Frédéric Podguszer est la tête de liste pour le parti Lutte Ouvrière pour les élections municipales de Rouen des 15 et 22 mars 2020. 06/03/20202020Presse/medias/articlepresse/images/2020/03/frederic-podguszer-lutte-ouvriere-rouen-854x641.jpg.420x236_q85_box-0%2C80%2C854%2C561_crop_detail.jpg

Article de presse

Frédéric Podguszer candidat Lutte Ouvrière à Rouen en attendant la révolution

Frédéric Podguszer est la tête de liste pour le parti Lutte Ouvrière pour les élections municipales de Rouen des 15 et 22 mars 2020.

Illustration -  Frédéric Podguszer est la tête de liste pour le parti Lutte Ouvrière pour les élections municipales de Rouen des 15 et 22 mars 2020.

Les candidats aux élections municipales de Rouen (Seine-Maritime) sont maintenant tous connus. Le 15 mars 2020, les Rouennais auront le choix entre dix listes différentes, dont celle menée par Frédéric Podguszer. Cet homme âgé de 56 ans, mécanicien de maintenance à Renault Cléon, syndicaliste CGT, est candidat pour le parti Lutte Ouvrière. Ce révolutionnaire avait récolté 1 % des suffrages lors des dernières municipales, en 2014. Cet « internationaliste par atavisme » milite depuis l’âge de 16 ans, « peut-être même avant, mais je n’étais pas actif », confie-t-il. Pour Rouen, l’homme n’a pas de programme. Il prend ce rendez-vous comme une tribune politique et se voit comme la caisse de résonance de « ceux qui sont en colère ».

 

« Remettre en cause la dictature des actionnaires »

La porte-parole de votre parti, Nathalie Arthaud rappelle qu’il « n’y a pas d’oasis local » et que les municipalités sont impuissantes, « ligotées », notamment par l’État, alors pourquoi s’obstiner à vous présenter ?
Frédéric Podguszer : C’est une tradition. Les marxistes que nous sommes, même s’ils sont révolutionnaires, considèrent qu’ils ont le droit de s’exprimer et de se compter. Tout en disant que ce ne sont pas les élections qui vont changer notre vie, elles existent, profitons-en. Le jour où vraiment, il y aura de grosses mobilisations, où ils auront peur pour leur pouvoir, ils ne nous feront plus voter.

Qui sont ces « ils » ?
Ceux qui dirigent aujourd’hui : les grands capitalistes. Beaucoup reconnaissent que Macron n’est que le pantin des plus riches. La dictature des actionnaires sur la sociétés prend de multiples formes, la première c’est celle de l’exploitation. À Renault Cléon, ils sont en train de pleurer parce qu’ils annoncent 140 millions d’euros de perte, mais ils ont donné 320 millions d’euros aux actionnaires. Si on n’avait pas donné aux actionnaires, il n’y aurait pas de perte. Les actionnaires décident de prendre le pognon, même s’il n’est pas là et après ils nous disent qu’ils faut fermer des usines et mettre des gens au chômage, alors que le groupe Renault possède 15,8 milliards d’euros de liquidité. C’est ça la dictature des actionnaires. C’est ce pouvoir-là que nous voulons remettre en cause.

C’est une de vos propositions : l’expropriation des actionnaires…
Oui, en finir avec la loi du profit qui repose sur cette propriété privée des moyens de production. Qui a fait les usines ? Qui les a construites ? Qui les fait fonctionner ? C’est le monde du travail, 99 % de la population, ce n’est pas ce petit groupe d’actionnaires.

« Les salaires, l’emploi, ça ne se règle pas à l’échelle locale »

Comment votre candidature à Rouen peut-elle remettre en cause la « dictature des actionnaires » et « l’oppression de l’État et des bourgeois », pour reprendre votre vocable ?
Nous allons présenter 260 listes en France, soit presque 12 000 candidats qui vont lever ce drapeau de la remise en cause du système capitaliste. Nombreux sont ceux qui ne savent même plus que certains se battent pour ces idées. On veut les faire apparaître.

