L'Est républicain (ouverture Belfort) : Jean-Marie Pheulpin, le révolutionnaire

JEAN-MARIE PHEULPIN, candidat Lutte ouvrière à la mairie de Belfort, a répondu aux questions des internautes, hier, depuis notre rédaction.
Tout d'abord, posons bien le contexte : les élections, pour le candidat LO, ne changeront jamais rien. Elles sont une occasion de se faire connaître, une « tribune », dans l'attente des « grands mouvements » et de la révolution ouvrière.
Dans son esprit, c'est le système tout entier qu'il faut changer, en commençant par interdire les licenciements, en prenant les bénéfices des grandes entreprises, en répartissant le travail entre tous.
Conseiller municipal (élu sur la liste Butzbach en 2008), Jean-Marie Pheulpin revient à la tradition LO à Belfort : une liste autonome. « En 2008, il fallait combattre Sarkozy. Aujourd'hui, tout le monde a compris que Sarkozy ou Hollande, c'est la même chose. Une politique au service des riches et des patrons. »
Il ne considère pas que l'action politique peut se dérouler au niveau local, à la tête de municipalités étranglées par les coupes budgétaires du gouvernement. Que propose-t-il comme programme municipal : « Rien ! » répond-il. « Je demande seulement aux travailleurs de voter pour défendre leurs intérêts, infliger un désaveu au gouvernement, faire entendre leur indignation. »
Rythmes scolaires : « du folklore »
Il balaye de quelques mots les politiques économiques menées ces dernières années sur la ville. Les sociétés d'économies mixtes, les zones d'activité, la Jonxion : « Beaucoup d'argent public. Pour quoi ? Il n'y a pas eu d'emplois nouveaux créés. »
L'hôpital, le nouveau site médian ? « Une manoeuvre pour fermer deux hôpitaux, faire des économies, supprimer des lits et des postes. »
L'éducation, les rythmes scolaires, l'école le mercredi ou le samedi ? « Du folklore » pour une réforme dont le seul but est de faire des économies et de supprimer des postes dans l'Éducation nationale.
La culture ? Un problème de riche, qu'on ne se pose que lorsqu'on « a le ventre plein », ce qui est loin d'être le cas d'une bonne partie de la population.
L'insécurité ? « Les plus grands délinquants que j'ai pu croiser, ce sont les patrons qui décidaient de plans de licenciements », répond-il.
Jean-Marie Pheulpin se présente comme un « communiste révolutionnaire » qui attend que les « grandes luttes s'engagent ». Le reste est « enfumage ».
Ph.P.
L'action du maire : « Pas grand chose»
« C O N C R È T E M E N T, qu'estce que je change à Belfort ? Eh bien, je ne vais pas faire comme les autres, moi je dis : rien !
Une municipalité qu'estce qu'elle peut faire face aux problèmes essentiels de la population laborieuse dans les quartiers, partout ? Rien ! Rien !
Une municipalité, elle ne peut faire qu'avec le budget qu'elle a. Or, le gouvernement a annoncé des coupes drastiques, un milliard et demi de moins pour les collectivités locales et il annonce dix milliards de moins dans les années qui viennent.
Parce qu'il faut payer le pacte de responsabilité. Les 30 milliards de cadeaux faits aux patrons, ils les prennent en partie sur les collectivités locales et donc sur les services publics.
Que peut faire une municipalité face à cela ? Et bien pas grand chose. Alors, oui, il y a des tas de promesses avant les élections, mais, concrètement, les élections passées, il faudra gérer l'austérité. C'est ce qui attend le maire, ici à Belfort, quel qu'il soit, il faudra gérer les coupes sombres qui vont tomber de la part du gouvernement. »
« Les élections passées, il faudra gérer l'austérité. »
Le vote FN
« Je ne redoute pas le vote FN mais je serai dépité s'il a beaucoup de voix. justement écoeurée par la classe politique, par toutes les promesses non tenues, une partie de la population regarde vers le FN. Parce que le FN n'aurait pas encore participé au gouvernement, il serait blanc.
Voter FN, c'est se mettre une balle dans le pied. Ils feront exactement la même chose : ils sont au service du patronat, en plus dur. Ils commenceront à s'en prendre aux travailleurs immigrés,mais après, l'ensemble des travailleurs subiront les coups du FN. Il faut que les travailleurs s'en détournent. »
Rythmes scolaires
« LORS DE CE MANDAT, je me suis opposé à la réforme des rythmes scolaires car c'était une façon pour le gouvernement de réduire le budget de l'Éducation nationale et de transférer sur les communes une part du coût de cette réforme.
