine guerre - c'est un « boom » énorme - surtout en direction de l'Europe.

En 1945, l'économie américaine est la seule prospère, la seule basée sur une monnaie solide. Par les accords mondiaux de Bretton-Woods, en 1945, les États-Unis font consacrer par le monde entier le dollar comme monnaie internationale, aussi bonne que l'or et qui lui est d'ailleurs convertible (ce qui n'est le cas d'aucune monnaie européenne). Et les États-Unis sont le seul pays dont la balance des paiements soit largement excédentaire.

Les États-Unis au cours de cette Deuxième Guerre mondiale ont définitivement supplanté les puissances impérialistes rivales. L'Allemagne évidemment qui sort battue, mais la Grande-Bretagne surtout, « alliée » mais néanmoins rivale, à qui les États-Unis ont râflé de fait une multitude de positions « stratégiques » dans le monde. Stratégiques sur le plan militaire, commercial ou celui de l'accès aux matières premières, à commencer par le pétrole. Les grands empires coloniaux anglais et français sont en passe de s'écrouler, même si certaines indépendances vont devoir être arrachées de haute lutte, mais les États-Unis ont déjà profité de la guerre pour imposer de fait leur politique de « la porte ouverte » et, du Grand Nord aux Açores, du Golfe Persique à Okinawa ou aux îles Samoa, les USA ont semé dans le monde entier des bases aériennes ou navales.

La richesse industrielle et commerciale des USA est colossale et ils ont la prétention de la développer encore et de régenter le monde entier. Sans entraves du côté du prolétariat, réduit par Staline au silence en tant que classe autonome.

L'endiguement de l'URSS par les USA : la cristallisation des « blocs » en 1947 fait de l'URSS un pôle involontaire pour la lutte anticoloniale des peuples

La politique de la bureaucratie stalinienne a fait son oeuvre et vraiment toute son oeuvre. La Grèce a été comme un test de la bonne volonté de Staline à l'égard de l'impérialisme. En décembre 1944, au départ des occupants nazis, Staline laisse les troupes britanniques y débarquer et massacrer quasiment les communistes - certes staliniens - qui étaient en situation d'accéder au gouvernement. Parce que Churchill ne voulait pas entendre parler d'un gouvernement communiste dans « sa » zone.

Mais ce n'est pas pour cela que les plus anticommunistes des dirigeants du monde impérialiste se faisaient une raison du partage. Churchill se plaisait déjà à dire en pleine guerre que « ce serait un désastre immense si la barbarie russe submergeait la culture et l'indépendance des États européens » . Mais il continuait quasiment, en 1945, où c'est lui qui a lancé la formule restée célèbre : « De Stettin à Trieste, le rideau de fer tombe sur l'Europe ». La collaboration n'allait pas sans tensions.

Il faut dire que les tensions inter-impérialistes retombées, avec la victoire sans partage des USA, l'URSS redevient, malgré sa bonne volonté, le principal adversaire. Et lui avoir laissé, par traité, lorsqu'on craignait l'éventualité d'une révolution, la possibilité d'occuper les territoires de l'Europe centrale, la renforçait un peu, trop au gré de l'impérialisme.

De plus en plus, les impérialismes français, anglais et américain sont en fait poussés à infléchir leur politique à cause de la révolution coloniale qui éclate alors en Asie (en Indochine, en Birmanie, en Indonésie, en Malaisie, à Singapour entre autres) et qui en Chine saute à la gueule des États-Unis.

En 1946, l'échec de la mission du général américain Marshall pour obtenir de Mao-Té-Toung et Tchang-Kaï-Chek qu'ils forment un gouvernement de coalition, et la marche vers la victoire de Mao, au fur et à mesure que les soldats de Tchang-Kaï-Chek passent avec armes et bagages dans son camp, sont extrèmement mal ressentis par les Américains. Les soviétiques n'y sont pour rien. Staline ne s'est pas engagé du côté de Mao. Il ne l'a même pas aidé. Mais les succès d'une armée qui se dit « rouge » en Chine, tendent les relations entre États-Unis et URSS. Et du coup, les Américains ne veulent pas reculer en Europe. Eux qui s'étaient fait les champions de l'anti-colonialisme, parce qu'ils voulaient s'ouvrir tous les marchés et toutes les sources de matières premières du monde au détriment des chasses-gardées des impérialismes colonialistes anglais et français, tempèrent leur politique. Ils veulent préserver de bonnes relations avec leurs amis impérialistes qu'ils veulent en particulier associer à une tentative de reconquête du terrain perdu en Europe de l'Est.

Ce sera le but du plan Marshall, annoncé en juin 1947. Formellement, c'est un plan économique de redressement de l'Europe capitaliste, où les États-Unis se taillent évidemment quelques privilèges pour leurs trusts. Sur le fond, les visées sont politiques. D'une part, les États-Unis ont encore, en 1947, quelques raisons de craindre que la misère de l'Europe et l'influence des militants des partis communistes, surtout en Italie ou en France, n'engendrent des situations sociales qui leur échappent, et favorisent l'URSS. Les États-Unis voient dans le plan Marshall, aussi, une façon d'enfoncer un coin entre l'URSS et les pays de l'Est sous son contrôle.

L'offre Marshall est faite à tous les pays européens, dont ceux de l'Est occupés par les soviétiques. Alors que la Pologne et la Tchécoslovaquie aspirent à recevoir l'aide américaine, l'URSS craint que ce soit l'occasion de fissures dans son propre système. Le plan Marshall est présenté par Staline et par tous les partis communistes comme une machine de guerre américaine, et interdiction est faite par l'URSS aux PC des pays de l'Est de l'accepter.

C'est ce qui déclenche le début de la tension avec les États-Unis. A partir de là, l'Angleterre et la France resserrent les rangs autour des États-Unis, et les zones d'occupation militaire de l'Europe, et en particulier de l'Allemagne (divisée dans un premier temps en quatre, et Berlin aussi), commencent à se cristalliser, en deux.

Ce sont évidemment les États-Unis qui attaquent, provoquent sur le terrain économique, qui est en fait politique. La nouvelle monnaie qu'ils créent pour la zone occidentale allemande en 1948 est le premier pas vers la création d'un nouvel État, la RFA. L'URSS de son côté va procéder, en riposte, en créant elle aussi une monnaie annonciatrice d'un État séparé. L'arène principale de la guerre froide est l'Allemagne. RFA et RDA sont constituées en 1949, mais il y aura eu entre temps le « western » de la crise de Berlin de 1948. Une espèce de baptème de l'air de la guerre froide.

Comme Berlin avec ses quatre zones d'occupation américaine, anglaise, française et soviétique, est une enclave dans la zone orientale soviétique de l'Allemagne, et qu'il faut traverser donc la zone soviétique pour y arriver, les soviétiques ripostent au camp adverse dans ces mois de cristallisation des blocs en mettant des bâtons dans les roues au libre accès aux zones occidentales de Berlin. Le 24 juin 1948, après l'annonce de la réforme monétaire, les soviétiques déclenchent un blocus total de la ville, les communications entre Berlin et l'Ouest sont interdites par routes, canaux ou chemins de fer. Et les Américains ripostent par l'établissement d'un pont aérien qui va permettre, à lui seul, de ravitailler les secteurs occidentaux de la ville, y compris en produits énergétiques, pendant onze mois. Le 12 mai 1949, les dirigeants soviétiques lèvent le blocus. La puissance américaine l'a emporté.

Les États-Unis choisissent donc en 1947 de rejeter l'URSS dans un monde à part, avec la moitié de l'Europe qu'elle occupe, et de chercher désormais à empêcher toute progression de l'influence de l'URSS dans le monde. C'est la politique dite de containment, mot américain qu'on peut traduire par « endiguement ». C'est là que sont nés les « blocs » , « bloc soviétique » et « bloc capitaliste ». C'est le début de la « guerre froide » .

Malgré cela, les USA ne peuvent empêcher la prise du pouvoir par Mao-Tsé-Toung en 1949 car le régime de Tchang-Kaï-Chek est trop corrompu, et ils ne peuvent intervenir directement en Chine.

La phase la plus aïgue du containment aura lieu au plus tard, en 1950, à l'extrémité orientale des « blocs », en Corée, elle aussi divisée en deux zones d'occupation à la fin de la guerre mondiale. La guerre de Corée commence par une incursion de troupes coréennes du Nord - avec l'appui de l'URSS - en Corée du Sud, sans que personne puisse affirmer que l'URSS voulait la guerre. Il semblerait plutôt que non. Mais l'impérialisme américain, lui, saute sur l'occasion pour déclencher les hostilités. Les Américains envoient aussitôt des troupes en Corée, qu'ils font baptiser ensuite « troupes de l'ONU » avant que n'arrivent de vrais contingents de l'ONU. Cela dit, l'organisation pacifique toute neuve montrait ainsi l'occasion dans l'intérêt de qui elle était destinée à « pacifier ». Pour le compte des Américains.

