De la crise à la Seconde Guerre mondiale13/04/19841984Cercle Léon Trotsky/medias/cltnumero/images/1984/04/6.jpg.484x700_q85_box-6%2C0%2C589%2C842_crop_detail.jpg

De la crise à la Seconde Guerre mondiale

Aujourd'hui, les historiens ouvertement défenseurs de la bourgeoisie présentent la Deuxième Guerre mondiale comme un conflit ayant opposé le camp de la démocratie à celui du fascisme, comme une croisade de la liberté contre la dictature.

En réalité, la guerre s'est imposée comme conséquence des rivalités inter-impérialistes dans un univers capitaliste où les rapports de force instaurés par l'issue de la guerre précédente avaient créé un déséquilibre explosif entre les impérialismes concurrents : les impérialismes pourvus et ceux qui ne l'étaient pas, ou qui l'étaient moins.

L'univers impérialiste des années vingt, c'était une foire d'empoigne généralisée entre tous les impérialismes, petits et grands.

Là-dessus, la crise économique est venue tout aggraver, tout accélérer, et à partir de 1929 c'est une nouvelle marche à la guerre que le monde a connue.

C'est l'histoire de ces événements, de ces enchaînements de causes et d'effets que nous voulons raconter ici, une histoire qui a entraîné dans la guerre l'Extrême-Orient, puis l'Europe, par vagues successives, jusqu'à devenir un carnage à l'échelle mondiale en 1941.

La crise, conséquence elle-même du fonctionnement capitaliste et de la course anarchique au profit, a été le grand révélateur des contradictions impérialistes, mais celles-ci n'étaient pas nouvelles, certes, et les résultats de la Première Guerre mondiale n'avaient rien réglé.

Depuis le développement considérable du capitalisme industriel, les bourgeoisies des pays industrialisés étaient parties à la conquête coloniale du monde, dans les années 1880, en ordre dispersé et dans une concurrence effrénée les unes avec les autres. La course aux colonies, aux sphères d'influences, avait opéré une sélection parmi elles, et l'Angleterre était largement en tête, suivie de loin par l'impérialisme français. Des outsiders qui avaient pris un départ tardif, l'Allemagne, le Japon, se faisaient menaçants, tandis que des concurrents plus faibles et moins bien placés comme l'Italie cherchaient aussi à tout prix à figurer à l'arrivée.

Le plus grand rival de l'impérialisme britannique devait être finalement les États-Unis d'Amérique, mais bien plus tard. Au début du siècle, ils comptaient encore peu.

Les premières attaques émanèrent en fait de l'Allemagne. Venu tard dans un monde impérialiste déjà vieux, où il ne restait à la veille de la guerre pratiquement plus rien à partager, l'impérialisme allemand essaya sans succès, de 1914 à 1918, d'imposer un repartage du monde en sa faveur. La lutte fut serrée, mais le nouveau venu en sortit vaincu.

Les dirigeants des impérialismes français et anglais qui avaient fait front contre lui avaient été renforcés de manière décisive par l'appui économique des États-Unis, puis par leur participation à la guerre. Il ne fut donc pas permis à l'impérialisme allemand d'imposer sa domination. Ses vainqueurs allaient lui faire payer chèrement cette défaite.

Le monde issu des traités de 1919

L'impérialisme, allemand y perdit non seulement ses colonies, France et Angleterre s'en attribuant l'essentiel, mais il y perdit aussi un septième de son propre territoire, avec un dixième de sa population.

En particulier, la Conférence de la Paix ayant décidé la reconstitution de la Pologne, l'Allemagne dut abandonner certaines régions afin de donner à la Pologne un accès à la mer : c'est ce qu'on a appelé le « corridor », qui coupait la Prusse orientale du reste de l'Allemagne. On reparlerait de ce corridor, de même que du port de Dantzig constitué en ville libre.

Comme les vainqueurs annexent toujours le bon droit de leur côté, ils déclarèrent l'Allemagne coupable et la taxèrent d'énormes réparations de guerre.

Ils lui interdirent de réarmer, lui imposèrent de renoncer à son aviation, de ne posséder qu'une marine faible, avec des bâtiments de guerre ne dépassant pas 10 000 tonnes notamment, et réduisirent son année à 100 000 hommes, soit une armée incapable de menacer leur puissance, mais indispensable à ce que les dirigeants bourgeois, qui savent faire preuve de compréhension entre eux, appellent « le maintien de l'ordre ».

Le Traité de Versailles de 1919 qui consacrait de cette façon la dure loi du plus fort, avait les apparences d'un Traité de Paix. Il portait le nom de Traité de Paix. Mais ce n'en était certes pas un. C'était un diktat pur et simple, qui étranglait l'impérialisme allemand.

Les hommes politiques allemands l'acceptèrent puisqu'il leur était imposé par la force, mais ils ne renonçaient nullement, à terme, à récupérer pour leur impérialisme l'espace et les richesses nécessaires à son expansion. Ces objectifs ne furent pas l'exclusivité de Hitler. En témoignent par exemple ces propos de l'homme d'État Stresemann (considéré par les historiens comme l'exemple même du « bon Allemand » respectueux des traités), propos qui n'étaient pas destinés à la consommation publique : « A mon avis, la politique étrangère de l'Allemagne a, pour le prochain avenir, trois grands buts. D'abord, la solution de la question rhénane dans un sens tolérable pour l'Allemagne... En second lieu, la protection des 10 à 12 millions d'Allemands qui vivent maintenant sous le joug étranger. Troisièmement, la rectification de nos frontières orientales, reprise de Dantzig, du corridor polonais... A plus longue échéance, rattachement de l'Autriche à l'Allemagne. »

Autre victime en Europe de la victoire des Alliés : l'empire d'Autriche-Hongrie, qui avait guerroyé dans le même camp que l'Allemagne de Guillaume II. Cette double monarchie, allemande et magyare, ne maintenait qu'une apparence de cohésion entre des populations très diverses, slaves pour la moitié du total. C'est au nom des peuples à disposer d'eux-mêmes qu'elle fut démembrée. Mais le véritable charcutage que consacrèrent les traités de Neuilly, Saint-Germain et Trianon, ne tenait guère compte des frontières ethniques et linguistiques. On aboutit à une myriade d'États, plus ou moins viables sur le plan économique et humain, dressés les uns contre les autres par toutes sortes de rivalités et de litiges territoriaux et frontaliers. A leur échelle, minuscule, les États de l'Europe centrale et balkanique n'allaient pas tarder à imiter les « grands » impérialismes : ceux d'entre eux qui étaient à peu près satisfaits de la nouvelle situation, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, formèrent la Petite Entente, appuyée par la France, tandis que la Hongrie, qui s'estimait lésée, fut révisionniste par rapport aux traités.