La première année il y avait une subvention de 50 € par enfant plus 40 € dans les zones d'éducation prioritaire. Ça a été étendu à la deuxième année.
Mais après, plus rien. Les communes vont devoir gérer tout le périscolaire toutes seules.
Une ville comme Belfort, qui a encore les moyens, s'en sortira. Mais qu'en sera-t-il de toutes les petites communes qui ne pourront financer cela ?
Ça veut dire qu'il y aura une éducation qui ne sera plus nationale.
Hollande avait annoncé 60.000 postes dans l'Éducation nationale, aujourd'hui il en est à 45.000 et, les 15.000 restants, il ne les fera peut être pas. Déjà, ça ne compensait pas la perte de 80.000 postes sous l'ère Sarkozy. L'Éducation n'est plus une priorité pour le gouvernement et les communes ne pourront pas assumer.
Aujourd'hui, on débat de la question du mercredi et du samedi, c'est du folklore, ce n'est pas le problème principal. »
L'attente de la révolution
« ILS NOUS FONT tous croire qu'un changement est possible par les urnes. Nous, on n'y croit pas. Le sort des gens ne changera pas par un bulletin de vote, ce serait vraiment trop simple.
La classe ouvrière a su montrer que lorsqu'elle se mettait en marche elle était capable d'aller très loin et de remettre en cause les fondements de la société, y compris de la société capitaliste.
Aujourd'hui, la société n'est pas prête sinon on ne serait pas à discuter autour de la table de ce qu'on va voter dimanche, nous serions dans un Soviet à dire ce qu'on va faire, comment on va organiser la société.
Mais pour changer la société, c'est la seule solution. On ne peut pas la changer autrement que par une révolution.
La bourgeoisie a fait la société.Elle a eu son utilité en instaurant un système économique dit capitaliste en son temps. Aujourd'hui, l'avenir c'est une révolution ouvrière, c'est le communisme, l'avenir pas qu'en France, l'avenir de l'humanité dans son ensemble. »
Le pôle métropolitain et l'hôpital médian
« LE PÔLE métropolitain ça fait vingt ans que l'on en parle. Quand on parle de fusion, c'est en général des postes en moins, donc des licenciements ou des départs non remplacés et des services publics qui en pâtissent.
C'est bien loin des préoccupations de la population.Déjà il faudrait nous expliquer ce que c'est. »
Et l'hôpital médian ?
« Le site médian est quand même le résultat de deux hôpitaux de moins pour Belfort et Montbéliard, ça se traduit par des centaines de lits en moins. L'objectif du gouvernement, c'était de réduire le budget de la santé. Dès le départ, j'ai exprimé mon opposition à cet hôpital médian.
Il faut aussi souligner le fait que le pôle logistique est un partenariat public privé, c'est Vinci qui le construit et le gère, et c'est l'hôpital et le Chênois qui doivent verser un loyer annuel de 6,2 millions d'euros.
Au bout de vingtcinq ans, l'hôpital sera propriétaire, mais il aura versé 125 millions à Vinci, soit trois fois et demie ce que coûte la structure. »
Insécurité économique
« TOUS LES AUTRES candidats nous promettent beaucoup de vidéosurveillance et de faire ci ou ça avec la police municipale...
Ce que je tiens à dire, c'est que dans ma vie de travailleur, j'ai connu des situations d'insécurité importante : ce sont les deux plans de licenciements que j'ai vécus à l'Alsthom, en 2001 et 2004.
Là, on se rend compte de ce qu'est l'insécurité.Je ne nie pas l'insécurité qu'il peut y avoir dans les quartiers, en ville.
Mais les pires délinquants, ce sont les patrons qui licencient, avec des travailleurs qui ont dix ans, vingt ans, trente ans, voire plus d'années de travail, et qui se retrouvent à la rue. D'un point de vue humain, c'est terrible. Comme insécurité, je n'ai jamais connu pire. Et on ne fait absolument rien contre ces délinquants là.
On les laisse licencier et après on leur donne des millions.
