Le Dauphiné Libéré : “Je défends un programme de luttes”

C'est la benjamine des candidats. À 42 ans, la Drômoise Nathalie Arthaud sera-t-elle la "nouvelle Arlette" dont elle partage encore le bureau à la tête de Lutte Ouvrière ? Comme son aînée, elle veut faire cheminer des idées révolutionnaires. Elle enchaîne les meetings, usant encore et toujours du fameux "Travailleuses, travailleurs". Nous l'avons rencontrée mardi dernier à Seyssins (Isère).
Où se situe l'enjeu de ce scrutin pour vous ?
- Nous avons un programme à défendre pour les travailleurs et à les convaincre d'obtenir ce que les urnes ne leur donneront pas. Le vote ne permettra à personne d'avoir un smic à 1 700 euros, aucun gouvernement ne le donnera. N'attendez aucun messie, aucun sauveur suprême, il faudra aller l'arracher. On n'acceptera pas d'être pris à la gorge sans réagir.
Vous êtes professeur agrégée d'économie et ne parlez que de luttes...
- Ce n'est pas le fait d'être professeur ou pas. La croissance, même quand elle est très faible, n'empêche pas la croissance des profits et des grandes fortunes, l'enrichissement d'une minorité. La crise est payée par les travailleurs mais ceux qui dirigent l'économie s'en échappent au lieu d'assumer les conséquences de leurs actes. Et quand bien même il n'y aurait pas de croissance, nous disons qu'il faut aller chercher les profits accumulés et passés. S'il n'y a plus rien ? C'est bien que leur système est condamné et qu'il faut le renverser.
Il n'y aurait pas d'autre alternative au capitalisme que le communisme ?
- Oui, pour moi le problème dans l'économie capitaliste provient de ceux qui ne décident pas en fonction de ce qui est bon pour la société, mais qui sont toujours guidés par l'argent, la rapacité.
Même la régulation n'y changerait rien ?
- Non, pour réguler, il faut être maître. Or ce sont eux les rois qui ne mettent pas d'huile dans l'économie. Il n'y a pas d'autre solution que d'exproprier les grands groupes et les banques.
Quel regard portez-vous sur les mesures fiscales des autres candidats ?
- Hollande a sorti ses 75 %, c'est de la poudre aux yeux, lui-même dit que c'est symbolique. La justice fiscale, dans une société d'exploitation, serait au moins supprimer la TVA, l'impôt le plus injuste.
Par quoi remplacer la TVA si on l'abolit ?
- On la remplace par les revenus de l'exploitation des plus riches. La TVA, c'est 130 milliards face aux niches fiscales qui représentent 75 et les exonérations de l'ordre de 30 milliards... Par ailleurs, quand on passe sa journée à vendre son cerveau ou ses bras, on a son salaire et on devrait l'avoir entièrement, sans impôt (sous-entendu : sur le revenu).
Au vu des intentions de vote, n'auriez-vous pas gagné à rejoindre Jean-Luc Mélenchon ?
- On aurait surtout gagné le droit de nous taire et de faire passer nos idées sous la table. Il n'a pas les mêmes que nous. Lui l'insurrection citoyenne, nous la révolte et la révolution sociale. On veut renverser la domination de la bourgeoise.
Le concept de bourgeoisie n'est-il pas un peu... daté ?
- Ce n'est pas une invention des communistes, elle existe en chair et en os. Mme Bettencourt a déjà dans la poche 360 millions de dividendes de L'Oréal pour 2012, c'est 1 million par jour.
Des grandes familles ont des intérêts entrelacés et tiennent dans leur main la vie des entreprises et de millions de travailleurs. Et l'Europe dans tout ça?
- Nous avons des objectifs de lutte. Il faut des millions de femmes et d'hommes regroupés, je ne peux pas imaginer qu'un tel mouvement ne soit pas contagieux. Certes, ça ne l'est pas avec le mouvement actuel en Grèce. Mais, avant la grève de 1936 qui a saisi tout le pays, il y a eu une série de grèves et de manifestations manquées pendant cinq ans. Pour nous c'est la seule issue.
En matière d'avenir énergétique, quelle est la position de LO ?
- S'il y a une urgence c'est de sortir le nucléaire de l'emprise du profit. Areva et EDF sont capables de jouer aux apprenti-sorciers, de signer des contrats de sous-traitance avec le moins-disant. C'est grave et dangereux. Nous ne condamnons pas la technologie mais il faudrait exproprier ces groupes et les transformer en service public. Même pour démanteler les centrales, il ne faut pas leur faire confiance.
Vous prônez la suppression de l'armée permanente. Vous la remplacez par quoi ?
- Dans une société transformée, on peut faire que les relations sociales fonctionnent bien. Dans aucune famille il n'y a un policier et il y a pourtant une autorité.
La France n'interviendrait plus à l'étranger ?
- Alors là oui évidemment. C'est une politique impérialiste. Qui menace la France ? L'armée est présente pour imposer les intérêts des grands groupes en Libye ou en Côte d'Ivoire.
Quel score espérez-vous au premier tour ?
- On n'a pas de limites.
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Maryse SCHOON-GAYET et Jean-Benoît VIGNY
Photo DL / Christophe AGOSTINIS
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