Mais la politique de containment, inventée pour contenir l'expansion de la zone influencée par l'URSS, dans le contete de révoltes, voire de révolutions anti-coloniales de la période, s'est retournée, dans une certaine mesure, contre les Américains. L'engrenage de la « guerre froide » et plus particulièrement de la guerre de Corée, où la Chine de Mao tout juste victorieuse s'est engagée derrière la Corée du Nord, a durci la politique américaine elle-même. Et non seulement les deux « blocs » se sont très durement cristallisés, mais l'un, le « bloc soviétique » a pris figure de « bloc anti-impérialiste » vers lequel les pauvres du Tiers-Monde et surtout ses dirigeants nationalistes le plus radicaux ont pensé pouvoir se tourner et qui leur a offert un pôle...

Un « bloc de l'Est » mais pas un pôle communiste pour les travailleurs et les peuples opprimés

Mais c'était surtout un piège. Précisément pour les travailleurs et les pauvres du monde. Un piège de croire que ce « bloc communiste » ou autre « bloc soviétique », que les dirigeants impérialistes avaient affublés de ces nouvelles trouvailles terminologiques, péjoratives comme « rideau de fer » ou autre « glacis soviétique », pouvait représenter un pôle vraiment communiste pour eux. Les Staliniens cherchaient eux aussi à le faire croire et ont pris le qualificatif de leurs complices pour un compliment. On les traitait de « communistes », eux qui ne le méritaient plus depuis longtemps !

Les impérialistes occidentaux, eux, se flattaient, face au « bloc soviétique » de représenter le « monde libre ». Une vraie escroquerie aussi. Car lur monde n'était pas plus libre que la société des staliniens n'était communiste. Et l'illustration arrivait aussitôt. De part et d'autre du rideau de fer, dans ces premières années de « guerre froide » s'installaient des régimes aussi réactionnaires.

En URSS et dans les Démocraties Populaires, c'est la main-mise des appareils communistes, sérieusement épaulés par la présence militaire soviétique, sur les gouvernements et toute la société, ce qui entraîne les purges, les procès avec ou sans aveux préfabriqués, les exécutions, ou l'ordre moral en matière de culture.

Aux États-Unis, ce sont aussi les purges et les procès. C'est l'époque du MacCarthysme, de la schizophrénie anti-communiste, de la chasse aux sorcières contre les communistes qu'une commission est chargée de dépister, de licencier, en particulier dans le monde de la littérature et des spectacles. Tous les libéraux sont suspectés de « communisme ». C'est l'époque aussi du procès des Rosenberg, deux scientifiques condamnés à mort et exécutés pour espionnage au profit de l'ennemi...alors qu'ils étaient simplement communistes.

En 1954, s'ouvre une période de « détente » dans les relations Est-Ouest

La fin de la guerre de Corée, en 1953 après deux ans de négociations, suivie par la conférence de Genève qui met un terme à la guerre française d'Indochine, allait ouvrir une nouvelle période des relations Est-Ouest. Une période qui irait en gros, pour donner des repères, de la fin de la guerre d'Indochine « française » en 1954, au commencement de la guerre du Viet-Nam américaine, dans la première moitié des années soixante.

Après les années les plus hystériques de la guerre froide, cette nouvelle période des relations Est-Ouest, (un peu moins de dix ans, le temps d'un entre-deux-guerres en Asie), est présentée comme une période de relative détente. Elle est symbolisée dans bien des livres d'histoire par la rencontre, aux tous débuts des années soixante, des « deux K » , comme on disait à l'époque pour désigner les chefs respectifs des États-Unis et de l'URSS. Kennedy et Khrouchtchev.

Kennedy fut président des États-Unis seulement de 1961 à 1963. Il avait l'image d'un libéral, partisan de la fin de la ségrégation raciale aux USA.

Khrouchtchev, lui en URSS, après avoir écarté ses rivaux et concentré entre ses mains les pouvoirs de Staline - mort en 1953 -, avait achevé d'asseoir sa victoire en lançant en 1956 une campagne de déstalinisation et en déboulonnant jusqu'aux statues de son prédéecesseur. Il resta au pouvoir jusqu'en 1964. Il s'était fait le champion d'une nouvelle doctrine, celle de la « coexistence pacifique » entre « systèmes sociaux différents » , entre le bloc capitaliste et le bloc dit socialiste.

Alors ces deux Grands se rapprochent, oui : le nouveau secrétaire général « déstalinisateur » de l'URSS d'un côté, le président américain plus « libéral » de l'autre. Ils se voient, ils se congratulent, ils installent même un téléphone rouge entre eux. Et pourtant, jamais depuis la guerre, les relations entre les « blocs » n'ont été aussi tendues. Et surtout, jamais derrière les sourires est-ouest, la lutte sociale entre l'impérialisme et les pays pauvres n'a été si sanglante. La période s'est achevée d'ailleurs sur une des pires guerre de ce XXe siècle : celle du Vietnam.

Le « containment » de l'URSS joue un sale tour à l'impérialisme

A vrai dire, l'impérialisme dans cette période fait en quelque sorte les frais de sa politique de containment.

La politique de containment du début de la guerre froide concernait l'URSS. C'est l'influence soviétique que les États-Unis voulaient endiguer dans les limites fixées à Yalta. C'est par l'URSS que les États-Unis ne voulaient pas voir le partage remis en cause. Et l'URSS ne tenait pas à le faire d'ailleurs, pas du tout, la constante de la politique stalinienne étant vraiment le respect du statu quo.

Mais d'autres dans le monde viennent bouleverser le jeu et l'Ordre des deux Grands.

La Yougoslavie, avec Tito qui choisit en franc-tireur l'alignement sur l'URSS...même de très courte durée.

La Chine ensuite, avec la révolution maoïste. Puis Castro, en décembre 1959, avec la révolution cubaine.

Les révolutions chinoises et cubaines éclatent à dix ans d'intervalle. Elles n'éclatent pas dans la même partie du monde. Mais toutes deux, parce que Mao en Asie, Castro en Amérique centrale et latine expriment à leur façon les aspirations de millions d'opprimés, suscitent la même réaction brutale de rejet de l'impérialisme américain.

Du coup, Mao comme Castro vont se tourner vers l'URSS, passer dans son camp sans que ses dirigeants ne l'aient cherché, ni spécialement souhaité. Et ce sont les dirigeants américains qui voient leur politique de containmeniul t leur retomber sur le coin de la figure : en cherchant à endiguer l'URSS, ils en font un pôle pour les révolutions coloniales, et du coup le bloc soviétique s'agrandit de ceux que l'impérialisme américain contraint à y basculer.

Le basculement de Mao comme celui de Castro - encore une fois à dix ans d'intervalle - sont des événements marquants, spectaculaires, parce qu'ils concernent deux pays dont les révolutions ont toutes deux à leur échelle entraîné des masses importantes, parce que ces révolutions sont toutes deux apparues comme des phares, la Chine pour toute l'Asie, Cuba pour toute l'Amérique Latine. Mao et Castro d'ailleurs, ont suscité d'immenses espoirs - en fait d'immenses illusions - dans les masses populaires d'Asie et d'Amérique Latine, continents particulièrement exploités et remuants socialement à l'époque.

Dans cette période de montée des luttes dans le tiers-monde, l'impérialisme américain est mis en difficulté. C'est pour calmer le jeu qu'il a besoin d'une certaine « détente » avec l'URSS. C'est aussi pour semer la zizanie dans le camp adverse, entre la Chine et l'URSS, entre Castro et l'URSS, que Kennedy, après Eisenhower, invite Krouchtchev à discuter. Et ils savent que les bureaucrates soviétiques répondent à toutes les invitations.

Mais une nouvelle fois, la politique des Américains se retourne en partie contre eux. L'URSS discute, négocie et apparaît du coup « conciliante » à l'égard de l'impérialisme, tandis que Mao et Castro, eux, dont les intérêts semblent bradés par l'URSS, peuvent se faire les champions du radicalisme anti-impérialiste. C'est en effet à cette époque, en 1960, que Mao comme Castro se taillent des popularités de leaders tiers-mondistes radicaux, qui ne se compromettraient pas avec l'impérialisme, à la différence des dirigeants soviétiques. C'est entre autres à cette occasion que le maoïsme fait son entrée sur la scène politique, contre le prétendu « révisionnisme » de l'URSS. L'histoire allait montrer que Mao n'était pas moins prêt à vendre les intérêts des peuples à l'impérialisme. Ce qui était inscrit dans la nature sociale de son régime.

« Coexistence pacifique entre les grands... mais guerre sanglante de l'impérialisme contre les peuples

Cela dit, cette période dite de « détente » est unepériode d'extrème tension à l'échelle internationale. Car le containment de l'URSS reste la toile de fond. C'est parce que l'URSS existe, même « endiguée » dans les frontières d'un bloc, que des leaders nationalistes de révolutions du tiers-monde échappent à l'emprise de l'impérialisme. Momentanément certes. Mais du coup, toute crise -et la période en connaît un grand nombre -prend le relief d'un affrontement mondial entre les deux blocs, comme si les États-Unis essayaient de préparer les peuples à une guerre possible. Il faut rappeler que c'est la période où, après la constitution du Pacte Atlantique du côté occidental, du Pacte de Varsovie du côté soviétique, les deux blocs sont devenus aussi des blocs militaires.

