Pour défendre notre vie, il faut s'attaquer à leurs profits

Editorial des bulletins d'entreprise
14/02/2011

Quelle est la famille ouvrière qui ne constate pas au fil du temps la dégradation de son pouvoir d'achat ? Même pour ceux qui ont conservé leur travail et dont la paie tombe tous les mois, avec le même salaire nominal, les fins de mois deviennent de plus en plus difficiles. S'il n'y a pas encore une inflation galopante, les prix augmentent insidieusement ou brutalement, mais davantage en tout cas que les salaires qui sont de fait bloqués. Même lorsqu'un patron se fend d'une augmentation, elle tourne autour de 2 ou 3 % au maximum, mais plus souvent c'est du 0 %.

Et augmentent en particulier les prix de l'indispensable. Le logement où dans bien des cas le salaire d'un des deux membres d'un couple de travailleurs passe quasi intégralement. Encore faut-il que les deux aient un travail et un salaire ! Augmentent non seulement les prix de l'essence ou du fioul indispensables pour se déplacer, voire pour se chauffer, mais aussi de l'électricité et du gaz. Il en va de même pour la nourriture.

La situation est bien plus grave encore pour ceux qui ont perdu leur travail à la suite d'un licenciement et qui ont de moins en moins de chances d'en retrouver un. Il suffit de regarder autour de soi pour constater que la pauvreté monte inexorablement. Sans même parler de ceux qui sont privés de tout y compris d'un logement, combien sont ceux qui n'ont plus les moyens de se soigner correctement ? Pendant que le pouvoir d'achat des travailleurs baisse parce que le patronat bloque les salaires, l'État en rajoute. Oh, non pour compenser la perte de pouvoir d'achat mais, au contraire, pour l'aggraver : par le non-remboursement d'un nombre croissant de médicaments, par l'augmentation des frais des services hospitaliers !

C'est la crise, nous disent ceux qui nous gouvernent. Oui, c'est la crise d'un système économique débile. Mais les actionnaires ont toutes les raisons de se réjouir. Total annonce plus de 10 milliards d'euros de profit. Les deux grandes entreprises d'automobile de ce pays, Peugeot-Citroën et Renault qui, pendant les deux ans passés, ont crié « au secours » et que l'État a arrosées de prêts à bon marché et aidées avec les primes à la casse, annoncent aujourd'hui, la première, 1,13 milliard de profit, et la seconde, 3,5 milliards ! Les autres, de Michelin à L'Oréal, sont à l'avenant.

En réalité, si la crise n'en est pas une pour le grand capital, c'est précisément parce que c'en est une pour les classes exploitées. Ces travailleurs grâce à qui s'accumulent ces milliards encaissés par les actionnaires qui les gaspillent ensuite dans la spéculation. Les profits gigantesques des grandes entreprises viennent de la surexploitation du monde du travail, des salaires insuffisants, de l'usure accrue au travail. L'État participe à ce système de vases communicants qui ne communiquent que dans un sens pour drainer l'argent des pauvres vers les riches.

Les prélèvements de l'État, les économies sur les services publics sous prétexte de résorber la dette de l'État, sont destinés à compenser les milliards versés aux banques sous forme de cadeaux purs ou d'intérêts sur le dos des salariés.

La seule force capable d'arrêter cette machine infernale est un sursaut collectif du monde du travail. Le mouvement de septembre-octobre en a donné un avant-goût. Mais, pour faire peur au grand patronat, les manifestations ne suffisent pas en elles-mêmes, il faudra l'attaquer dans ce qu'il a de plus cher : ses profits. Il faut, en arrêtant la production, arrêter la pompe à profit. Et, à l'instar de cette génération qui avait fait les grandes grèves de 1936, il faudra occuper les usines afin que les patrons et les actionnaires se sentent menacés même dans la propriété de ce qu'ils considèrent comme leurs biens mais qui résultent du travail de tous et qui devraient être mis sous le contrôle de la collectivité.

Des deux catastrophes qui frappent le monde du travail découlent les deux objectifs vitaux qu'il nous faudra imposer :

Pour résorber le chômage : il faut interdire les licenciements et répartir le travail entre tous sans diminution de salaire ;

Pour stopper la chute du pouvoir d'achat : il faut l'augmentation générale des salaires, garantis contre l'inflation par leur indexation automatique sur les hausses de prix.

Nous ne sommes pas encore prêts pour l'imposer ? C'est incontestable, mais c'est la seule perspective pour le monde du travail s'il veut survivre.

Arlette LAGUILLER