L'État est intervenu pour soidisant sauver l'Alsthom mais pas pour sauver les centaines de camarades qui ont été licenciés. Donnons du travail à tout le monde, et on réglera une bonne partie de l'insécurité. »
Culture et cinéma
« POUR AVOIR de la culture, il faut avoir le ventre plein.
La préoccupation dans les quartiers, c'est de savoir ce qu'on va manger au bout du mois, comment on va payer l'électricité ou le gaz alors qu'on sait qu'EDF embauche des intérimaires pour couper le courant.
Comment voulez vous parler de culture à des gens qui ont faim et qui ont froid ? Pour que tout le monde ait accès à la culture, il faut que tout le monde puisse vivre décemment.
La préoccupation, c'est de satisfaire les besoins de la population. »
Comment vendre les murs du cinéma Pathé [réhabilités par la Sempat pour 44 millions d'euros] ?
« Fallait pas les faire et leur louer.
La Sempat a remis à neuf des anciens abattoirs.Je rappelle que c'est une société d'économie mixte. Elle est fondée sur l'argent public, quand tout va bien, elle redistribue un petit peu, quand ça va mal c'est l'argent public qui finance tout.
On en parle pour les cinémas, on pourrait en parler pour GE, pour l'Alstom. »
Chapitre,Teleperformance
« LA FERMETURE de la librairie Chapitre, ce n'est pas un problème de la Ville de Belfort.
Chapitre, c'est un groupe, une cinquantaine de librairies. Le groupe a décidé la fermeture purement et simplement, parce que ce n'était pas assez rentable sans doute, on voit les conséquences pour les travailleurs qui se retrouvent à la rue.
Je pense que le groupe à la tête de Chapitre a les moyens de maintenir une librairie à Belfort et de continuer à faire vivre les sept salariés.
Il aurait fallu l'imposer. Face à cette situation, les pouvoirs nationaux ou locaux n'ont aucun pouvoir sinon à laisser fermer cette librairie.
Pour le reste, l'attractivité des commerces, elle se fait surtout sur le pouvoir d'achat de ceux qui peuvent acheter. Comme le pouvoir d'achat baisse, le commerce baisse.
Que ce soit pour la culture ou pour les autres commerces, quand les fins de mois sont difficiles, les commerces s'en ressentent.
Quand on parle d'insécurité, allez voir les gens de Teleperformance. Ils sont en train de se demander ce qu'ils vont devenir demain.
Derrière les grandes manoeuvres de Bouygues et Numéricâble, personne ne se préoccupe de l'avenir de ces travailleurs alors qu'ils sont prêts à mettre des milliards pour se racheter les uns les autres. »
Le stationnement
LE STATIONNEMENT payant permet d'éviter le stationnement anarchique partout !
« Aujourd'hui il n'est pas anarchique le stationnement ?
Je ne vois pas en quoi le fait de le rendre payant ça change quelque chose. Ça libère des places de parking pour ceux qui ont les moyens de payer. Ce n'est pas parce que ce serait gratuit que les gens feraient n'importe quoi comme des imbéciles. Le stationnement payant, c'est une manière d'arnaquer les gens et ça n'apporte rien. »
Et le projet de certains candidats de privatiser les parkings ?
« En général quand j'entends parler de privatisation, je m'y oppose. En général on privatise ce qui va bien.Je suis aussi contre le stationnement payant en ville c'est une taxation supplémentaire que la population doit subir. »
Aider l'économie...ou pas
« LA SEMPAT n'a pas agi pour les petits artisans. On a offert des structures neuves ou presque neuves à des groupes qui sont parmi les plus grands groupes capitalistes du monde. On va me répondre que si on ne le fait pas ils vont partir.
Ce que je vois, c'est que GE, malgré tout l'argent que la Sempat lui a donné, continue à supprimer des emplois.
Concrètement, malgré toutes ces zones d'activité qui sont mises en place par les collectivités locales, la Communauté de l'agglomération belfortaine, le Département, il y a quand même une augmentation du chômage à Belfort.
Subventionner à tirelarigot les entreprises, ça ne marche pas.
Notre solution, c'est d'interdire purement et simplement les licenciements et répartir les emplois entre tous, sans diminutionde salaire. Il y a des moyens, il faut les prendre là où ils sont : dans les caisses du patronat. »
© L'Est Républicain, Mercredii le 19 Mars 2014 / Ouverture Belfort / Belfort
Droits de reproduction et de diffusion réservés