Tout maîtres du monde qu'ils étaient, les États-Unis voyaient une partie de ce monde leur filer entre les doigts. La Chine leur avait échappé. L'Asie était en feu. Les USA avaient tenté d'y mettre un coup d'arrêt par la guerre de Corée, sans que cela puisse apparaitre comme une victoire. Et il leur avait fallu négocier avec l'URSS le retour au statu-quo antérieur.

Il avait fallu en 1954 l'aide de l'URSS pour faire accepter aux dirigeants du Viet-Minh, qui venaient après huit ans de guerre d'infliger une cuisante défaite aux troupes françaises à Dien-Bien-Phu, d'accepter un partage du Viet-Nam qui était un leurre, et allait, quelques années plus tard, plonger à nouveau le pays dans la guerre pour quinze ans.

Il avait fallu, dans une certaine mesure aussi, l'aide des dirigeants chinois, à l'époque alliés de l'URSS... Même si les États-Unis faisaient semblant de ne pas les voir dans les négociations, pour ne pas avoir à les reconnaitre.

Voici ce que dit, dans son Histoire de la guerre froide, André Fontaine à propos des négociations de Genève sur l'Indochine, en 1954, que co-présidaient le britannique Eden et le soviétique Molotov : Eden « bénéficiera...de l'appui de son collègue soviétique qui, plus d'une fois, paraîtra avoir quelque peine à persuader Chinois et Viêt-Minh de le suivre sur le chemin de la conciliation » . Quant au représentant chinois Chou-en-Lai, il « n'avait ménagé aucun effort pour apparaître, en toute circonstance, comme l'homme de la conciliation », dit Fontaine, et il s'absentait quelques jours de la conférence « pour aller persuader Ho Chi Minh de consentir à la partition du Viet-Nam ».

Bref, ce qui permettait à l'URSS de sortir un peu du ghetto où les États-Unis avaient cherché à l'enfermer depuis 1947, ce qui lui permettait de se réassoir à la table des négociations aux côtés des représentants de l'impérialisme américain, comme en 1943-1945, c'est que cet impérialisme américain avait besoin de l'URSS, et que l'URSS avait quelque chose à vendre : la lutte des peuples coloniaux. Même si l'URSS, d'ailleurs, n' était pour rien dans leur révolte, qu'elle n'avait ni inspirée, ni aidée.

Mais la relative détente de l'époque Khrouchtchev entre les dirigeants de l'Est et de l'Ouest, n'était pas la dissolution des blocs : ce n'était qu'une forme de « statu-quo » . Et détente ou pas entre les deux blocs, la « coexistence pacifique » consistait également pour les deux Grands à respecter le droit du voisin l'autre d'opprimer, voire de massacrer, bref de maintenir l'ordre à sa guise dans son bloc.

Les États-Unis faisaient la loi dans leur « arrière-cour », l'Amérique Latine, où ils ne toléraient aucun gouvernement qui ne soit entièrement à leur botte. Une vieille tradition de l'impérialisme américain, certes. Mais qui ne se perd pas !

C'est ainsi notamment qu'en juin 1954 une armée d'émigrés guatémaltèques entrainée et armée par les USA, appuyée par l'aviation nord-américaine, renversait le gouvernement du libéral Arbenz qui avait le culot de préparer un projet de réforme agraire. Le coup avait été préparé par la CIA et le trust United-Fruit, principal trust bananier du monde, dont Arbenz se proposait d'exproprier seulement les terres inexploitées.

Et c'était vraiment malgré Khrouchtchev, et même malgré le parti communiste cubain, pro-soviétique, que cet ordre américain avait été troublé par l'arrivée de Castro au pouvoir à Cuba, en janvier 1959, porté par une révolte paysanne. Ce fut alors Kennedy, le plus libéral des présidents américains de l'après-guerre, que revint le privilège de tenter l'opération militaire de la Baie des Cochons contre Cuba.

Quant à l'URSS, c'est elle qui, en pleine « coexistence pacifique », sous Khrouchtchev, eut le sinitre privilège d'écraser l'unique et véritable insurrection ouvrière de l'après guerre, l'insurrection hongroise d'octobre 1956. Comme elle avait réprimé dans le sang la grève de juin 1953 à Berlin Est, et comme elle allait quelques années plus tard envoyer ses chars à Prague.

Les deux Grands « coexistaient » en réprimant les peuples. Chacun dans son bloc.

Et pour ce qui est des relations entre les blocs eux-mêmes, cette nouvelle période n'était pas non plus vraiment la fin de la « guerre froide » : elle était faite d'une suite de négociations et de ruptures, de détentes et de bluffs à la menace nucléaire.

On peut citer quelques-uns de ces coups d'éclat. En mai 1960, Krouchtchev rompt les négociations de la conférence de Paris avec les USA, la Grande-Bretagne et la France, à la suite de l'affaire de l'avion américain U2 abattu au-dessus de l'URSS où il effectuait un vol d'espionnage. En novembre de la même année, Krouchtchev s'illustre par des envolées tonitruantes à l'ONU, spectaculairement ponctuées par des coups de chaussure sur son pupitre. La nouvelle crise de Berlin arrivait ensuite, de 1958 à 1960, qui se terminait en 1961 par la construction du mur entre les deux moitiés de la ville. Puis l'affaire des fusées soviétiques à Cuba en septembre 1962.

La crise des fusées, que Khrouchtchev avait décidé d'installer à Cuba en octobre 1962, allait montrer les limites du bluff que l'URSS pouvait faire vis à vis des Américains avec son armement nucléaire : l'URSS dut retirer purement et simplement ses fusées, après quelques jours de menaces américaines et de tension mondiale. Des menaces de représailles américaines davantage dirigées contre le peuple cubain que contre l'URSS, car Khrouchtchev savait bluffer avec la peau des autres.

D'autant qu'il y avait une sorte de jeu politique de fait entre les deux grandes puissances.

Les États-Unis avaient besoin de la caution de l'URSS contre les mouvements des peuples coloniaux, comme ils avaient besoin de l'épouvantail de l'URSS et du communisme pour justifier, aux yeux du peuple américain, l'énorme masse d'argent que l'État américain distribue aux capitalistes par le budget militaire ainsi d'ailleurs que les guerres elles-mêmes qu'il devait livrer contre les peuples coloniaux.

La bureaucratie soviétique, elle, avait non seulement envie d'obtenir une détente et une ouverture commerciale du côté des États-Unis (car après la très dure période de reconstruction d'après-guerre, l'URSS avait trouvé un semblant de prospérité dont les couches bureaucratiques avaient été les principales bénéficiaires), mais la bureaucratie soviétique continuait aussi à avoir besoin des États-Unis d'une autre façon. Comme d'un épouvantail à brandir vis-à-vis du peuple soviétique.

Depuis le début de l'ére stalinienne, la menace d'une agression impérialiste était l'un des piliers de l'ordre stalinien, le danger qui seul pouvait justifier aux yeux des peuples d'Union soviétique la dictature de la bureaucratie. Les progrès fulgurants de l'URSS dont se vantait tant Krouchtchev ne suffisaient pas à fournir à la bureaucratie un assentiment populaire. Il restait plus prudent de couper les peuples d'URSS de tout contact avec le diable occidental.

Certes dans ces relations entre dirigeants de l'Est et de l'Ouest, Khrouchtchev n'avait pas encore l'air de quémander, comme Gorbatchev aujourd'hui : il savait parler fort, taper du poing sur la table...ou de la chaussure. Il ne parlait pas des difficultés du socialisme ou des vertus de l'économie de marché : il vantait encore les « succès du socialisme », ou de ce qu'il prétendait tel.

La mise sur orbite, le 4 octobre 1957, par les Russes du premier satellite artificiel de notre planète, surnommé Spoutnik, permettait par exemple à Khrouchtchev de clamer : « Les spoutniks prouvent que le socialisme a gagné la compétition entre les pays socialistes et capitalistes...que l'économie, la science, la culture et le génie créateur du peuple dans toutes les sphères de la vie se développent mieux et plus vite sous le socialisme ».

Mais c'était des rodomondades du dirigeant soviétique pour justifier le rapprochement de l'URSS avec les USA. Il allait suffire aux États-Unis de se lancer dans la course aux fusées pour pulvériser en quelques années tous les records de l'URSS, en particulier ne débarquant sur la Lune.

Quant à la menace militaire que représentait, vis à vis des USA, la démonstration (par Spoutnik) que l'URSS disposait désormais de fusées capables de porter d'un continent à l'autre cette bombe nucléaire que l'URSS possédait à son tour depuis 1949, elle allait accélerer la course aux armements nucléaires que nous avons connue depuis, et dont l'URSS ne pouvait sortir qu'essouflée.