Les objectifs impérialistes de la guerre avaient été un repartage du monde. Et le monde fut effectivement repartagé, pas seulement l'Europe. Les dirigeants turcs, qui n'avaient pas fait le bon choix, virent démembrer leur empire. Au Moyen-Orient, on créa ainsi des États plus ou moins artificiels, dont les rivalités allaient servir les intrigues et les manoeuvres de leurs protecteurs impérialistes ex-alliés mais néanmoins rivaux, français et anglais.

Tous les impérialistes vainqueurs ne bénéficièrent d'ailleurs pas de la même manière du partage du butin.

L'Italie s'était rangée dans le camp des Alliés contre les Empires Centraux, au printemps 1915, au terme d'un long marchandage destiné à évaluer ce qu'elle aurait à gagner dans l'un ou l'autre cas. L'impérialisme italien ne s'en trouva guère récompensé. Le Président des États-Unis, Wilson, qui en plusieurs occasions imposa ses vues lors de la conclusion des traités de paix, n'avait rien à faire, bien entendu, des engagements secrets que la France et l'Angleterre avaient pris pendant la guerre pour arracher l'alliance de l'Italie, et celIe-ci n'eut pas droit à la prépondérance qu'elle souhaitait dans l'Adriatique.

Le cas du Japon est moins connu, mais, aussi frappant. En 1917, il avait contracté une alliance militaire et navale avec la Grande-Bretagne. C'était surtout, pour lui, le moyen d'être associé au partage du gâteau à la fin de la guerre, et, il n'opéra d'ailleurs contre les intérêts allemands qu'en Extrême-Orient.

Le Japon avait d'autant plus espéré que sa participation à la guerre de 1914-1918 lui permettrait d'agrandir son empire naissant qu'il avait obtenu de la part de la France et de l'Angleterre des promesses secrètes sur la Chine. Ces puissances n'étaient jamais avares de promesses sur le dos de leurs rivales comme sur le dos des peuples concernés.

Et effectivement, on commença par accorder au Japon les ex-droits allemands en Chine.

Mais dans le Pacifique, l'impérialisme japonais entrait en concurrence en particulier avec l'impérialisme américain. Lors d'une conférence à Washington en 1921-I922 le Japon se heurta à un front commun provisoire des impérialistes anglo-américains.

On lui imposa la limitation de ses forces navales d'une part, et d'autre part, il dut évacuer la Sibérie et surtout la province chinoise du Chantoung, en restituant à la Chine les possessions ex-allemandes.

Alors que l'impérialisme japonais sortait renforcé de la guerre au point de vue de sa puissance industrielle, accrue de 80 % entre 1913 et 1920, il se voyait confisquer la plupart de ses conquêtes par ses puissants collègues, et n'avait toujours pratiquement pas d'empire colonial. C'était pour lui une défaite majeure, sur laquelle il n'allait pas rester.

Malgré quatre années de guerre, malgré des millions de morts, le monde des années vingt repartait de plus belle dans le cadre de l'impérialisme pour les luttes d'influence qui avaient été à l'origine de la catastrophe. L'étranglement imposé à la puissance allemande vaincue était gros de risques d'une nouvelle conflagration, de même l'étouffement de l'impérialisme japonais à l'étroit dans ses îles. Mais dans les années vingt, ce qui dominait la scène, c'était surtout la rivalité entre les deux aspirants anglo-saxons à la domination mondiale. L'Angleterre essayait encore de jouer le rôle directeur sur la scène mondiale, mais la guerre avait mis à nu les nouveaux rapports de force. Et elle était en train d'être surclassée par les États-Unis.

C'est le président américain Wilson en personne qui avait patronné le Traité de Versailles en 1919 avec Clémenceau pour la France, et Lloyd George pour l'Angleterre. On le présente souvent comme un idéaliste à la recherche de la paix universelle. A titre d'anecdote, indiquons ce qu'il écrivait dès 1917 dans une lettre à un de ses proches collaborateurs : « La France et l'Angleterre n'ont pas sur la paix les mêmes vues que nous, et de loin ; quand la guerre sera finie, nous pouvons les amener à notre façon de penser, car, à ce moment-là, entre autres choses, elles seront financièrement entre nos mains. »

Clémenceau avait dit de Wilson : « Il parle comme Jésus-Christ, mais il agit comme Lloyd George ». La suite allait montrer que les dirigeants de l'impérialisme américain agissaient avec des moyens bien plus puissants que Lloyd George... et Jésus-Christ.

Dès 1922, la Grande-Bretagne, l'ex-reine des mers, fut contrainte, et c'est tout un symbole, d'accepter un accord de parité pour sa puissance navale avec les États-unis. Ce qui signifiait qu'elle renonçait formellement à son ancienne hégémonie sur les mers du globe, déjà perdue dans les faits.

La domination de l'impérialisme américain était devenue écrasante. Fournisseur et banquier de l'Europe depuis 1914, il commençait à supplanter les vieilles métropoles impérialistes déclinantes, non seulement en Extrême-Orient, mais aussi dans le Moyen-Orient où l'odeur du pétrole l'attirait lui aussi ; et également et surtout dans tout le reste du continent américain où il commençait à se constituer son domaine réservé.

Comme le disait le banquier américain Kahn : « En 1929, nous voulions brasser le monde entier ( .. ) nous voulions être le centre monétaire du monde ; nous voulions être le plus grand pays industriel, le plus grand exportateur, le plus grand prêteur... ».

En Europe, l'impérialisme américain faisait des affaires prospères en profitant de la situation critique de l'Allemagne pour essayer d'amener l'impérialisme allemand dans son orbite, à grands coups de capitaux et de prêts. Il mit sur pied des plans pour cela entre 1923 et 1929. Des hommes d'affaires américains sollicitaient en Europe tous les emprunteurs possibles, les États, les villes et les villages, avec une véritable frénésie. Par exemple, un village de Bavière qui désirait 125 000 dollars se vit convaincre par les courtiers d'accepter un prêt de... 3 millions de dollars. Quand les dirigeants politiques préconisaient l'aide au redressement de l'Allemagne, voilà concrètement ce que cela voulait dire pour le Big Business !

Du même coup, les États-Unis étaient hostiles au paiement des réparations par l'Allemagne. Ils proposaient allégements et moratoires et faisaient pression sur la France pour qu'elle cède là-dessus, tout en exigeant d'elle le paiement de ses dettes de guerre.

L'horizon de la France impérialiste était beaucoup plus limité. Elle avait aussi un empire colonial, mais beaucoup plus restreint que celui de l'Angleterre : 12 millions de km² contre 33 millions, 65 millions d'habitants contre 500 millions.

