Monsieur Faid Souhaili,
C'est bien volontiers que je réponds à vos questions et, si vous me le permettez, je vous exposerai également les grandes lignes du programme que je défends dans cette élection.
Les habitants de Mayotte aspirent aux mêmes droits que ceux de la métropole ou des autres DOM. De ce fait, vous estimez, à juste raison, que le délai pour le rattrapage des prestations sociales, actuellement prévu pour une période de vingt à vingt-cinq ans, est bien trop long.
Juridiquement, Mayotte, comme La Réunion et les autres DOM, sont des départements français mais des départements qui, du point de vue social, sont moins égaux que d'autres. Il aura fallu plus de trente ans, après que la départementalisation a été décidée, pour qu'à La Réunion les montants des allocations familiales soient alignés sur ceux de la France, et plus d'un demi-siècle pour que le salaire minimum puis le RMI le soient aussi. Si je cite l'exemple réunionnais, c'est pour rappeler que, pendant plusieurs décennies, aucun gouvernement, qu'il ait été de droite ou de gauche, n'a eu le souci de cette égalité. Alors, faudra-t-il aussi attendre plus d'une génération pour qu'à Mayotte l'égalité des droits réclamée devienne effective ?
J'espère bien que non, mais je suis persuadé que l'accélérateur le plus efficace pour l'obtention de cette égalité sera la volonté publiquement exprimée de la population.
À cet égard, il est significatif que, pour défendre leurs droits et pour protester contre la cherté de la vie, la population de Mayotte, et en premier lieu les travailleurs, soit descendue dans la rue. C'est dire qu'elle n'attendait rien ni du gouvernement ni du nouveau statut départemental. Ce qui comptait pour elle, c'était sa capacité à arracher son dû, avec pour armes en premier lieu les manifestations. C'est d'ailleurs ainsi que les travailleurs ont toujours obtenu satisfaction.
Dans la campagne que je mène, j'insiste pour dire que les mobilisations des travailleurs, des classes pauvres, compteront bien plus que le résultat des élections ; qu'ils n'obtiendront que ce qu'ils arracheront.
La bourgeoisie mahoraise, qu'elle soit originaire de votre île ou de métropole, mène une guerre permanente contre les travailleurs et la population pauvre, contre leurs conditions de travail et leur niveau de vie. Eh bien, dans cette lutte de classe, je suis sans réserve du côté des travailleurs lorsqu'ils revendiquent contre la cherté de la vie, pour de meilleurs salaires ou bien lorsqu'ils cherchent à faire prévaloir leurs droits et leur dignité face à l'arrogance des patrons et des serviteurs de l'État.
Le chômage, la précarité dans le travail, les bas salaires, les prix bien trop élevés que je dénonce, concernent évidemment Mayotte. Il n'est pas normal que des femmes et des hommes soient privés d'emploi, alors que, dans tous les domaines, ceux de la santé, de l'éducation, des transports et de façon plus générale dans tous les services publics, les insuffisances sont criantes. Il faut donc embaucher dans tous ces secteurs utiles à la collectivité.
Mais comment financer ces emplois ? Eh bien, en prenant l'argent là où il est : dans les poches des classes riches. C'est sur l'argent accumulé par la classe bourgeoise, grâce à l'exploitation ou grâce aux cadeaux reçus des fonds publics, qu'il faut prendre, et pas dans la poche des plus pauvres.
Si la droite actuellement au gouvernement et si la gauche socialiste qui aspire à la remplacer voulaient vraiment trouver les financements nécessaires, la solution serait à portée de leurs mains. Des sommes considérables sont trouvées quand il s'agit de sauver les banques d'une crise dont elles sont pourtant seules responsables. Alors, pourquoi ce qui est possible pour quelques-uns ne le serait-il pas pour le plus grand nombre ?
Dans les départements d'Outre-mer comme en métropole, je défends aussi, vous le savez, l'objectif de l'interdiction des licenciements et le partage du travail entre tous sans diminution des salaires. Mais la défense des emplois existants et la création de nouveaux emplois utiles à la population posent tout naturellement la question de savoir qui contrôle les secteurs décisifs de l'économie. Pour montrer que les licenciements ne sont jamais justifiés, pour dévoiler les mauvais coups du patronat, il faut un contrôle populaire sur les comptes des entreprises et l'abolition du secret des affaires.
On ose souvent affirmer que les départements d'Outre-mer sont des départements assistés. Eh bien, si les mouvements de capitaux entre les départements d'Outre-mer et la métropole étaient transparents, si la population pouvait vérifier qui sont les principaux bénéficiaires des transferts d'argent en direction des départements d'Outre-mer, on se rendrait compte que les assistés ne se trouvent pas dans la population laborieuse, mais parmi la bourgeoisie et plus particulièrement parmi les groupes capitalistes de l'agro-alimentaire, de la grande distribution ou des banques de la France métropolitaine.
Le programme que j'avance dans ces élections, personne d'autre ne le défend. Tous vous parleront des intérêts de la France, en omettant volontairement de dire qu'en France, métropolitaine ou d'Outre-mer, il y a deux classes sociales. Ni en France ni dans les collectivités d'Outre-mer, on ne peut mettre dans le même sac les grands capitalistes et l'ensemble des travailleurs. Pour ma part, je chercherai dans cette campagne à faire prévaloir les intérêts des travailleurs, en entendant par là tous ceux qui vivent de leur travail, même si l'organisation sociale actuelle les en a privé.
Il faut que je vous dise, Monsieur Souhaili, combien je suis choquée par tout ce que j'entends à propos de l'émigration clandestine. À Mayotte, la plupart des dits « immigrés » viennent des autres îles de l'archipel, dont les habitants se sont vu interdire l'accès du sol mahorais, du jour au lendemain, après que le gouvernement Balladur a imposé l'instauration des visas en 1995. Il est extrêmement choquant que des membres d'une même famille soient devenus « clandestins » parce qu'originaires d'une autre île.
Alors, que faire ? Doit-on dresser toujours plus de barrières entre les populations au prétexte que l'organisation sociale actuelle, parce qu'elle accumule les richesses à un pôle, est incapable de satisfaire les besoins essentiels des êtres humains ? Ou faut-il plutôt combattre l'organisation capitaliste qui en aucun cas ne peut être un avenir pour l'humanité ? Vous l'aurez compris, c'est le second choix qui est le mien, et c'est d'ailleurs pour cela que ma campagne se fait sous le drapeau du communisme.
Pantin le 13/03/12
Nathalie ARTHAUD