Après avoir marchandé le mouvement ouvrier communiste à Téhéran et Yalta, la bureaucratie stalinienne brade désormais une explosion sociale du Tiers Monde, qu'elle n'a pourtant ni suscitée, ni même souhaitée

Ce n'était donc ni la puissance militaire de l'URSS, ni encore moins les succès économiques dont Khrouchtchev se vantait, qui lui donnaient un poids de deuxième Grand mondial. C'était, nous l'avons dit, la révolte des peuples coloniaux qui lui avait valu l'honneur de se ré-assoir à la table de discussion des grands pour y discuter avec son homologue américain du sort du monde. C'est cette révolte qui permettait à l'URSS d'y parler haut. Même si cette explosion sociale du Tiers Monde, l'URSS ne l'avait ni sucitée, ni même souhaitée, et si ses dirigeants ne s'appuyaient dessus que pour mieux l'étouffer. Exactement comme la crainte des explosions révolutionnaires prolétariennes dans les dernières années de la guerre - on l'a vu - avait permis à Staline de trôner à Téhéran et à Yalta.

L'influence de l'URSS sur le mouvement ouvrier mondial n'a cessé de s'effriter, depuis que le stalinisme a abandonné l'internationalisme prolétarien pour la théorie du socialisme dans un seul pays, c'est-à-dire la théorie de la soummission du mouvement ouvrier aux interêts nationalistes des couches privilégiées d'URSS. Cela allait forcément de pair avec l'affaiblissement des idées communistes et internationalistes dans la classe ouvrière à l'échelle mondiale.

A terme, cela devait même entraîner le détachement de l'URSS des divers partis communistes, au nom d'un prétendu « communisme national ». L'alliance de la bureaucratie soviétique, à la veille et pendant la guerre mondiale avec les divers gouvernements des puissances impérialistes, l'ont amenée à pousser vers le nationalisme les divers partis communistes de ces pays.

A la fin de la guerre mondiale néanmoins, l'URSS gardait encore une influence prédominante sur nombre de partis communistes, notamment sur les PC français ou italien. En 1956 déjà, ces partis communistes en étaient plus éloignés : le parti communiste italien par exemple lançait déjà la mode de l'Euro-communisme.

Dans le Tiers Monde, la bureaucratie soviétique avait contribué à l'écrasement du prolétariat révolutionnaire là où il s'était manifesté, comme en Chine en 1927. Dans les métropoles impérialistes, les partis communistes staliniens avaient abandonné tout internationalisme et cela allait conduire à laisser la principale explosion révolutionnaire de l'après-guerre, celle des peuples du Tiers Monde, entre les mains des dirigeants nationalistes petits-bourgeois. Que ces dirigeants arborent, comme en Chine ou au Viet-Nam une étiquette communiste, ou pas.

Mais aux yeux des dirigeants petits-bourgeois des mouvements nationalistes du tiers-monde, l'URSS avait par contre acquis une nouvelle auréole. Un peu à cause de son passé révolutionnaire. Bien davantage parce que l'impérialisme américain, par sa politique de containment on l'a vu, en avait fait un autre pôle. Et par procuration de ces dirigeants nationalistes qui se ralliaient à elle momentanément, l'URSS acquerrait une certaine audience aussi auprès des peuples en lutte contre l'impérialisme.

Ce n'étaient pas tellement des soutiens que les mouvements nationalistes du Tiers Monde trouvèrent à Moscou. Ils y trouvèrent plus de trahisons et de marchandages sur leurs dos. Ou des fournitures d'armes, par l'URSS ou ses satellites d'Europe de l'Est. A condition de les payer.

Mais les dirigeants de ces mouvements nationalistes pouvaient voir dans l'URSS des années 50-60 (non pas dans l'URSS révolutionnaire de 1917, mais dans l'URSS stalinienne, avec sa pesante étatisation, sa caste de privilégiés au pouvoir, son parti unique et sa dictature policière) un modèle pour prendre et exercer le pouvoir.

Enfin, à ceux des nouveaux régimes du Tiers Monde qui réussissaient à s'établir malgré l'opposition des puisssances impérialistes, et que l'impérialisme américain cherchait à faire périr par le blocus économique, le découpage du monde en deux blocs donnait la possibilité de s'en sortir en s'adressant au bloc soviétique. C'est ainsi par exemple qu'en refusant au dirigeant égyptien Nasser, pourtant anti-communiste notoire, des crédits pour la construction du barrage d'Assouan, en 1956, le Etas-Unis l'ont eux-mêmes poussé à se rapprocher de l'URSS. C'est ainsi qu'en décrétant le blocus économique de Cuba, pour tenter d'asphyxier le régime de Castro, les USA l'ont jeté dans les bras de l'URSS, et l'ont amené à fusionner son parti avec le parti communiste cubain pro-moscoutaire. Lui pourtant, Castro, en prenant le pouvoir, avait tenté de rassurer les Américains en criant sur tous les toits qu'il n'était pas un communiste. Et il ne l'était pas.

Ainsi l'antagonisme entre les puissances impérialistes et les révoltés du Tiers Monde, donnait momentanément à l'URSS une nouvelle force. Le découpage du monde en deux blocs lui permettait d'acquérir un nouveau rôle mondial : le rôle de leader d'un prétendu « anti-impérialisme ».

Cela dit, la bureaucratie soviétique allait se comporter avec la nouvelle assise qu'elle s'était trouvée dans le monde de l'après-guerre comme elle s'était comportée avec la classe ouvrière dans l'entre-deux-guerres : elle était prête à vendre ses alliés nationalistes du Tiers Monde dés que les États Unis lui feraient des avances pour cela.

Les craintes de la Chine de voir ses propres intérêts nationaux bradés par l'URSS sur l'autel de la « coexistence pacifique », au nom de sa réconciliation avec les États-Unis, amenait alors le régime de Mao à prendre du large vis-à-vis de l'URSS : la Chine était un bien trop grand pays pour laisser marchander ses intérêts par d'autres, et pour ne pas chercher à jouer elle-aussi, comme l'URSS, son propre jeu mondial, en tentant de souffler à l'URSS une partie du leadership que celle-ci avait jusque là sur les mouvements nationalistes des peuples coloniaux.

L'impérialisme entrebaillait à peine la porte que déjà le bloc de l'Est commençait à se fissurer.

Dans les pays de l'Europe de l'Est même, avec notamment l'accession au pouvoir d'un Gomulka en Pologne à la suite des grèves de l'automne 1956, et même l'accession au pouvoir de Kadar en Hongrie mis en place après l'écrasement de l'insurrection de Budapest, certains politiciens américains voyaient déjà poindre les possibilités de réussir ce que les États-Unis n'avaient pas réussi avec leur proposition d'aide Marshall en 1947 : enfoncer un coin entre ces pays d'Europe de l'Est et l'URSS. Dès le tout début des années 1960, Brzezinski, le futur conseiller du président américain Carter, proposait sa politique dite « d'engagement pacifique en Europe de l'Est » , c'est-à-dire la recherche d'un rapprochement de l'occident avec ces pays par une politique d'échanges commerciaux, d'aides économiques ou de prêts.

Mais il fallut attendre encore dix ans, la fin de la guerre du Vietnam, pour que les États-Unis, par leur réconciliation avec la Chine, leur aide à la Roumanie de Ceaucescu, leurs prêts à la Pologne, se lancent dans une telle politique. Au début des années 1960, les États-Unis étaient encore bien trop occupés par les soulèvements des peuples coloniaux, par les luttes sociales d'Amérique latine, pour se lancer dans une politique qui aurait pu apparaître comme de douceur. La guerre froide, même parsemée de marchandages, était encore de mise avec le bloc de l'Est, tant que la guerre chaude, la vraie guerre sociale contre les peuples pauvres était nécessaire.

La guerre du Vietnam : une guerre contre tous les opprimés et révoltés du Tiers Monde

C'est le libéral Kennedy, l'homme de la détente comme on le présentait alors, qui lançait l'Amérique à partir de 1961 dans ce qui allait être la plus grande et la plus sanglante de toutes les guerres de ces quatre décennies dites de « coexistence pacifique » des deux blocs. « Coexistence pacifique » entr les deux blocs, mais toujours violente et sanglante contre les peuples.

Car la deuxième guerre d'Indochine, la guerre du Vietnam menée cette fois non plus par la France mais par les États-Unis, allait durer 15 ans. Son issue modifia à nouveau les équilibres sur lesquels reposaient l'ordre mondial.

L'accord (dont nous avons déjà parlé), signé à Genève en 1954, sous la houlette des Américains et des Soviétiques, qui mettait fin à la guerre française d'Indochine, prévoyait officiellement non le partage éternel du Vietnam en deux, mais l'organisation d'élections libres au Vietnam que le « Vietminh » d'Ho-Chi-Minh pouvait espérer gagner. Mais pas plus pour les Américains, qui avaient pris au Sud-Vietnam le relais de la France, que pour leur protégé - le gouvernement du catholique vietnamien Diem mis en place à Saïgon -, il ne fut question un seul instant d'organiser les élections prévues. La corruption du régime Diem, la désagrégation économique, l'inflation galopante qu'elle entraînait, eurent vite fait de soulever le mécontentement de la population pauvre et de faciliter les succès des communistes vietnamiens. La dictature militaire de Diem, malgré son armée équipée et financée par les États-Unis, était de plus en plus incapable de faire face à l'agitation.