En fait, malgré sa supériorité apparente et bien qu'elle apparût après la guerre comme la principale puissance militaire en Europe, la France entrait en décadence. Il n'y avait plus de proportion entre son poids économique et sa position mondiale. Dans l'immédiat, elle voyait avant tout dans l'Allemagne une rivale à faire payer et les dirigeants français mirent un acharnement particulier, allant jusqu'à l'occupation militaire de la Ruhr en 1923, à exiger le paiement des réparations allemandes.

Mais si les relations inter-impérialistes de l'époque étaient, comme d'habitude, parfaitement sordides, on restait tout de même dans ces années 1920 dans le cadre des relations « normales », « pacifiques » entre États bourgeois. Seule l'Italie où Mussolini avait instauré sa dictature depuis 1922 faisait un peu figure d'exception. Le Duce exprimait ouvertement ses ambitions coloniales en Méditerranée, et menait une politique agressive dans la région, annexant Fiume, sur la côte yougoslave de l'Adriatique, Mais Mussolini restait prudent, il n'avait pas encore les moyens de ses ambitions.

Et les politiciens des années vingt déclamaient à Genève sur les perspectives du désarmement général et de la paix universelle. Le système dit de la sécurité collective était consacré par la Société des Nations, la SDN, que Lénine avait qualifiée de « repaire de brigands ». En principe, les négociations dans le cadre de cette institution devaient permettre de surmonter les rivalités nationales, et on devait appliquer des sanctions collectives aux éventuels récalcitrants qui se livreraient à des agressions. Il n'y eut jamais tant de pactes de non-agression et de traités d'amitié entre les États. Le ministre français Aristide Briand tonnait : « Arrière les fusils, les mitrailleuses, les canons ! Place à la conciliation, à l'arbitrage et à la paix. »

En 1929, la supercherie, le mythe d'une paix assurée collectivement par les puissances impérialistes, venait de connaître une sorte d'apothéose avec la signature par cinquante-quatre nations d'un pacte dit de renonciation générale à la guerre, pacte qui déclarait pompeusement la guerre « hors la loi ». Ce pacte était tout un symbole : il avait été patronné par Aristide Briand, qui était tout sauf un doux naïf, et par le secrétaire d'État américain Kellog qui, paraît-il, ne prononçait jamais le mot « pacifiste » sans l'assortir de qualificatifs injurieux...

Le Japon étranglé par la crise de 1929

C'est la crise économique déclenchée par le krach boursier du jeudi 24 octobre 1929 à New-York qui fit voler en éclats cette façade.

C'est à cause de cette crise que les problèmes et les contradictions inter-impérialistes sont devenus explosifs. Avec la crise, la concurrence entre les pays capitalistes ne se développait plus sur la base d'un marché mondial en expansion ; elle n'en devint que plus âpre. Et, contrairement à la France et à l'Angleterre, l'Allemagne en particulier n'avait pas d'empire colonial à pressurer.

En face des problèmes aggravés, en face de la montée prévisible du mécontentement des travailleurs et des troubles sociaux qui n'allaient pas manquer d'en découler, toutes les bourgeoisies ont eu - comme elles ont aujourd'hui - le même objectif fondamental : faire supporter le poids de la crise à la classe ouvrière. Dans les pays les plus touchés, le recours à des dictatures brutales s'est imposé à leurs yeux, mais il y a eu un renforcement général des pouvoirs exécutifs, le régime des décrets-lois s'est généralisé.

Et une autre conséquence de la crise, en ce qui concerne la marche vers la guerre, a été la politique de relance industrielle par les commandes d'État aux industries de guerre.

Les effets de la crise se sont fait sentir presque immédiatement au Japon, qui fut sévèrement touché.

L'industrie japonaise, mises à part les commandes pour l'armée qui avalaient un tiers du budget de l'État, était en grande partie tournée vers l'exportation, une exportation vitale pour pouvoir en échange se procurer les matières premières dont l'archipel est pauvre. Les produits japonais s'étaient largement répandus dans le monde, de sorte que lorsque, avec la crise, tous les pays se hérissèrent de barrières pour se protéger contre leurs bas prix, la situation devint catastrophique.

Le problème agraire japonais dû surtout au manque de terres, fut dramatiquement aggravé par la chute du prix du riz, qui ruina des milliers de petits fermiers. Ceux-ci furent d'ailleurs les principaux soutiens populaires de la politique expansionniste prônée par l'armée. A partir de 1930, les milieux d'affaires se tournèrent eux aussi de plus en plus vers la politique de conquête pour se procurer les matières premières nécessaires pour leurs usines.

En septembre 1931, un commando militaire japonais monta un attentat près de Moukden en Mandchourie, et cela servit de prétexte à la conquête de la moitié sud de la Mandchourie, au nom de la protection des biens japonais contre les terroristes chinois. A l'été de 1932, toute la Mandchourie était conquise et placée sous protectorat. Au début de 1933, les militaires annexaient là province chinoise voisine du Jehol.

Face à l'invasion de la Mandchourie et de la Chine du Nord, les autres impérialistes présents en Chine laissèrent faire et se bornèrent à une platonique condamnation du Japon par la Société des Nations. La France et la Grande-Bretagne n'avaient pas envie de réagir, elles pensaient pouvoir s'entendre à l'amiable avec lui. A cette époque, l'attitude des ÉtatsUnis vis-à-vis du Japon était devenue beaucoup plus souple qu'auparavant. Le responsable américain des affaires d'Extrême-Orient expliquait en 1933 que, dans cette affaire, « les États-Unis n'ont pas grand-chose à perdre... Peut-être nos idéaux concernant la paix mondiale risqueraient d'être égratignés... Mais du point de vue de nos intérêts matériels, il n'y a rien là de vital pour nous ». Dans les années trente, les investissements américains au Japon étaient deux fois supérieurs à ceux placés en Chine, et le commerce des USA avec le japon près de trois fois supérieur à leur commerce avec la Chine.

Les « idéaux » des politiciens américains « concernant la paix mondiale » n'allaient pas tarder à être égratignés ailleurs, en Europe.

La bourgeoisie allemande choisit le nazisme

En particulier devant la crise, quel était le problème de l'impérialisme allemand ?

Il était double : d'une part, comme tous les autres, il n'avait pas d'autre intention que de faire payer la crise à sa classe ouvrière afin de maintenir le taux de profit. Mais en outre, la révision du Traité de Versailles devenait plus que jamais à l'ordre du jour pour lui.

L'Allemagne en 1929 figurait comme deuxième puissance industrielle du monde derrière les États-Unis. La Première Guerre avait épargné ses installations et ses usines. Depuis 1924-1925, elle s'était considérablement redressée, et la bourgeoisie allemande pouvait envisager l'avenir avec un certain espoir. Mais ce redressement était précaire, car il tenait pour l'essentiel aux crédits et capitaux américains.

