Lactalis, irresponsable, à l'image du capitalisme

Editorial des bulletins d'entreprise  | English version
15/01/2018

Après avoir contaminé des dizaines de bébés en France et dans le monde avec du lait à la salmonelle, le PDG de Lactalis s’est excusé, a promis des indemnisations aux victimes et a juré qu’il n’y avait eu « aucun manquement » dans son entreprise. Et nous sommes censés être rassurés ?

Lactalis connaissait la présence de salmonelles dans son usine de Craon depuis août et l’a cachée aux autorités. Alors que les cas de bébés malades se multipliaient, elle a traîné les pieds pour rappeler ses produits. Ce ne sont pas des manquements ?

Gouvernement et médias insistent sur le culte du secret de Lactalis. Autrement dit, le scandale résulterait d’une situation exceptionnelle causée par un dirigeant très spécial.

Il est vrai qu’à la différence de beaucoup d’autres, le PDG de Lactalis ne faisait même pas semblant de jouer la transparence. Il a toujours refusé de publier les comptes de son groupe, préférant payer une amende. Et qui connaissait, il y a une semaine, Emmanuel Besnier, 8ème fortune de France, héritier et dirigeant de Lactalis ?

L’empereur qui domine le monde laitier avec 17 milliards de chiffre d’affaires, 246 sites de production dans 47 pays et 75 000 salariés, propriétaire de marques comme Lactel, Bridel, Salakis, La laitière, Président… appliquait la devise bien connue de certains milliardaires : « pour vivre heureux, vivons cachés ».

 Mais ce n’est pas parce que les autres groupes capitalistes se plient aux obligations légales de la publication des comptes et qu’ils ont des PDG stars de la communication publique que la transparence règne et qu’ils sont plus responsables.

Ce nouveau scandale n’est pas le dérapage d’un groupe capitaliste isolé. Mais il met aussi en cause les enseignes de la grande distribution qui ont continué de vendre des lots devant être retirés de la vente, plus préoccupées qu’elles étaient de leur chiffre d’affaires de fin d’année que de la santé des nourrissons. Et surtout, il est le dernier en date de toute une série de scandales, de la vache folle aux moteurs truqués de Volkswagen, Renault et PSA en passant par le Médiator et les prothèses PIP. 

C’est tout le système capitaliste qui est irresponsable car il a érigé le profit en dieu tout puissant. La rentabilité est la seule religion des dirigeants des grandes firmes et pour cacher cela, ils imposent le secret à tous les étages.

Tous les groupes capitalistes ont le culte du secret. Il y a les secrets de fabrication, les secrets comptables, le secret des affaires. Les représentants syndicaux sont tenus au secret quand ils participent ne serait-ce qu’au comité d’entreprise. Quant aux travailleurs qui constatent des manquements sanitaires dans leurs usines, ils sont menacés de licenciement s'ils les révèlent.

Les dirigeants justifient ce secret par le fait de devoir se protéger de la concurrence. Il sert surtout à cacher aux salariés ce que rapporte l’exploitation. Il sert à cacher aux fournisseurs les marges que les plus grosses entreprises et les banques font sur leur dos. Il sert à tromper le fisc. Il sert à tromper les consommateurs sur la marchandise.

Oui, ce secret va à l’encontre des intérêts de toute la collectivité. Et que fait l’État ? Il nous berce de belles paroles sur la transparence et diminue les contrôles. Car, on le vérifie au travers de ce scandale, l’État n’augmente pas ses contrôles sanitaires dans les entreprises, il les réduit, laissant les industriels procéder à des « auto-contrôles » !

Le président et les ministres pérorent sur leur action aux quatre coins de la planète en prenant l’air de ceux qui peuvent changer le monde alors qu’ils ne sont même pas capables de contrôler ce qui se passe dans un fleuron français de l’agroalimentaire et d’assurer la sécurité alimentaire.

Ils ne sont pas capables de le faire, car ils n’en ont pas la volonté. Réduction du nombre des inspecteurs de la répression des fraudes, de contrôleurs fiscaux, d’inspecteurs du travail : le gouvernement veut laisser les mains libres au patronat.

La seule façon d’empêcher de nuire les dirigeants de ce système irresponsable, ce sera de les soumettre au contrôle des salariés, des consommateurs et de la population.

Comme l’ont montré les lanceurs d’alerte, les salariés sont les mieux placés pour surveiller et dénoncer les agissements des dirigeants. Et qui d’autre qu’eux connait la façon de bien faire le travail ?

Oui, pour la société tout entière, pour les intérêts des travailleurs, il est nécessaire de contester le sacro-saint respect de la propriété privée et de faire voler en éclats le secret dans les entreprises.