En 1961, Kennedy décidait l'envoi de 15.000 conseillers militaires américains pour entraîner l'armée de Diem. Les États-Unis voulaient offrir une puissante armée à leur protégé, pour faire écraser le peuple vietnamien par des vietnamiens eux-mêmes. « La guerre au Vietnam ne pourrait être gagnée » , disait alors Kennedy, « que si elle reste la guerre des Vietnamiens. Sinon, si elle devenait la guerre de l'homme blanc, nous la perdrions comme les Français auparavant » . Mais les 15.000 conseillers militaires américains, c'était déjà plus qu'une petite aide, déjà la fin de la « vietnamisation » du conflit. C'était déjà le début de l'escalade. Peu à peu, les troupes américaines proprement dites commençaient à s'ajouter aux « conseillers ».

En 1965, ils étaient 165.000 soldats américains au Vietnam. En 1966, 270.000. En février 1968, 500.000 hommes. La flotte, l'aviation américaines étaient là. Des régions entières furent écrasées sous des tapis de bombes. Pour éviter la circulation des maquisards Vietminh, des forêts entières furent brûlées au napalm, la végétation détruite au défoliant parce que les déserts étaient plus faciles à surveiller...Tout ce que les techniques modernes pouvaient mettre au point en matière de bombes ou d'armes chimiques, mis à part la bombe atomique, s'abattirent sur le Vietnam. Ce qui n'empêchait pas au sol les GIs américains, souvent des Noirs, d'être obligés de ramper dans la jungle à la recherche d'un ennemi d'autant plus insaisissable qu'il était partout, en chaque paysan vietnamien.

Et la guerre ne s'arrêtait pas aux frontières du Vietnam-Sud : depuis 1964, la flotte américaine avait commencé ses bombardements sur le Vietnam-Nord. Quelques années plus tard, le Vietnam-Nord vivait à son tour sous les bombardements permanents, les habitants contraints de se construire partout des abris souterrains. La laos et le Cambodge, dont les gouvernements issus du compromis de la conférence de Genève étaient pro-occidentaux, mais tentèrent au début de rester hors du conflit vietnamien, furent vite entraînés eux-aussi dans la guerre américaine, et les gouvernements remplacés par des dictatures militaires à la solde des États-Unis.

La guerre du Vietnam était présentée aux États-Unis par les dirigeants américains comme la guerre contre le communisme. Le danger du communisme, le danger du bloc soviétique était le seul danger au nom duquel les gouvernants américains pouvaient chercher à faire accepter leur guerre au peuple américain. L'URSS, elle, ne tenait pas tellement à se voir impliquée dans le conflit. L'escalade américaine au Nord-Vietnam la mettait l'URSS dans une situation délicate à cause de son alliance avec le régime de Hanoï.

L'URSS chercha à s'impliquer dans la guerre le moins possible, l'aide qu'elle apportait au Vietnam-Nord resta relativement minime ; au point que la Chine, qui elle pouvait se sentir plus directement menacée par l'extension de la guerre à ses frontières, pouvait se prévaloir de l'aide qu'elle apportait à Hanoï, en même temps que de la faiblesse de l'aide soviétique, pour tenter d'accroître son image de leader du Tiers Monde qu'elle aspirait à être.

La crainte de l'URSS n'était que l'épouvantail que les dirigeants américains brandissaient pour justifier leur guerre. Mais la peur qui poussait les dirigeants de la plus grande puissance du monde à s'enliser dans un conflit sans issue contre un petit peuple, c'était la peur des centaines et des centaines de millions de pauvres des pays d'Afrique, d'Amérique Latine, du Moyen-Orient et d'Asie, de tous ces continents dont le capital américain entendait dominer les richesses.

La guerre du Vietnam elle-même n'était pas pour les États-Unis une guerre pour le pétrole, le fer, le manganèse ou le cacao, comme bien d'autres guerres locales, coups de force de la CIA, ou intervention-éclair des « marines ». Le Vietnam, déjà ruiné par la guerre précédente, ne sortait même plus vraiment ce caoutchouc dont, jadis, Michelin avait fait ses pneus et sa fortune.

La guerre américaine du Vietnam était surtout une guerre politique, un geste de politique mondiale, un acte de gouvernants du monde pour remettre à leur place tous ces pauvres de la planète qui avaient l'audace de ne plus accepter leur misère.

Car la vague de soulèvements dans le Tiers Monde qui avait commencé à déferler au lendemain de la guerre mondiale, n'était pas encore arrêtée. L'Afrique noire à son tour venait d'accéder à l'indépendance, et la perte du Continent faisait planer des craintes sur le cobalt, le diamant et le cuivre des mines du Katanga ou le pétrole du Nigéria.

L'indonésie, deuxième producteur mondial de caoutchouc, troisième producteur d'étain, sans parler de son nickel et son pétrole, jouait au non-alignement entre les deux blocs.

En Amérique latine même, les États-Unis craignaient de voir le mouvement castriste faire des émules : le sucre de canne, le café guatémaltèque, les bananes de l'United-Fruit, jusqu'aux steack hachés des MaDonald risquaient d'être en danger. Sans parler des mines de cuivre du Chili, troisième producteur mondial, presque à égalité avec l'URSS et les USA.

Alors, les États-Unis ont cherché à pourvoir tous les pays pauvres de la planète de dictatures militaires, entraînées et encadrées par eux, de disposer dans chaque grande zone mondiale de quelques puissances militaires à leur solde. De ne tolérer dans leur zone d'influence directe, l'Amérique latine, aucun gouvernement un tant soit peu libéral, un tant soit peu indépendant.

C'est ainsi que fin avril 1965, les marines de l'armée américaine, 23.000 hommes, débarquaient à Saint-Domingue pour écraser les partisans du président élu, Juan Bosch, qui avait été renversé par un putsch militaire pro-américain quelques mois plus tôt. Bosch n'était pourtant qu'un libéral, connu pour son anti-communisme.

A l'autre bout du monde, dans le cadre de la même politique américaine, l'armée indonésienne s'emparait le 30 septembre 1965 du pouvoir. Elle écartait le « non-aligné » Soekarno accusé de trop de complaisance avec les communistes, et se lançait dans une vaste chasse aux communistes dans tout le pays, ratissant tous les villages, faisant 700.000 victimes.

Et dans une troisième partie du monde encore, dans l'ex-congo belge, les États-Unis finissaient en cette même année 1965, par aider à mettre en place la dictature militaire de Mobutu, dont les troupes équipées par les Américains, entraînées et conseillées par des officiers français, assuraient non seulement le maintien de l'ordre dans ce pays riche en ressources minières, mais pouvaient aussi servir plus largement de police en Afrique. Au Tchad par exemple où, aéroportées par l'aviation américaine, commandées par des officiers français, elles sont allées guerroyer récemment contre les troupes de Khadafi.

C'est l'époque du putsch militaire de Pinochet au Chili, des dictatures militaires en Argentine et au Brésil, ces dictatures dont les États-Unis se sont par contre débarrassés tout récemment. C'est l'époque où l'on renforçait, où l'on suréquipait l'armée du Shah en Iran, pour avoir une force de police indigène et puissante au Moyen-Orient, aux puits de pétrole si riches et aux peuples si pauvres, même si cette politique a joué un sale tour momentanément aux États-Unis quelques années plus tard avec le renversement du Shah.

Et l'époque où les États-Unis s'appuyaient plus solidement sur Israël.

Et au fur et à mesure que les États-Unis s'enlisaient dans la guerre du Vietnam, c'était de plus en plus la crédibilité de la puissance américaine qui était en jeu. Les États-Unis avaient besoin au Vietnam de faire une démonstration de force vis-à-vis de tous les peuples pauvres. Mais ils devaient finalement y faire preuve de leur impuissance, face à un peuple décidé. Au point que l'armée américaine elle-même a commencé à se décomposer dans l'enfer vietnamien. Et au point que, surtout aux États-Unis, l'enlisement au Vietnam alimentait directement un mouvement pacifiste de masse et, indirectement, un mouvement plus menaçant encore, celui des Noirs américains.

Vers un nouveau règlement mondial, un nouvel ordre impérialiste trouvé par le « retournement » de la Chine, au détriment de l'URSS

Il fallait aux États-Unis sortir du guêpier indochinois. Le tournant vers le dégagement fut pris de façon spectaculaire, en 1968, par le président Johnson. Mais pour rendre effectif le dégagement sans risque d'effriter le pouvoir mondial, il fallait aux dirigeants américains une solution politique pour assurer l'ordre dans cette région du monde où ils subissaient une cuisante défaite, en Asie. Pour cela, il leur fallait s'assurer de la collaboration de l'URSS. mais, dans ce Sud-Est asiatique, au voisinage de la Chine, cela ne suffisait pas. Il était souhaitable d'associer Pékin à un éventuel règlement. Quitte à opérer une révision déchirante de leur politique internationale.

Et pourquoi pas ? Le 21 février 1972, le président américain Nixon se rendait à Pékin.

En retournant complètement leur politique vis-à-vis de la Chine, en passant du blocus économique (qu'ils avaient pendant vingt ans imposé au pays) à l'ouverture des relations commerciales et des prêts de capitaux, le roi dollar rachetait l'amitié de la Chine rouge. Parce qu'elle n'était pas si rouge que ça.