Or, l'impérialisme américain a fait payer sa crise en partie à la bourgeoisie allemande, en rapatriant massivement ses capitaux et en arrêtant les prêts. Dès la fin de 1930, le potentiel industriel allemand n'était plus utilisé qu'à 50 %.

Là-dessus, la faillite bancaire de l'été 1931 a précipité le pays dans la catastrophe.

En 1932, l'Allemagne comptait six millions de chômeurs, presque un salarié sur trois et les salaires réels avaient chuté d'à peu près un tiers par rapport à 1928.

Les classes moyennes déjà durement touchées antérieurement, par l'inflation en particulier, étaient précipitées dans la ruine.

La crise a entraîné la radicalisation de la petite-bourgeoisie, radicalisation qui s'est exprimée électoralement dans l'ascension spectaculaire du parti nazi, passé de 800 000 voix aux élections générales de 1928 à six millions et demi en 1930. Mais la crise a entraîné parallèlement une ,radicalisation de la classe ouvrière qui s'est traduite non seulement sur le plan électoral, le Parti Communiste gagnant de son côté plus d'un million de voix supplémentaires aux élections de 1930, mais également par une recrudescence des luttes grévistes.

Avec l'annonce du plan d'austérité du gouvernement von Papen en 1932, l'Allemagne fut secouée par une vague de grèves. Berlin fut paralysée par la grève des travailleurs des transports municipaux. Les affrontements, les meetings politiques, se multipliaient.

Aux yeux de la bourgeoisie, la situation devenait intolérablement dangereuse. A ce moment-là, les derniers soubresauts de la tourmente révolutionnaire de l'après-guerre ne remontaient pas à dix ans en arrière. C'est dire si les souvenirs étaient encore frais. La crainte du prolétariat et de la révolution se remit à dominer les esprits dans la bourgeoisie et le patronat.

C'est alors que le grand patronat allemand s'est décidé à financer sérieusement les nazis comme organisation anti-ouvrière. Quelques grands patrons l'avaient fait à titre individuel antérieurement, mais c'est à ce moment-là, à partir de 1930, que les choix décisifs se firent au sein des cercles dirigeants du grand capital allemand.

En présence du bouleversement général de toute la société, la mini armée allemande de l'époque n'aurait peut-être pas fait le poids. Il y avait de gros risques à ne compter que sur elle.

En finançant les nazis, les cercles dirigeants du grand capital allemand choisissaient donc d'utiliser les moyens sociaux et politiques créés par la crise, en particulier la radicalisation désespérée de la petite bourgeoisie, d'abord pour briser la classe ouvrière, et puis pour militariser l'ensemble de la population et de la société, en vue d'une politique de force pour un repartage du monde.

Hitler se trouvait en position de mener cette politique du capital financier, et dès janvier 1933, la signification de son avènement comme chancelier, par des voies légales du point de vue de la légalité bourgeoise, avec l'acquiescement des cercles dirigeants et de l'armée, incluait la perspective de la guerre. C'est pourquoi l'année 1933 fut une année décisive dans la marche à la nouvelle guerre mondiale.

Concrètement, cette marche a connu des étapes. Jusqu'en 1936, le régime nazi a procédé très prudemment. Il a commencé par instaurer une dictature féroce, on le sait, mais tout en faisant des déclarations d'intentions pacifiques, à l'extérieur. L'Allemagne ne voulait pas la guerre, disait-il, ce serait, selon ses propos, « une folie sans limite », elle « causerait l'effondrement de l'ordre social et politique actuel », etc.

Les « démocraties » favorables à Hitler... Mussolini hostile

Il s'agissait pour Hitler de se débarrasser progressivement des chaînes de Versailles sans risquer la guerre prématurément, avant que l'Allemagne soit réarmée.

Hitler avança donc à petits pas, en tâtant à chaque fois le terrain du côté de ses adversaires.

Il ne partait pas tout à fait de zéro. Bien avant 1933, les industriels allemands avaient mis au point une série de subterfuges et tournaient les clauses de désarmement de Versailles. Par exemple, Krupp faisait fabriquer en Suède, où il avait envoyé une équipe, son canon de 88 mm.

Mais cela ne pouvait se faire en grand. Or, la politique de réarmement des nazis ne devait pas répondre seulement aux impératifs capitalistes de profit et de relance de l'industrie exacerbés par la crise - bien que naturellement elle ait satisfait les intérêts des Krupp et IG Farben. Elle correspondait, en plus, à la volonté de bâtir l'instrument militaire d'un repartage du monde.

En guise de préalable, Hitler commença par lancer un avertissement en mars 1933 : il voulait l'égalité de traitement avec les autres nations sur le plan des armements. Faute de quoi, il préférerait se retirer de la conférence du désarmement et de la Société des Nations. C'est ce qu'il fit en octobre 1933.

Parallèlement, Hitler accélérait les mesures de réarmement en cours. Mais il exigeait le secret : par exemple, on baptisait grand tracteur et tracteur léger ce qui était des chars armés de canons de 75 et de 37 mm.

C'est pendant ces années de réarmement secret que furent étudiés les bombardiers Stukas et le chasseur Messerschmitt 109 qui allaient, quelques années plus tard, semer la terreur, de Guernica à Varsovie... pour commencer.

Un ordre du général Keitel précisait à ses collègues : « Aucun document ne doit être égaré, car la propagande ennemie ne manquerait pas d'en faire usage. Les faits communiqués de vive-voix ne laissent subsister aucune preuve, aussi peuvent- ils être niés ».

Le retrait de l'Allemagne de la Société des Nations était donc un premier pas soigneusement calculé. Néanmoins, aux yeux des autres bourgeoisies, Monsieur Hitler était tout à fait fréquentable alors.

Il avait mis au pas la classe ouvrière allemande qui, avec sa puissance, sa combativité, sa politisation, avait été la hantise de tous les possédants pendant des années.

Les bourgeoisies des autres pays ne tenaient pas du tout à voir se préciser à nouveau un risque révolutionnaire en Allemagne. Il leur semblait bien que les nazis réussissaient à éliminer ce risque. A leurs yeux, l'oeuvre de Hitler à cet égard était tout à fait remarquable.

Du coup, ils n'allaient pas faire la fine bouche devant ses initiatives sur la scène de l'Europe.

Les dirigeants américains, en particulier, n'avaient aucune raison finalement de s'opposer à sa remise en cause du Traité de Versailles. A la même époque, le président américain Roosevelt disait d'ailleurs de Mussolini : « Je suis très intéressé et profondément impressionné par ce qu'il a accompli, et par son but évidemment honnête de restaurer l'Italie et d'empêcher des troubles généraux en Europe ». Empêcher des troubles généraux en Europe : voilà l'utilité de Hitler et de Mussolini pour la bourgeoisie, toutes les bourgeoisies.