C’est donc pour vous une tribune ?
Cette tribune existe, c’est un des moments où les gens s’intéressent à la politique. C’est le moment de leur dire qu’il ne servira à rien de voter pour quelqu’un qui fera le boulot à leur place, ça sera à nous de le faire. Ce discours, c’est pour ceux qui votent encore, parce que lors de cette élection, on s’apercevra encore des taux d’abstention. C’est comme un vote censitaire. Les gens des beaux quartiers votent, mais pas les autres. Il y a aussi tout un tas de gens qui n’ont pas le droit de vote. Les immigrés ont le droit de se faire exploiter et de payer des impôts, mais pas de voter. Ça limite l’expression de la classe ouvrière. C’est pour cela qu’on ne se démoralise pas lorsqu’on nous jette à la figure nos petits scores, parce que durant la campagne on touche toutes ces personnes. Pour nous, les élections municipales sont déjà réussies, parce qu’on va sortir de là plus nombreux que lorsqu’on est rentré. Ce qu’on veut, c’est faire un parti de la révolution…

Donc vous n’avez pas l’ambition d’être maire ?
Non, tout comme Arlette Laguiller n’avait pas l’ambition d’être présidente de la République, ni même ministre. Ce n’est pas notre vision des choses. De plus, on sait que les maires ont de moins en moins de moyens, et même s’ils veulent faire des choses, elles peuvent se retrouver invalidées par la préfecture. Faire croire que c’est à ce niveau-là qu’on résoudra le problème des gens, c’est mentir. Les problèmes principaux, ce sont les salaires, l’emploi. Ça ne se règle pas à l’échelle locale.

Interdiction des licenciements

Quelle est votre vision sur l’affaire Lubrizol et sa réouverture partielle en décembre ?
On ne dit pas que les usines Seveso doivent aller ailleurs que chez nous. On va laisser crever les autres ? Un enfant qui meurt à Bhopal [en Inde, NDLR], c’est aussi dramatique qu’un enfant qui meurt à Rouen.

Donc il faut conserver cette usine ?
Je ne dis pas ça. Ce que j’essaie de dire, c’est que les actionnaires ne doivent pas décider parce qu’ils prennent des décisions à court terme.

Concernant Lubrizol, ce ne sont pas les actionnaires qui ont décidé de la réouverture partielle ?
Il faudrait que les salariés puissent donner leur avis et prévenir des dangers. Le problème est qu’aujourd’hui, si tu dénonces certaines choses, tu es angoissé par la peur de perdre ton emploi. Si je dénonce ce qu’il se passe dans ma boîte, elle va fermer ou le patron fera moins de bénéfice. Si on veut parler de la sécurité à Rouen, il faut parler de la question de l’emploi, de l’interdiction des licenciements et d’un travail pour tous. Un travail doit être un droit. Si un gars bosse dans de mauvaises conditions mais sait qu’il aura quand même un boulot et un salaire si sa boîte ferme, il pourra dénoncer ce qu’il se passe. On ne peut pas dissocier la sécurité industrielle de la question de l’emploi et des licenciements. Voilà des mesures qui peuvent être prises dès maintenant, sans attendre la grande révolution.

Imaginons que vous arriviez au pouvoir à Rouen, ça ressemblerait à quoi une démocratie des ouvriers avec vous ?
Ça ne se ferait pas dans un ciel serein, parce que notre victoire signifierait que ce que nous avons vécu avec les Gilets jaunes ou la réforme des retraites serait multiplié par 10 ou 20. Si on se retrouvait avec une majorité à Rouen pour voter pour nos idées, cela voudrait dire qu’on aurait une mobilisation dans la rue, les usines, les quartiers sur laquelle nous pourrions nous appuyer. Cela voudrait dire que cette démocratie sociale serait déjà là. Quand on en sera là, ils ne nous feront plus voter, par peur. Il faudra d’énormes mobilisations.

Vous n’avez pas de programme local…
C’est facile d’avoir un programme, de mettre des espaces verts, de dire « Je vais réenchanter Rouen ». Moi tout seul, avec mes petits bras, je vais réenchanter Rouen ? Ils ne feront rien du tout, parce que la crise va arriver, il va y avoir des licenciements. Il sera où le réenchantement ? Nous, nous ne faisons pas ces promesses. Notre programme local, c’est d’être les yeux et la voix des travailleurs dans le conseil municipal. Nous ne serions pas des Zorro qui ferions à la place des gens. Ça parait court comme programme, mais ça s’applique à tout : le transport, la sécurité, le propreté. On ne décide pas, on n’est pas plus malin que les autres. La mairie devrait être la maison du peuple, l’organe de soutien pour ceux qui sont en lutte, même si c’est illégal, quitte à perdre notre poste.

« Les capitalistes ruinent nos vies et notre planète »

Quelles seraient les premières mesures de ce monde merveilleux où vous seriez élu maire ?
Nous sommes encore loin du monde merveilleux. Pour moi, le monde merveilleux, c’est un monde où il n’y a plus de classes sociales, plus de frontières, plus d’argent, plus d’État. Ce que je dis là, des camarades le font en Espagne, en Haïti, en Côte d’Ivoire…

Projetons-nous tout de même : quelles décisions prendrait cette municipalité de lutte que vous incarneriez ?
(Long silence) Dans les municipalités comme dans le reste, c’est le contrôle de la classe ouvrière. Dans les conseils d’administration comme dans les municipalités, donner le maximum de contrôle à la population sur tous les aspects. On veut renverser le secret bancaire, le secret commercial. Des entreprises prennent le pognon des collectivités et licencient quand même. L’année dernière, on a perdu 1 000 emplois à Renault et Renault palpe, de la Région, de la ville d’Elbeuf, une ville pauvre qui a besoin d’argent. C’est abject.