Il y avait déjà des années que l'URSS n'avait plus en la Chine un allié, et que même des incidents de frontières s'étaient multipliés entre les deux pays. Mais avec le retour de la Chine dans le camp américain, l'URSS avait désormais un ennemi de plus, qu'elle allait retrouver contre elle dans nombre de conflits locaux où ils sont intervenus depuis, l'un et l'autre, de l'Angola à la guerre d'Afghanistan.

Lorsque s'achevait enfin la guerre du Viet-Nam, en 1975, les deux dernières colonies d'Afrique, les colonies portugaises du Mozambique et d'Angola accédaient à l'indépendance. Et avec ces deux dernières indépendances, la période des révolutions coloniales, entamée trente ans plus tôt par l'indépedance de l'Inde et la victoire de Mao en Chine, était pratiquement terminée.

Un certain nombre de ces États nouvellement formés se réclamaient d'une étiquette socialiste, s'affirmaient amis de l'URSS, qui leur versait quelques aides économiques ou techniques, était leur principal fournisseur d'armes. L'URSS semblait de ce fait présente un peu partout dans le monde. Non pas présente partout pour les millions d'opprimés qui pouvaient se reconnaitre en elle, comme ce fut le cas jadis après 1917, mais présente au travers d'appareils d'État qu'elle subventionnait un peu, au travers des conseillers militaires qu'elle leur avait envoyés.

Brejnev pouvait même laisser croire que l'URSS gagnait du terrain.

Ainsi en cette année 1975, en Angola le mouvement nationaliste ayant le soutien de l'URSS, le MPLA, pouvait faire appel contre des forces armées soutenues par l'Afrique du Sud, à l'aide de troupes cubaines. 15 000 militaires cubains débarquaient en Angola et repoussaient l'invasion sud-africaine. Sur le coup de la défaite qu'ils venaient d'essuyer au Viet-Nam, les Américains furent dans l'incapacité de réagir. Le Congrès américain votait même la suppression des crédits avec lesquels la CIA menait jusque là ses opérations en Angola.

En février 1978, le colonel Mengistu, s'affirmant « marxiste-léniniste » prenait le pouvoir en Ethiopie. Pour aider ce nouveau, aux prises avec les séparatistes d'Erytrée, l'URSS envoyait quelques 50.000 tonnes de matériel militaire, 1.500 conseillers soviétiques, 3.000 Cubains, quelques centaines d'Allemands de l'Est.

Fin décembre 1978, c'étaient les troupes Vietnamiennes (désormais alliées de l'URSS) qui entraient au Cambodge malgré l'hostilité de la Chine qui déclenchait alors une guerre contre le Vietnam.

Un an plus tard, fin décembre 1979, les troupes soviétiques elles-même entraient en Afghanistan.

L'intervention de l'URSS dans un pays qui faisait déjà, dans une certaine mesure, partie de sa zone d'influence n'était un élargissement du camp soviétqieu au détriment du camp américain qu'en apparence. La vaste opération de police pour tenter de stabiliser la situation dans le pays présentait même des avantages pour les États-Unis. En effet, l'un des piliers de l'ordre américain au Moyen-Orient, le régime du Shah d'Iran venait d'être renversé quelques mois plus tôt. Le Shah avait été remplacé par le chef religieux intégriste Khomeiny. Les États-Unis pouvaient craindre de voir une agitation intégriste se développer dans d'autres pays pétroliers de la région comme l'Arabie Saoudite, et ils ne tenaient pas eux non plus à voir des maquisards dirigés par des chefs religieux prendre le pouvoir dans l'Afghanistan voisin.

De fait, à la fin de l'ère des révoltes coloniales, la stature de seconde puissance mondiale de l'URSS ne reposait plus que sur l'influence qu'elle pouvait avoir gardé sur certains des appareils militaires dont le Tiers Monde pullule aujourd'hui.

L'URSS de Gorbatchev abandonne le terrain à l'impérialisme

Alors Gorbatchev est arrivé et il a donné le coup de pouce nécessaire pour remettre l'URSS à niveau en quelque sorte, pour qu'elle arrête de jouer les N°2 mondial qu'elle n'était plus, qu'elle cesse de vivre au-dessus de ses moyens.

En 1985 au moment de sa nomination, Gorbatchev était un apparatchik d'espèce aussi indifférenciée que ses prédecesseurs, si ce n'est la fraîcheur de ses 55 ou 60 ans ! Mais il a annoncé des intentions de réformer l'URSS et de changer ses relations avec l'occident auxquelles il a donné suite ! Pour ce qui est des relations Est-Ouest, Gorbatchev a résolu le problème de façon radicale : en supprimant un des deux termes. Il n'y a plus qu'un seul « grand », il n'y a plus que l'Ouest. En quelques années et même en quelques mois, Gorbatchev a « négocié » avec les Américains un retrait de l'engagement militaire et politique de l'URSS dans le monde.

L'évolution des pays de l'Est est la plus visible. Mais l'URSS a aussi entamé un important retrait de ses forces dans le tiers-monde, où l'URSS laisse le terrain à une kyrielle d'appareils militaires ou para-militaires liés à l'impérialisme.

En Afghanistan, une fois l'URSS engagée dans la guerre, les États-Unis n'allaient pas se priver de l'affaiblir en finançant et en armant les diverses fractions de la résistance Afghane. Et lorsque l'URSS a cherché à se dégager de l'Afghanistan, les États-Unis n'ont pas usé de leur influence auprès des différentes forces de résistance anti-russe pour permettre à l'URSS de partir après qu'une solution négociée avec le pouvoir de Kaboul soit trouvée. L'URSS a plié bagages sans contrepartie. A vrai dire, les Américains comptaient sur un rapide effondrement de Nadjibullah, réputé l'homme de Moscou, dès le retrait des troupes russes. Les États-Unis et le Pakistan avaient continué à armer la ou les résistances. Mais Nadjibullah a résisté à toutes les offensives, même à une toute récente tentative de putsch qui pourrait bien avoir été aidée par les Américains. Toujours est-il que le responsable de la CIA chargé des questions afghanes a été démis de ses fonctions par le gouvernement américain, pour « mauvaise évaluation de la situation » . On en est là. Voilà pour l'un de ces prétendus « réglements concertés des problèmes régionaux » dont se félicitent les journalistes bourgeois.

A la fin de septembre 1989, les troupes vietnamiennes quittaient le Cambodge. Les Soviétiques sont concernés parce que le régime du Vietnam était encore il y a peu un des régimes les plus aidés par l'URSS sur le plan militaire et économique, et Gorbatchev est de toute évidence l'inspirateur du retrait militaire vietnamien.

Des négociations ont eu lieu à Paris, au mois d'août dernier, entre les Khmers Rouges, le prince Sihanouk, une troisième armée anti-gouvernementale d'un Front National du Peuple Khmer, et le gouvernement actuel du Cambodge qui cherche à devenir acceptable pour l'Occident et reconnaît désormais la propriété privée, la liberté d'entreprise et la liberté religieuse...Ce à quoi on reconnaît maintenant la main de Moscou, ou plus exactement le fait que l'URSS de Gorbatchev passe la main... à Sihanouk, peut-être, vestige du colonialisme s'il en est ! Le peuple cambodgien lui, en guerre quasi incessante depuis la seconde guerre mondiale n'est pas sorti d'une situation dramatique.

L'URSS se désengage d'Afrique aussi, là où elle était peut-être le plus présente dans les dernières années du rêgne de Brejnev, directement ou par cubains ou est-allemands interposés.

Au cours de ces tous derniers mois, les troupes cubaines ont presque toutes quitté l'Angola. En fait, le retrait s'est fait dans un marchandage concocté par Soviétiques et Américains concernant toute l'Afrique australe, Afrique du Sud comprise. L'Afrique du Sud a accepté d'accorder l'indépendance à la Namibie (ce qui est fait), en échange du retrait des troupes cubaines d'Angola (ce qui est fait aussi), et en échange encore de la fin de toute possibilité de refuge ou d'entraînement militaire en Angola pour les mouvements noirs d'Afrique du Sud. Par ailleurs, les États-Unis ont fait pression sur l'Afrique du Sud pour qu'elle entame le dialogue sur la fin de l'Apartheid avec les dirigeants de l'ANC, auxquels les soviétiques ont prêché la modération...et coupé les crédits.

Et ce n'est pas tout en Afrique.

Selon un article de l'hebdomadaire américain Time du 5 mars dernier, l'Union soviétique aurait fait savoir il y a un an au gouvernement Ethiopien aux prises avec une guerre en Erythrée soutenue par divers pays arabes, que le budget d'assistance militaire que lui accordait l'URSS serait très largement réduit l'année prochaîne. Les milliers de soldats cubains et plus d'un tiers des 2.500 conseillers soviétiques sont en fait déjà partis, sans parler bien entendu des conseillers militaires est-allemands qui n'ont peut-être pas attendu les ordres de Moscou pour faire leurs valises. Au point que le régime d'Addis-Abeba serait en train de chercher auprès d'Israël un nouveau mécène.

L'exemple de l'Amérique centrale, lui aussi, est parlant. Dans son ouvrage Perestroïka, Gorbatchev avait annoncé noir sur blanc qu'il n'allait pas « exploiter les attitudes anti-américaines, sans parler de les alimenter », « qu'il n'entendait pas affaiblir les liens traditionnels entre l'Amerique Latine et les États-Unis ».