Puisque le régime nazi revendiquait de réviser le diktat de Versailles, l'Angleterre et la France essayèrent simplement de contourner le problème au moyen d'arrangements et de marchandages diplomatiques. C'est ainsi qu'elles se réunirent à Rome en juin 1933, avec l'Allemagne et l'Italie, et signèrent ensemble un « Pacte à Quatre », les quatre grandes puissances européennes, prévoyant « que les parties prenantes se concerteraient sur tous les sujets de nature à troubler leurs relations et à menacer la paix ».

Longtemps, bien longtemps après, on a raconté que les grandes puissances démocratiques se sont dressées contre les dictatures de Hitler et de Mussolini au nom de la liberté et de l'anti-fascisme.

Mais c'est le dictateur polonais Pilsudsky qui, en face de la menace, proposa à la France en 1933 une guerre préventive contre Hitler.

Et c'est du côté de l'Italie fasciste et de la Hongrie fascisante de Horthy, que l'opposition à Hitler s'est activement manifestée d'abord.

Mussolini et Horthy n'étaient certes pas mûs par des considérations idéologiques, mais il se trouve qu'ils étaient en fait directement menacés par l'expansionnisme en puissance du Reich hitlérien sur le champ de l'Europe centrale. Depuis 1925, Mussolini déclarait qu'il ne pourrait « jamais tolérer celle patente violation des traités que constituerait l'annexion de l'Autriche à l'Allemagne ».

Si peu favorables étaient les sentiments du dictateur italien envers Hitler qu'il évoqua, lui aussi, dans son journal le Popolo d'Italia en mai 1934, la possiblité d'une guerre préventive contre... Hitler.

Aussi, lorsque les nazi autrichiens tentèrent un putsch en juillet 1934, assassinant au passage le chancelier Dollfüss, et faisant planer la menace d'un rattachement de l'Autriche au Reich, Mussolini réagit militairement en envoyant quatre divisions au col du Brenner.

Ce qui est devenu le camp de l'Axe n'était pas évident d'emblée, c'est le moins que l'on puisse dire.

D'un autre côté, Hitler avait pu constater que le Japon, continuant à s'avancer dans le Nord de la Chine, ne se voyait opposer aucune sanction. Et il avait pu lui-même signifier impunément le retrait de l'Allemagne de la Société des Nations.

Conclusion : il pouvait faire un nouveau pas en avant.

1935, la mise sur pied de la Wehrmacht

Le 16 mars 1935, Hitler dénonçait officiellement les clauses de désarmement du Traité de Versailles, et annonçait que l'Allemagne ne prendrait plus désormais en considération les restrictions concernant sa défense. Il entreprenait de mettre sur pied la Wehrmacht, à la place de la Reichswehr, qui était d'ailleurs déjà passée de 100 000 à 300 000 hommes depuis quelques mois.

Bousculant les hésitations de ses propres généraux, il annonçait pour objectif la mise sur pied de 36 divisions, ce qui paraissait énorme en face des 30 de la France. Et Hitler réintroduisait le service militaire obligatoire. C'était bel et bien la course à la guerre que Hitler annonçait ainsi.

Quelles furent les réactions ? D'une part Mussolini essaya de s'entendre avec l'Angleterre et la France et de former un front commun.

Ces trois puissances se rencontrèrent pour un pacte - un de plus - qui fut jugé important sur le moment. Cela se passa à Stresa, en Italie, en avril 1935. Ce fameux « front de Stresa » s'accordait en principe pour condamner toute remise en cause des Traités et du statut territorial en Europe.

Mais dès le mois de juin, la Grande-Bretagne, réservée à l'égard des prétentions de Mussolini, reprit des négociations, cette fois avec l'Allemagne, négociations secrètes et unilatérales en vue d'un accord qui aboutissait à autoriser le réarmement naval du Reich.

De son côté, Staline avait commencé à s'inquiéter de Hitler à partir de 1931 et il avait fait des travaux d'approche à l'intention des puissances occidentales en entrant à la Société des Nations en septembre.

La politique de la bureaucratie stalinienne, dominée par le souci du statu quo, était incapable d'initiative indépendante. Elle se bornait à réagir au coup par coup en fonction des événements et des menaces extérieures.

Or, l'URSS était directement visée par les ambitions hitlériennes.

La parade à la menace de l'agression allemande, Staline se mit à la chercher du côté de l'alliance diplomatique et de l'entente avec les impérialismes repus. Sa monnaie d'échange consista à mettre les Partis Communistes au service de leur bourgeoisie respective.

Le 2 mai 1935, Staline signait ainsi, avec Pierre Laval pour la France, un pacte d'assistance militaire. Du coup, le PCF comprenait subitement les nécessités de la défense nationale de la France...

Si on peut faire le bilan du point de vue du régime nazi, à la fin de 1935, on constate que sur le plan territorial, il est encore resté prudent : il n'a récupéré que la Sarre, et cela s'est fait conformément à ce qui avait été prévu en 1919-1920, par un référendum dans la population sarroise au terme des 15 années de mandat confié à la France par la Société des Nations.

Cependant, à la fin de 1935, Hitler a repris son entière liberté en matière d'armement, contrairement aux Traités, sans que cela lui ait valu de représailles.

Et du point de vue interne, il a assuré son talon de fer sur la population. Le régime encadre celle-ci solidement, toute la vie sociale est militarisée.

A partir de cette date, toute l'économie est orientée en économie de guerre, sous la direction de Schacht, président de la Reichsbank, puis responsable gouvernemental pour l'économie de guerre : « La réalisation du programme d'armement avec rapidité et en quantité » déclara-t- il, « est LE problème de l'économie allemande, tout le reste doit donc être subordonné à ce but ».

Par rapport à 1933-1934, les dépenses d'armement s'étaient multipliées par 5 en 1936-1937. L'industrie d'armement fit alors un bond en avant considérable.

Bruits de bottes en en Rhénanie et en Ethiopie

La politique de Hitler allait elle aussi faire un bond, et pas seulement un petit pas cette fois, au printemps de 1936.

Le 7 mars en effet, juste un an après l'annonce officielle du réarmement de l'Allemagne, trois bataillons allemands franchissaient le Rhin, occupant la zone démilitarisée par le Traité de Versailles, zone que l'armée française avait évacuée par anticipation en 1930.

C'était un coup de bluff du point de vue des forces militaires allemandes. Les troupes allemandes avaient reçu l'ordre de repasser le Rhin au plus vite si elles rencontraient une réaction française. D'ailleurs, les chefs de l'armée allemande n'avaient pas été partisans de ce geste spectaculaire, c'est Hitler qui leur avait forcé la main.

Celui-ci aurait dit plus tard à ce sujet : « Les 48 heures qui ont suivi notre entrée en Rhénanie ont été les plus angoissantes de ma vie ».