Pourquoi ne pas avoir décidé d’une alliance avec des forces politiques aux valeurs proches, pour augmenter vos chances de succès ?
Notre objectif, c’est la révolution. On ne se bat pas pour avoir un fauteuil au conseil municipal, on se bat pour des idées et changer cette société. Ceci dit, avec le NPA, nous avons discuté au niveau national et très sérieusement, on s’est dit que peut-être nous pourrions faire quelque chose ensemble. Mais notre but est de lever de la façon la plus claire qu’il soit, ce drapeau du communisme révolutionnaire. On ne s’est pas mis d’accord là-dessus. Au niveau national, ils préfèrent entreprendre des alliances avec des gens qui pensent qu’on peut faire mieux dans cette société capitaliste. On ne croit pas cela. Je veux lever le drapeau. On me dit souvent que nous voulons la lutte des classes. Mais je ne la veux pas, je la constate. Les capitalistes nous tapent dessus, ruinent nos vies et notre planète. Il faut en prendre conscience pour se défendre.

« Quand la mayonnaise va prendre, là-haut, ils vont danser »

En 2014, vous aviez fait 1 % des voix. Comment faire campagne quand les frais sont remboursés par l’État à partir de 5 % ?
Cela veut dire qu’il faut trouver autour de nous de l’argent pour faire campagne. 

Mais c’est forcément de l’argent « perdu »…
Perdu… Ça nous sert à faire des affiches, à parler, à trouver des gens. Ce n’est pas ce que j’appelle de l’argent perdu. L’argent de mes impôts qui vont directement dans la poche de Renault en subvention, ça c’est de l’argent perdu. De toute façon, nous sommes contre la subvention par l’État des partis politiques. C’est à chacun de se payer ses campagnes.

Donc ceux qui ont le plus d’argent font une belle campagne et les autres…
Pour le débat de France 3 [diffusé mercredi 11 mars 2020, NDLR], nous ne sommes pas invités ! On nous dit que c’est parce qu’on est trop nombreux. À Dieppe, il y a cinq candidats, le seul qui n’est pas invité c’est Lutte Ouvrière… Ce n’est plus une question d’argent, c’est une question d’entre-soi. On trouve les gens avec notre journal, nos affiches, nos tracts, en faisant du porte-à-porte, ce n’est pas une question de moyens. Je ne suis pas pour que l’argent de mes impôts aille à des gens qui sont mes ennemis. On n’a rien à cacher sur la provenance de notre argent.

Ça ne vous désespère pas de savoir que vous allez de nouveau peut-être faire 1 % des voix ?
Non. Ce qui me désespérerait… Comment dire ? J’ai commencé à 16 ans à militer. Je suis toujours là et Lutte Ouvrière est toujours là. Quand j’ai commencé à militer, des groupes qui se disaient de gauche révolutionnaire, on en avait tout le tour du ventre, des pro-maoïstes, des pro-albanais, des pro-chinois, etc. Ils ont tous disparu. Ceux qui ont voulu faire le choix de cacher leur drapeau révolutionnaire, voire même communiste — et je pense au PCF qui se disait encore communiste quand j’ai commencé — ont disparu.

Maintenant, il y a les Insoumis, les machins (sic) : à vouloir mettre leur étiquette dans leur poche et leurs idées avec, qui défend le communisme aujourd’hui ? Nous. Le NPA s’appelait auparavant la Ligue communiste révolutionnaire. Ils ont fait le choix de changer de nom parce que c’était trop dur à porter. Ils ne vont même pas avoir 30 listes en France, alors qu’ils étaient bien plus gros que nous. Ils disparaissent. Aujourd’hui, on peut adhérer au NPA en étant anti-communiste. Si nous n’existions pas, ceux qui sont en colère exprimeraient comment leurs idées ? Parce que ceux qui votent Marine Le Pen ne sont pas tous des gros racistes. Je vois des militants désespérés qui veulent arrêter, mais c’est en train de péter partout, le capitalisme s’effondre sur toute la planète, les glaciers fondent, moi ce n’est pas maintenant je que vais arrêter de militer. Quand la mayonnaise va prendre, là-haut, ils vont danser.

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