Le lundi 12 mai, environ 180 ouvrières des Ateliers d'Armançon, usine de maroquinerie de Semur-en-Auxois où elles sont 600 à travailler, ont décidé d'entamer une grève pour réclamer une augmentation de salaire de 5%, un treizième mois et l'obtention de 3 jours de congé « enfant malade » par an.
Si la grève a démarré à la suite des négociations salariales annuelles, elle en a vite dépassé le cadre. En effet, devant le refus obstiné de la direction à satisfaire les exigences des grévistes, la contestation s'est étendue les jours suivants, et les ouvrières ont été chaque jour de plus en plus nombreuses devant l'usine. En organisant un piquet de grève, en bloquant les livraisons des camions malgré l'intervention des gendarmes, en prévoyant des débrayages quotidiens, et tout simplement par leur dynamisme, elles ont réussi à entraîner quelques collègues de l'usine de Saulieu toute proche, appartenant au même groupe. Au plus fort de la grève, environ 250 grévistes, principalement de jeunes ouvrières, se sont réunies devant l'usine pour crier leur colère contre leur patron.
Colère de travailler chez le premier sous-traitant européen de la maroquinerie de luxe, au chiffre d'affaire de 100 millions d'euros par an, et de se voir systématiquement refuser une vraie augmentation. « On bosse pour Channel, Vuitton, Cartier. Chaque sac vaut plusieurs milliers d'euros, il m'en passe 500 entre les mains dans la journée, et on devrait se contenter de 25 euros de plus par an ? Il rêve !», s'indigne une ouvrière. Colère aussi contre l'arrogance avec laquelle on répond à leurs revendications. Yann Thomas, arrière-petit-fils du fondateur du groupe Maroquinerie Thomas qui possède ces usines, accueilli à bras ouverts dans l'usine de papa au sortir de son école de commerce, en est aujourd'hui le directeur. « Il nous a dit : C'est vrai les filles, je perds 75000 euros par jour de grève, mais j'ai une enveloppe de 300000 euros pour tenir le coup ! », dénonce une ouvrière. « Avec ça, il aurait déjà pu nous augmenter de 4% ! ». Et c'est avec le même cynisme qu'il a annoncé, après une semaine de grève, que sa proposition d'augmentation passait de 2,1% à 0%, avant de déclarer dans la presse : « le dialogue n'est pas rompu et les choses rentrent dans l'ordre » ! Le procédé est clair et dégoutant, il s'agit de diviser les ouvrières en rendant les grévistes responsables de cette nouvelle attaque.
La grève a été suspendue lundi 19 mai, mais ses organisatrices prévoient de nouveaux débrayages dans la semaine. Le gros des grévistes de la semaine a repris le travail, la tête haute et fière de s'être battue : « on sort de cette semaine plus éreintées que si on avait bossé, mais c'était bon de dire ce qu'on avait sur le cœur ». « On y a perdu de l'argent c'est sûr, mais moins que lui et ça fait plaisir de savoir qu'il ne s'en tire pas si bien que ça ! ».
Les ouvrières des Ateliers d'Armançon y ont aussi gagné une certitude : toutes garderont en tête cette semaine de lutte, et pourront recommencer dès qu'elles le jugeront nécessaire. « De toute façon, à partir de maintenant, il aura un noyau dur contre lui, les heures supplémentaires, les samedis travaillés, on va plus rien laisser passer. Il va se souvenir de l'année 2014 ! », conclut une ouvrière. Et de fait, malgré le résultat des négociations de salaire, cette reprise avait un goût de victoire.