Le gouvernement français, pourtant prévenu longtemps à l'avance de cette possibilité, ne réagit pas. A en croire la plupart des historiens, certains ministres français auraient été favorables à une réaction militaire, mais se seraient heurtés aux énormes difficultés invoquées par le haut commandement militaire.

En réalité, les généraux comme les ministres sont aux ordres des capitalistes et si, en 1936, l'armée française n'a pas bronché, c'est que la bourgeoisie n'y tenait pas.

D'une manière générale, pendant toute la période de 1933 à 1939, la France - de même que l'Angleterre d'ailleurs , et que les États-Unis - n'ont rien voulu faire qui eût risqué de déstabiliser l'Allemagne, comme on dit aujourd'hui.

Bien sûr, sur le fond, la France ou l'Angleterre n'avaient aucun intérêt à prendre le risque d'une guerre, contrairement à l'Allemagne. Elles ne pouvaient pas voir d'un bon oeil une éventuelle remise en cause du partage du monde qu'elles avaient imposé en 1919. Puissances nanties, pas trop affectées par la crise grâce à leur empire colonial, elles cherchaient surtout à défendre leurs possessions et se repliaient sur leurs positions. Elles voulaient le statu quo.

Mais en outre, dans l'immédiat, elles ne tenaient pas à prendre le moindre risque de déclencher des troubles dans une Allemagne où la classe ouvrière n'était réduite au silence que depuis trois ans.

Et l'idée même d'une intervention militaire en Rhénanie évoquait irrésistiblement l'intervention française de 1923 dans la Ruhr, avec toutes les répercussions déstabilisatrices qu'elle avait eues. L'ambassadeur François-Poncet rapporte à ce sujet que « le général Gamelin avait émis l'avis qu'une opération de guerre, même limitée, comportait des risques imprévisibles et que, par conséquent, elle ne pouvait être entreprise sans qu'il fut procédé à la mobilisation générale. » Diable ! Des risques imprévisibles assez considérables pour nécessiter la mobilisation générale en France ne devaient sûrement pas être suscités simplement par trois bataillons allemands...

La bourgeoisie n'aime pas jouer avec le feu révolutionnaire, et si les bourgeoisies française et anglaise étaient alors conciliantes vis-à-vis de Hitler, il y avait à cela des motivations précises. A savoir qu'elles préféraient avoir affaire à Hitler et ses revendications impérialistes, plutôt qu'à des troubles sociaux dont on ne sait d'avance sur quoi ils peuvent déboucher.

Hitler put donc remilitariser la rive gauche du Rhin sans coup férir. Cela renforça son prestige.

Et Hitler mit ce succès à profit. A l'intérieur, il lançait le plan économique de quatre ans pris en main par Goering. Le 17 décembre, celui-ci annonçait aux industriels et aux hauts fonctionnaires de Berlin : « La bataille que nous n'allons pas tarder à livrer exige une capacité de production colossale. Aucune limitation du réarmement ne peut être envisagée. Il n'y a d'autre perspective que la victoire ou la destruction ». Ce fut le réarmement à outrance, l'industrie d'armement résorbant entièrement le chômage, les industriels se pressant dans l'antichambre de Goering pour décrocher les commandes. Le plan visait à permettre à l'Allemagne de se suffire à elle-même, de sorte qu'un blocus en temps de guerre ne l'étouffât pas.

En ce début de l'année 1936 le bruit des bottes se faisait en effet entendre non seulement en Rhénanie, mais également en Ethiopie. Mussolini avait envoyé ses troupes depuis l'automne précédent pour essayer de conquérir ce malheureux pays qui se défendait comme il pouvait, en face des chars et des avions. L'agression italienne en Ethiopie ne fut pas une promenade militaire, pas une occupation sans heurts, ce fut une guerre atroce. Elle faisait peut-être encore figure de conquête coloniale d'un autre âge, pourtant elle annonçait la Deuxième Guerre mondiale, cette guerre lancée par un impérialisme frustré en quête de butin. La capitale, Addis-Abeba, tomba entre les mains du dictateur fasciste en mai 1936.

En face de cela, la France et la Grande-Bretagne ont eu une attitude ambiguë. Alors que Mussolini s'était cru encouragé à penser qu'elles n'interviendraient pas, elles ont fait prendre des sanctions dans le cadre de la Société des Nations. Ces sanctions n'ont guère eu d'efficacité cependant. Notamment les USA, n'en n'ayant cure, ont continué leurs livraisons de produits pétroliers à l'Italie.

1936: des occasions perdues par le prolétariat à la constitution de l'Axe

1936, c'est une date qui évoque pour nous la vague de grèves et d'occupations d'usines en France; et la vague de la révolution montante parmi les travailleurs espagnols.

Du point de vue de la marche à la guerre, ce fut en effet la dernière occasion qui aurait peut-être permis d'enrayer le processus. S'il y a des événements qui auraient pu changer le cours des choses, ce sont bien ceux de l'été 1936 en France et en Espagne.

Mais cette occasion a été perdue.

Par suite de la politique criminelle de la social-démocratie, avec l'appui de Staline, les travailleurs français se sont trouvés muselés et enchaînés à leur bourgeoisie. Les travailleurs espagnols, après avoir dans un premier temps tenu en échec le coup d'État franquiste et entamé une montée révolutionnaire dans les zones sous contrôle du gouvernement républicain, ont été frustrés des fruits possibles de cette contre-offensive par la politique des réformistes et des staliniens - et d'ailleurs aussi des anarchistes en l'occurrence. Ils se sont trouvés embarqués dans une guerre qui n'était pas la leur, qui n'était pas un combat de classe, mais une guerre opposant deux camps rivaux, aspirant tous deux à diriger l'Espagne au nom des intérêts de la bourgeoisie espagnole. Politiquement, c'est dans l'été 1936 que la classe ouvrière espagnole a été défaite.

L'échec de la révolution espagnole, puis la défaite du camp républicain, ont retenti bien au-delà de l'Espagne, et aggravé la démoralisation des travailleurs dans toute l'Europe. Parallèlement, le « péril rouge » s'éloignait pour l'ensemble de la bourgeoisie.

Et la marche à la guerre s'accélérait, sur le terrain même de l'Espagne.

Le régime nazi envoya des avions, des chars, de l'artillerie anti-aérienne en Espagne. Dans le cadre de la fameuse légion Condor, il y rôda non seulement son matériel, mais également la stratégie de son état-major et ses pilotes : Goering veillait à en envoyer un maximum par rotation, à titre de stage d'entraînement en grandeur réelle.

Mussolini, lui, avait surtout des hommes aux côtés de Franco. L'Ethiopie vaincue, il ambitionnait de récupérer des positions en Méditerranée à la faveur d'une victoire franquiste, en même temps qu'il entretenait le peuple italien dans l'ambiance de la guerre.