C'est chose faite aujourd'hui. Au Nicaragua, l'URSS a pesé de tout son poids sur les dirigeants sandinistes pour les inciter à accepter le plan de paix que proposait les gouvernements centre-américains satellites des USA, plan de paix dont toutes les échéances ont été respectées du côté des sandinistes (réautorisation de la presse d'opposition, libération des prisonniers somozistes, avance de près d'un an des élections prévues et réforme électorale plus favorable à l'opposition). En face, les promesses de désarmement de la « Contra » n'ont toujours pas été tenues. Et l'URSS semble bien avoir respecté son engagement à ne plus aider les sandinistes. Le secrétaire d'État américain, James Baker, s'en félicitait en ces termes, en octobre dernier : « Les Soviétiques nous ont dit qu'ils n'ont plus envoyé de bateaux d'armes au Nicaragua, qu'ils ont arrêté courant 1988, et nous n'avons aucune raison de ne pas les croire... d'autre part, nous leur avons dit que nous continuions à voir des armes originaires du bloc soviétique entrer à Cuba en très grand nombre...que nous aimerions les voir utiliser leur influence auprès de leurs amis de la région, comme Cuba et le Nicaragua, pour stopper ces pratiques. Ils nous ont indiqué qu'ils le feraient » ...

Mais c'est surtout en Europe de l'Est, là où la guerre froide est née, que sa fin se doit d'être le plus spectaculaire. Les souhaits exprimés depuis quelques temps dans les milieux politiques américains de voir Gorbatchev accepter de se dégager là aussi ont été exaucés. Davantage qu'ils n'osaient l'espérer ! En tout cas, beaucoup plus vite ! En quelque mois, l'ex- « glacis soviétique » s'est complètement défait. Les partis communistes n'existent plus ou ne sont plus au pouvoir. Des élections ont même amené au gouvernement des hommes politiques de droite. Et surtout, frontières et mur entre les deux Allemagnes - et en particulier celui de Berlin, le symbole de la division du monde en deux blocs - , sont en train de tomber. Et il n'y a pas que Bush qui a confiance maintenant en Gorbatchev puisque les dirigeants polonais ont émis récemment le voeu que des troupes soviétiques ne quittent pas le territoire de la Pologne !

L'URSS retire donc ses troupes ou ses conseillers d'un certain nombre de pays du monde. C'est peut-être le plus mineur. Mais elle abandonne les pays de l'Est. Peut-être va-t-elle abandonner aussi des Républiques. Quoi qu'il en soit, l'URSS n'est déjà plus à la tête d'un « bloc », ni le « deuxième grand » du monde.

Mais à quoi l'URSS devait-elle cette position ? A la force du communisme ? Au fait qu'il aurait presque remporté la compétition, selon les fanfaronnades de Krouchtchev, face au capitalisme ? Malheureusement pas. C'est bien Trotsky qui avait raison quand il disait que « Les succès diplomatiques de l'Union soviétique sont à attribuer, au moins dans une large mesure, à l'extrème affaiblissement de la révolution internationale » .

Son statut de grande puissance mondiale, l'URSS des bureaucrates le devait à 65 ans de trahison de la révolution prolétarienne

L'URSS a accédé au statut de grande puissance mondiale, à Téhéran et Yalta, dans les dernières années de la seconde guerre mondiale, comme elle s'est maintenue à ce rang encore quelques décennies, non pas par la force de la révolution et du communisme dans le monde, qu'elle aurait représentés, mais parce qu'au contraire l'URSS stalinienne était capable d'un puissant rôle contre-révolutionnaire. Son accession à ce statut exprimait et renforçait la défaite du prolétariat européen et mondial.

Pendant la guerre, Staline a réduit à néant les chances du prolétariat européen de donner une issue révolutionnaire à une crise comme on n'en avait encore jamais vue à cette échelle. C'était probablement la deuxième occasion qui se présentait à la classe ouvrière, après la crise ouverte par la première guerre mondiale, de faire basculer la société vers la révolution. Il y avait probablement à l'époque des millions de prolétaires, de communistes, dont la lutte aurait pu peser dans un tout autre sens. Mais la politique de la bureaucratie soviétique et des directions des partis staliniens nationaux a fait de la classe ouvrière la grande absente au rendez-vous. Du moins en tant classe avec une politique autonome. Staline a marchandé le crédit de l'URSS sur le mouvement ouvrier européen à Téhéran et Yalta. Il a joué ainsi un rôle stabilisateur, conservateur, réactionnaire à l'échelle de la planète.

Ensuite, quand les États-Unis ont considéré pouvoir « contenir », « endiguer » le bloc soviétique, la puissante vague de la révolution coloniale a encore donné pour quelques décennies de la monnaie d'échange à Staline et à ses successeurs. Car la vague était forte et a mis du temps à mourir. Cela dit, ce n'était plus le prolétariat que le stalinisme pouvait marchander.

Dans les pays pauvres, colonisés, la politique stalinienne avait consisté depuis avant la guerre déjà, à priver le prolétariat de toute organisation de classe, parce que les partis staliniens des pays impérialistes s'étaient rangés derrière leurs bourgeoisies colonialistes. Le prolétariat n'avait donc pas de partis, même nominalement, communistes, ceux-ci s'étaient vus intimer l'ordre de se dissoudre dans des fronts, des mouvements nationalistes dont les perspectives étaient des impasses pour les masses populaires. Et quand la vague a déferlé après la guerre, la révolution n'a pas pu devenir « permanente », pour reprendre l'expression de Trotsky, c'est-à-dire déboucher sur la révolution prolétarienne parce qu'il n'y avait nulle part de partis pour défendre cette perspective dans la classe ouvrière.

C'était certainement la plus tragique impasse historique du XXe siècle : le détournement du potentiel révolutionnaire du Tiers-Monde qui était probablement aussi explosif que celui des pauvres d'Europe à l'époque des révolutions bourgeoises, a conduit à la création d'États nationaux bourgeois, d'une kyrielle de dictatures refermées sur elles-mêmes, qui ont éteint l'espoir de la révolution permanente pour toute une période. (Un fait qui illustre les craintes de Staline devant la révolution : la bureaucratie stalinienne a fait assassiner en 1945 les quelques véritables communistes qui militaient encore, comme la petite dizaine de trotskystes vietnamiens).

Ensuite, les bureaucrates soviétiques ont seulement pu négocier les « relations » fragiles qu'ils avaient dans le Tiers-Monde, le soutien des Mao, Ho-Chi-Minh, Nasser, ou Castro, de dirigeants nationalistes avec lesquels l'impérialisme avait décidé de rompre, et qui étaient alors venus trouver l'URSS pour qu'elle panse leurs plaies : qu'elle achète son sucre à l'un, construise son barrage à l'autre...le temps que l'Oncle Sam revienne à de meilleurs sentiments. D'ailleurs, pendant que ses leaders nationalistes dits progressistes venaient chercher des subsides ou des armes à Moscou, et y étaient bien reçus, il était fréquent que les staliniens du pays en question, eux, soient en prison ou en butte à une dure répression. Car ces régimes prétendus « progressistes » qui cherchaient le soutien de l'URSS ne l'étaient pas plus que les dictatures odieuses soutenues par les Américains. D'ailleurs, une fois passé l'acharnement américain à faire systématiquement le blocus contre certains d'entre eux, ces « amis » de l'URSS se sont retrouvés les « amis des Américains ». Depuis que la révolution coloniale est passée, que le potentiel révolutionnaire est dilapidé, la mode n'est plus au « progressisme ». Les bourgeois nationalistes cherchent à faire de l'argent et préfèrent de beaucoup les dollars aux roubles.

Et, quant à ceux des dirigeants nationalistes qui sont arrivés au pouvoir à la tête de puissants mouvements de masse - Mao-Tsé-Toung, Ho-Chi-Minh et leurs compagnons, Castro - et qui tenaient à garder une certaine indépendance politique à l'égard des grandes puissances impérialistes, ils ont eu maintes occasions d'expérimenter le caractère peu fiable de l'« amitié soviétique ». Alors, quand ils en avaient l'occasion ou quand ils y étaient contraints, ils étaient capables de montrer que leur solidarité à l'égard de l'URSS n'était pas plus solide que celle de l'URSS à leur égard.

Alors l'URSS a fini par perdre jusqu'à l'appui de ces appareils qui formait son « bloc » dans le Tiers-Monde. Il lui restait son « glacis » de l'Est ! Piètre soutien, fait de pays que la bureaucratie soviétique avait annexés par la force, dont elle avait réprimé les révoltes par la force aussi. Pas étonnant qu'elle n'y ait conservé encore moins d'amis. On a pu le constater récemment, quand les premières élections à l'occidentale dans ces pays ont amené des majorités de droite. Les crimes du stalinisme se paient très cher.

