DijonScope :  Claire Rocher sur le grill

Article de presse
01/03/2010

Déjà présente dans la course aux régionales en 2004, vous n'avez pas pu siéger. Après 6 ans, quel bilan pour la mandature passée ?

"La situation est essentiellement marquée par la crise ; le conseil régional n'y est pas et n'y peut pas grand-chose. Les vrais responsables sont les grands actionnaires, les spéculateurs, les grands groupes et la situation que subissent les travailleurs. Ils font payer la crise aux classes populaires et ça, ce n'est pas un conseil régional ni un élu quelconque qui peut s'y opposer. Je me présente donc pour dire aux travailleurs que ce n'est pas une fatalité mais une guerre qui est menée contre eux, face à laquelle ils peuvent se défendre mais il ne faut pas compter sur les élections pour changer la situation. Sur le bilan de la mandature passée, il n'y a pas eu un seul emploi de sauvé par les conseils régionaux dirigés par le parti socialiste, bien que chacun se soit vanté que ça allait être un contre-pouvoir au gouvernement.

En désaccord avec l'actuelle majorité, vous avez fait le choix de partir seule. Les listes à gauche se multipliant, ce choix ne sera-t-il pas contre-productif ?

Chez Lutte Ouvrière, nous disons des choses que nous sommes les seuls à dire avec donc la même légitimité que les grands partis. Nous avons un programme à défendre et nous devons nous présenter pour faire entendre ce que nous avons à dire. L'idée est avant tout de s'exprimer, de faire passer notre message : nous pensons que ce n'est pas aux travailleurs de payer la crise et la seule chose utile qu'ils peuvent faire dans ces élections, c'est pousser un cri de colère. Notre programme est donc celui des luttes futures pour interdire les licenciements, partager le travail entre tous, prendre sur les profits et les fortunes personnelles des grands actionnaires. Ce n'est pas en nous élisant au Conseil régional que l'on parviendra à appliquer ce programme mais c'est en passant par des bagarres. Notre candidature sert à l'affirmer tout ceci.

Vous parlez à ce propos dans votre programme "d'explosion sociale". Pour moi, électeur lambda, qu'est-ce que l'explosion sociale ?

Au sein même de la Bourgogne, l'explosion sociale n'a pas de sens. Selon nous, il faut que les luttes s'unissent : que ce soit chez Total actuellement, les travailleurs de Jtekt récemment à Dijon, la bagarre d'Amora, les luttes, il y en a à chaque instant. Maintenant, nous pensons que les luttes doivent s'unir pour changer le rapport de force et imposer une autre politique pour que ce soient les vrais responsables de la crise qui la payent et pas nous à leur place. L'économie tourne grâce aux travailleurs et un jour, il faudra revendiquer le fait que les richesses que nous créons doivent servir à un emploi et un salaire corrects. Tout l'argent passe dans la poche des riches, qui mènent une guerre aux pauvres en quelque sorte.

La région est donc un prétexte pour faire passer un message à envergure nationale ?

Dans un sens, oui. Mon message est un message de lutte. Maintenant, qu'y a-t-il de plus régional que ce dont je parle ? Jtekt qui licencie, les bagarres qu'on essaye de mener pour garder nos emplois et avoir des salaires corrects. Il n'y a pas plus local que ça. Le Conseil Régional peut ne pas donner de l'argent à fond perdu à des entreprises qui licencient quand même et qui s'en servent juste pour augmenter leurs profits et distribuer des dividendes à leurs actionnaires. Cet argent pourrait être affecté pour éviter de supprimer 16.000 postes dans les lycées, pour maintenir des services publics... Maintenant, le Conseil régional n'est pas en capacité de mettre en œuvre ces politiques, d'interdire de licencier.

Dans l'hypothèse de votre arrivé à la tête de la région, un certain constat d'impuissance ?

Si j'arrive à la tête de la région, c'est qu'il y aura eu un puissant mouvement social derrière moi et la situation sera complètement différente : les gens pourront allez voir directement dans les comptes de ces entreprises sans demander la permission. Je pense que vous avez des illusions, notamment en matière de chômage. Le seul moyen de limiter cette hausse est d'interdire à des entreprises comme Total de dire : "On fait 7 milliards de profit cette année, 14 l'année dernière mais on vous met dehors". A partir du moment où les gens sont dehors, c'est trop tard pour lutter contre le chômage. Il faut interdire au patron de licencier.

Infirmière de profession, ressentez-vous aussi ce malaise dans la profession tout comme l'expansion des déserts médicaux ?

On dépense des millions pour rembourser des banques et construire un bâtiment de prestige pendant qu'on nous dit que l'on ne peut pas embaucher, que l'on entasse les gens dans les couloirs. De l'argent va même être donné pour organiser des départs volontaires. L'hôpital de Dijon est aujourd'hui le plus gros employeur de la région et ceux qui ferment ne font que dégrader la situation sanitaire. Chacun se renvoie la balle sous prétexte de ne pas disposer d'argent. Or, des moyens, il y en a : il n'y a qu'à voir la somme engagée pour la vaccination contre la grippe A, c'est l'équivalent des déficits de l'ensemble des CHU de France. Cet argent, que l'on n'avait soi-disant pas, on l'a trouvé pour grossir les bénéfices de Sanofi. Dans ce cas, les déserts médicaux, selon moi, ne sont qu'une volonté politique de concentrer les bénéfices dans des grosses usines comme à Dijon. Une politique similaire, que ce soit dans le secteur de la santé, de l'éducation ou du social, consiste à retirer le maximum d'argent dans ce qui est utile à la population. Ce n'est pas une fatalité, comme vous semblez le penser, mais bien une volonté de ne pas mettre un centime dans ce qui est utile au pauvre.

Autre domaine, surement moins polémique, celui des transports. Plutôt LiNo, aéroport, grand canal ou LGV ?

N'importe quoi, pourvu qu'il y en ait suffisamment et que les gens puissent circuler correctement. Personnellement, j'ai des amis qui travaillent à la SNCF : la politique est actuellement de fermer les petites lignes, de désertifier, une nouvelle fois, les transports en commun, de réduire les sommes engagées. Alors bien sûr, je suis pour le rail mais sur des voies entretenues, ce qui n'est pas le cas actuellement, à force de supprimer des emplois. Et je n'accepte pas qu'ils puissent risquer leur peau car ils sont de moins en moins nombreux pour effectuer des travaux sur les voies. Mais ceci n'est pas réellement une urgence.

Parler de développement durable est une arnaque car les décideurs ne parlent de cela qu'en fonction de ce que ça peut leur rapporter le lendemain, au point de s'en foutre de faire sauter la planète quatre fois, le principal étant d'être les derniers à empocher le "pactole", quitte à faire mourir de faim la moitié de la planète et à faire un trou dans la couche d'ozone. Il faut s'attaquer à la main mise que ces gens ont sur l'économie. Bien sûr que je souhaite laisser une planète en bon état à nos enfants mais l'urgence est que les gens aient un emploi et de quoi manger.

Vous avez dit au Bien Public : "Je ne suis pas le ramasse voix du PS". Aujourd'hui, votre position est toujours aussi ferme ? Qu'en adviendra-t-il au soir du premier tour ?

Je confirme et j'assume cette phrase : je n'envisage aucune alliance. Mon problème, c'est le premier tour car c'est ici que l'on peut exprimer ses idées, le second tour étant celui du partage des sièges. Le seul vote utile est celui pour le premier tour avec un programme que l'on assume haut et fort."

© DijonScope (22-02-2010)