Hitler l'encourageait. Il voyait alors dans l'engagement italien en Espagne la possibilité d'introduire un coin entre Mussolini et la France, ce qui, venant après l'affaire des sanctions concernant l'attaque de l'Ethiopie, amènerait peut-être le Duce à se ranger dans son camp.

Ses calculs réussirent. Mussolini finit alors de lier son sort à celui du régime nazi. Il n'avait plus tellement d'autre choix que de se résigner aux appétits allemands sur l'Autriche. Mussolini aurait dit à Hitler vers cette époque qu'il était « las de monter la garde devant l'indépendance autrichienne ». L'existence d'un Axe commun entre Rome et Berlin fut proclamée officiellement le 1er novembre 1936. Ce camp acheva de se former lorsqu'on apprit au cours de ce même mois de novembre la signature entre le Japon et l'Allemagne d'un pacte ayant pour but de combattre le communisme et les Partis Communistes. D'où son nom de pacte « anti-Komintern ».

En fait, les dirigeants japonais se préparaient alors à utiliser la force pour s'ouvrir en grand les marchés chinois.. Ils n'entendaient plus se limiter à la Chine du Nord. Et cela n'avait rien à voir avec le communisme. Le gouvernement nationaliste de Chang-Kaï-Chek en était même l'ennemi juré. La Chine était cependant un gros morceau, d'autant plus gros que les intérêts impérialistes européens et américains étaient directement dans la place. C'est pourquoi le Japon était à la recherche d'alliés en Europe, et il trouva l'Allemagne nazie.

Le 26 juillet 1937, les troupes japonaises déclenchaient une nouvelle offensive. En 48 heures, elles s'emparaient de Pékin. Le 27 octobre, elles occupaient Changaï, et en octobre 1938, elles occupaient Canton, au sud de la Chine. Le gouvernement de Chang-Kaï-Chek se repliait dans l'arrière-pays à l'ouest. La guerre sino-japonaise allait durer sept ans.

Pendant toute cette conquête, les grandes puissances occidentales restèrent quasiment passives, voire même compréhensives pour le Japon. Ainsi en 1937, le gouvernement français avait accepté de bloquer l'acheminement par la ligne de chemin de fer indochinoise du matériel militaire destiné à Chang-Kaï-Chek. Pour la Grande-Bretagne, même le bombardement par les japonais d'une de ses canonnières en décembre 1937 ne fut pas cause de rupture.

Les États-Unis qui avaient eu aussi un navire de guerre coulé par les japonais le 12 décembre 1937, se bornèrent à se faire payer des réparations financières pour le navire et les hommes perdus. Même si le Japon commençait à marcher quelque peu sur leurs plates-bandes, tant que leurs possessions du Pacifique n'étaient pas menacées, un éventuel accord avec le Japon n'était pas à exclure.

Les États-Unis avaient d'ailleurs proclamé leur neutralité générale par une série de lois, depuis 1935.

Mais ni l'Angleterre, ni la France ne voulaient non plus de la guerre.

France : la décadence d'un impérialisme repu

La bourgeoisie française et la bourgeoisie anglaise vivaient sur leurs colonies. Elles se reposaient sur leurs chasses gardées. Et elles en tiraient suffisamment de profits pour, notamment, n'avoir guère le souci d'aller de l'avant et même de se moderniser. Il était tellement plus facile de surexploiter la main-d'oeuvre coloniale !

Et cette réalité économique et sociale allait se traduire sur le plan politique comme sur le plan militaire. Alors que les nazis mettaient sur pied une grande armée moderne puisque recréée à partir de zéro, la France en particulier en resta longtemps à l'armée de la Grande Guerre et à des conceptions dépassées.

La France a commencé à réarmer, c'est-à-dire à lancer des dépenses de constructions et matériels neufs, à partir de 1935.

Cela ne signifie pas, bien entendu, qu'elle n'avait pas de dépenses militaires auparavant. La fameuse ligne de fortifications, dite Ligne Maginot, qui devait verrouiller la frontière du Nord-Est, de Bâle à Longwy, avait été décidée en 1930 et elle mobilisa sur sept ans, des crédits considérables. Ce gouffre à milliards enrichit d'autant plus certains marchands de béton et d'acier, que les marchés avaient été passés en 1930 de gré à gré, sans appel à la concurrence.

La conception stratégique qu'il y avait derrière cette ligne Maginot reposait sur l'idée que la France, à l'abri du béton, pourrait tenir et faire durer, de sorte qu'elle vaincrait l'ennemi à l'usure.

Comment l'armée française, abritée derrière ses fortifications, porterait-elle secours en cas de besoin à ses alliés d'Europe Centrale ? Cela restait un point d'interrogation, mais l'histoire a répondu à la question : tout simplement elle ne le ferait pas.

Car la stratégie des militaires n'est en effet que le reflet des besoins des capitalistes. Or, les capitalistes français n'avaient pas besoin de la guerre. Ils n'avaient donc pas besoin de mettre au point de bonnes armes, des matériels modernes. Ce dont ils avaient besoin, en revanche, c'est de profits. Et ce n'est pas la même chose. Pour faire des profits, on peut produire n'importe quoi, à partir du moment où le chiffre d'affaires et les bénéfices y sont. Ceux-là, l'industrie française les a produits, même si on a fabriqué du matériel qui correspondait plus à la guerre précédente qu'à la guerre à venir.

A partir de 1935, chaque crise internationale, en réaction aux initiatives de Hitler, a fourni une occasion de passer des commandes aux industries travaillant directement ou indirectement pour la guerre. Ainsi, en mars 1935, après l'annonce officielle du réarmement allemand ; puis en mars 1936, après la remilitarisation de la rive gauche du Rhin ; puis en fin 1936 : le 24 août, l'Allemagne avait prolongé le service militaire à deux ans.

Le 6 septembre, Léon Blum, faisait à Luna-Park un grand discours pacifiste justifiant la non-intervention en Espagne ; le 7, en tant que chef du gouvernement, il lançait le premier programme de réarmement français important. Le gouvernement Blum rallongea même de 50 % les crédits demandés par l'État-Major lui-même.

Alors que de 1930-31 à 1934, la part de l'effort militaire dans le total des dépenses publiques était de 20 %, cette part passa à 30 % en 1937, année où entraient en application les décisions du gouvernement de Front Populaire.

Plus tard, et encore aujourd'hui, la droite rend le gouvernement Blum responsable de la défaite : les 40 heures auraient nui au réarmement.

C'est une noire injustice à l'égard du gouvernement Blum. C'est en somme la gauche au pouvoir qui a relancé l'effort militaire qu'elle condamnait auparavant !