En fait, le bloc soviétique était bien pourri de l'intérieur. Il ne lui restait que l'écorce, il n'était plus que l'apparence d'une puissance diplomatique. Les dirigeants du « bloc soviétique » aujourd'hui, après avoir trahi ou vendu ceux qui avaient pu le soutenir, après avoir survécu encore un temps par la force de l'inertie - la leur comme celle des impérialistes - font le choix de diminuer la tension et de reculer, ce qui ressemble à une reddition sans conditions, ou plus exactement à un ralliement du camp dominant. Gorbatchev dit ouvertement qu'en politique extérieure comme en politique intérieure, il préfère la vérité des prix. Les impérialistes eux-mêmes, qui suivent avec sympathie les efforts de Gorbatchev et voudraient bien qu'il arrive à bon port, et sans tempête, reconnaissent aussi qu'il n'y avait plus grand chose à « contenir » ou à « endiguer » dans ce « bloc soviétique ». On assiste à la sanction d'un rapport de forces qui avait déjà bien changé, depuis 20 ans.

La fin du « bloc soviétique », la désagrégation du stalinisme, mais pas la fin du communisme

Alors certains dans les milieux bourgeois pavoisent parce que ce serait la fin du communisme ! Ceux-là n'auront pas des lendemains qui chantent ! Car la disparition par forfait du prétendu « bloc soviétique » aujourd'hui, pas plus que son existence pendant 40 ans, n'a jamais eu à voir avec le communisme... si ce n'est qu'il en était une odieuse contre-façon. La plus grande escroquerie du siècle !

Mais laissons les anti-communistes les plus frustres se féliciter du déclin de l'URSS sur la scène mondiale. Les politiciens ou journalistes liés aux milieux dirigeants américains eux, n'éprouvent pas la même jubilation. De leur côté, il y a une inquiétude évidente.

« Est-ce que le déclin de l'URSS est la clé d'un futur plus stable ? » , demande un certain Goldberg dans une revue de Washington. L'auteur n'est pas du tout sûr de la réponse ! « Beaucoup de gens prétendent », dit-il « que les démocraties sont forcément beaucoup plus pacifiques que les dictatures. Cela n'a rien d'évident, et l'histoire ne le prouve pas. En réalité, la guerre froide était dans le monde un élément de stabilité ». Et ce journaliste bourgeois américain ne raisonne pas seulement en fonction du bloc soviétique. Il ne constate pas seulement que les bureaucrates soviétiques ont contribué, depuis des décennies, au maintien de l'ordre impérialiste mondial. Il constate aussi que la division du monde a aidé les Américains à maintenir l'ordre dans leur bloc, dans ce « bloc occidental » rendu peut-être aujourd'hui plus fragile.

La prétendue « menace soviétique » ou autre « main de Moscou », a indéniablement aidé les Américains à faire passer leurs intérêts pour ceux de l'ensemble de l'humanité, du « monde libre » ils disaient. Et à faire accepter au monde entier, et en particulier aux travailleurs des pays riches, sans qu'ils réagissent, sans qu'ils se sentent vraiment concernés, quarante ans de massacres dans le Tiers-Monde. Aujourd'hui évidemment que la « menace soviétique » a fait son temps, est-ce que ça ne va pas être aussi pour l'impérialisme américain la « vérité des prix » ?

Les dirigeants américains s'inquiètent déjà pour la « solidarité occidentale » qui paraîtra vraisemblablement moins évidente, entre puissances impérialistes elles-mêmes, dont on constate qu'elles sont plus ou moins solidaires jusqu'à présent, mais néanmoins rivales. Et si les contradictions inter-impérialistes s'exacerbaient, est-ce que l'absence de ce « bloc soviétique » présenté comme irréductiblement opposé et antagoniste et contre lequel il fallait serrer les rangs, ne pourrait pas favoriser la réapparition de luttes âpres entre États impérialistes ? Est-ce que la tension des relations internationales entre le Japon et les États-Unis, entre l'Allemagne et le Japon, ou entre l'Allemagne et l'Angleterre ne pourrait pas être encouragée ? Cela dépend de la concurrence économique entre les impérialismes, certes. Leur lutte n'est pas à son état critique. Mais c'est un fait que si l'impérialisme américain n'apparaît plus comme le chef inconteste d'un bloc, le monde peut repartir...comme en 1914, ou comme en 1940 !

Nous n'en sommes pas là. Pas encore du moins, et pour le moment, ce qui inquiète les dirigeants du monde impérialiste, c'est la situation dans les pays pauvres. En fait dans tous les pays qui ne sont pas les quelques métropoles impérialistes.

L'économie impérialiste, même si elle ne retrouve pas la croissance des années 1950 à 1973 qui a marqué son « âge d'or » dit avoir surmonté les crises les plus graves des quinze ans passés, et connaître à nouveau une « reprise », lente mais sûre.

Le renforcement apparent de l'impérialisme n'est pas dû à sa dynamique économique interne ou à son absence de contradictions, ou à la puissance de l'économie de marché.

Entre les deux guerres, c'est son économie, ses contradictions, qui l'avaient conduit à une crise catastrophique génératrice de la crise révolutionnaire des années 30 et de la guerre mondiale qui a clos la même décennie.

Et si l'impérialisme s'est sorti sans encombre de la crise sociale et politique des années 30, c'est grâce à la trahison de la bureaucratie soviétique. Ce fut une intervention politique volontaire, car ces dirigeants craignaient la révolution prolétarienne encore plus, si c'est possible, que les dirigeants impérialistes pouvaient la craindre.

La Deuxième Guerre mondiale fut crainte par tous les dirigeants impérialistes, car ils avaient l'expérience de la façon dont la première s'était terminée, par une gigantesque crise révolutionnaire que avait secoué toute l'Europe et une partie de l'Asie.

Quand ils se sont engagés, à leur corps défendant, dans la Deuxième Guerre mondiale, ils savaient que la guerre à laquelle ils étaient acculés par les « mérites » de leur économie de marché, portait en elle ce risque majeur.

Mais Staline avait fait massacrer, dans la même décennie de 1930 à 1940, des dizaines de milliers de militants révolutionnaires, de militants communistes, en avaient démoralisé bien d'autres encore, avait laissé sacrifier des dizaines de milliers de militants communistes au fascisme en Allemagne, avait corrompu, du haut en bas, le mouvement ouvrier européen.

Et de plus, durant la guerre, il apporta un appui décisif à la politique impérialiste des alliés en stérilisant dans l'oeuf toute posibilité pour le prolétariat européen ou asiatique de retrouver spontanément la voie révolutionnaire.

Enfin, dans l'immédiat après-guerre, les dirigeants de l'URSS n'ouvrirent pas à l'immense réservoir de forces constitué par les révolutions coloniales, la possibilité de se transformer en révolution prolétarienne, facteur d'extension possible de détruire l'impérialisme, au lieu simplement de le gêner très momentanément.

Aujourd'hui les dirigeants de la bureaucratie russe ont joué leur partie jusqu'au bout et ils en sont victime. car l'impérialisme a survécu là où il aurait pu mourir mille fois, en prenant l'apparence, aux yeux du monde entier, d'un régime fort, idéal, en expansion, et qu'aucun autre régime, aucune autre société, ne peut contester.

Ceux qui annoncent aujourd'hui une « reprise économique » l'interprêtent en tout cas comme le fruit d'une exploitation toujours plus dure des travailleurs et des masses populaires, d'un creusement dramatique des inégalités. Autant dans les pays riches que dans les pays pauvres, même si les effets n'y sont encore les mêmes.

Et c'est ce qui inquiète les dirigeants de l'impérialisme. Ils savent bien que la prétendue disparition du communisme n'est pas un véritable succès politique pour eux. Ils savent bien que la prétendue reprise économique n'est est pas un non plus. Ils savent qu'ils nont pas à pavoiser. Ils savent que tout est pour le pire dans leur meilleur des mondes.

Ils savent qu'un système où on peut perdre chaque année davantage d'argent sur les tables de jeu du Nevada que les États-Unis n'en consacrent à l'aide au pays sous-développés, ou encore qu'un système où les Américains peuvent dépenser davantage en un an pour nourrir leurs chiens que ne dépensent les 600 millions de personnes qui ont faim dans le monde, qu'un tel système n'est ni défendable, ni tenable.

Un dénommé Georges Kennan, prétendu théoricien de la théorie du containment de l'URSS, en 1947, explique qu'il n'y avait vraiment plus rien à endiguer en URSS. Seulement des profits à y faire, peut-être. Par contre « s'il y a un danger réel pour les USA, c'est en nous-mêmes » écrit-il, « dans le Tiers Monde et sa misère » ... « c'est cela qu'on a aujourd'hui à « contenir » » .

Oui, ce n'est plus un «bloc» que l'impérialisme a à endiguer. C'est un monde. Et si les quelque quatre milliards 900 millions de prolétaires de la planète (à supposer qu'il y ait même cent millions de riches) décidaient d'en finir avec l'Apartheid par l'argent, on ne serait pas si loin que cela du communisme, et du vrai.

Car ce qu'on peut conclure de ces décennies d'explosion, puis de dégénérescence et de déclin de l'URSS, c'est que si le stalinisme a perdu, peut-être définitivement, la partie contre l'impérialisme, la classe ouvrière, elle, n'a perdu que des batailles mais pas la guerre de classe qui ne cessera qu'avec l'exploitation.

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