Ainsi, la France a bel et bien réarmé, ou plus exactement, elle a dépensé des milliards en armements neufs, milliards qui sont allés dans les caisses patronales ; Des armements neufs, certes, mais pas spécialement modernes.

En 1940, les soldats français étaient munis du fusil Lebel, modèle 1886 ! Les blindés français connurent de nombreux problèmes de pannes d'essence, parce que leurs réservoirs étaient trop petits. La production d'avions n'entra en pleine activité qu'au printemps 1940, un peu tard en somme, d'autant plus que nombre d'avions ne purent être utilisés faute d'une ultime pièce, par exemple.

C'est qu'entre les décisions de financement gouvernementales et la production industrielle, il y a eu tout un décalage. Les structures industrielles étaient inadaptées et l'outillage pour le moins vétuste.

Par exemple, l'âge moyen des 55 000 machines-outils pour toute la France était de vingt ans, contre sept ans en Allemagne et trois ans aux États-Unis. 10 000 ouvriers français travaillaient dans l'industrie de la machine-outil : il y en avait le double... en Suisse, et sept fois plus en Allemagne.

Daladier déclara à la suite d'une visite des usines d'armement : « j'ai été stupéfait, lorsque j'ai visité un grand nombre de ces usines, de constater que, très souvent, le travail à la lime avait une importance plus considérable que le travail des machines ».

Le firme d'aéronautique Dewoitine qui a été nationalisée, ne disposait selon l'inventaire de la nationalisation, que de sept tours, trois fraiseuses et deux étaux-limeurs... Bref, l'industrie française était dépassée.

Et puis, les industriels français n'étaient pas chauds pour investir.

Devant une commission d'enquête, en 1949, le responsable général des fabrications d'armement devait déclarer que les fabrications militaires ne s'étaient développées, après le début de la guerre, qu' « au fur et à mesure que les industriels ont compris qu'il fallait fabriquer du matériel., car pendant longtemps, ils ont cru qu'il n'y aurait pas la guerre » .

En revanche, la machine de guerre allemande fonctionnait à plein rendement en 1937-1938. Les usines tournaient jour et nuit. La retirée des profits et la préparation à la guerre allaient, ici, de pair.

1938 : Munich, ou la paix sur le dos de la Tchécoslovaquie

Sur le plan politique, chaque fois que Hitler avait parié sur la passivité de la Grande-Bretagne et de la France, il avait gagné son pari. Il pouvait donc se permettre d'envisager maintenant l'annexion de l'Autriche.

La Grande-Bretagne avait formulé d'ultimes propositions pour tenter de détourner Hitler de ce projet. Puisque Hitler avait précédemment remis sur le tapis la question des anciennes colonies allemandes, la Grande-Bretagne parla colonies. Oh, il ne s'agissait pas pour les éminents représentants de l'impérialisme britannique de le satisfaire au moyen de leurs propres colonies. Ce qu'ils offraient à l'appétit de Hitler, en secret, c'était au détriment essentiellement des possessions belges et portugaises en Afrique ! Ils n'étaient pas chiches avec les biens de leurs collègues.

Mais Hitler voulait l'Autriche.

Le 12 mars 1938, les troupes allemandes franchissaient la frontière, et le 13, l'Autriche était intégrée au Reich. C'était la réalisation du fameux Anschluss que Mussolini avait redouté. Aucune puissance ne broncha, en dehors des condamnations aussi platoniques que rituelles. Encore une fois Hitler avait vu juste et bien calculé son coup.

D'autant plus qu'en commençant par l'Autriche il pouvait se donner dans une certaine mesure, l'apparence du bon droit. Certes, il réalisait cet Anschluss au profit du grand capital allemand. Mais historiquement, ethniquement, cela n'apparaissait pas tellement scandaleux. Une forte proportion de la population autrichienne s'était montrée favorable à son rattachement à l'Allemagne après 1918, y compris les sociaux-démocrates. En 1938, bien évidemment, les conditions étaient très différentes.

L'Autriche avalée, Hitler revendiqua les Sudètes, une région peuplée de plus de trois millions d'Allemands que le partage de 1919 avait attribuée à la Tchécoslovaquie.

Hitler se présentait donc en protecteur de ces populations allemandes, et il voulait rééditer le succès pacifique de l'Anschluss, d'autant qu'il avait à tenir compte d'une armée tchécoslovaque qui n'était pas une quantité négligeable. Quelle allait être la réaction de la France à propos de la Tchécoslovaquie qu'elle était censée protéger tout particulièrement ?

Le 12 septembre 1938, dans un discours à Nuremberg, Hitler réclamait pour les Sudètes « le droit à disposer deux-mêmes ». Deux jours plus tard, le premier ministre anglais, Chamberlain, rencontrait à Berchtesgaden le chancelier du Reich, et se déclarait d'accord sur le principe du détachement de la région des Sudètes.

Sur quoi, dirigeants anglais et français demandèrent aux Tchèques d'accepter une modification de leurs frontières. Devant les réticences du gouvernement tchèque, la France et l'Angleterre lui adressèrent alors un véritable ultimatum : s'il voulait résister, il ne serait pas soutenu...

Le 28 septembre, s'ouvrait la conférence de Munich, réunissant Hitler, les représentants de l'Angleterre, de la France et de l'Italie... mais pas ceux de la principale intéressée, la Tchécoslovaquie !

Dans la capitale bavaroise, Daladier pour la France, et Chamberlain pour l'Angleterre cédèrent peu à peu sur toute la ligne, et sur le dos de la Tchécoslovaquie.

Du côté de la gauche, du Parti Communiste en particulier, on dénonça le marchandage de Munich comme une capitulation, qui aurait été due au fait que la bourgeoisie et la droite étaient prêtes à se jeter dans les bras de Hitler par haine contre le Front Populaire. En fait, en 1938, à la date de Munich, le Front Populaire était déjà enterré et le patronat avait largement repris ce qu'il avait été contraint de lâcher en juin 36 sous la pression de la grève générale.

Par contre, si la bourgeoisie française voyait d'un mauvais oeil certaines revendications territoriales de Hitler, elle appréciait en lui le gendarme contre-révolutionnaire de l'Europe Centrale. Et cela n'est pas étranger à la « faiblesse » dont elle fit preuve envers lui.

Grâce à cette complicité de fait franco-anglaise, Hitler se renforçait politiquement. Par ses succès obtenus sans avoir eu à faire la guerre, il réalisait la « Grande Allemagne ». Au printemps de 1939, il commença à tâter le terrain pour aller de nouveau de l'avant. Cette fois, il s'en prit au reste de la Tchécoslovaquie, c'est-à-dire à des populations non allemandes, envahissant la Bohême-Moravie, occupant Prague, le 15 mars, et érigeant le territoire en protectorat. La Slovaquie autonome se déclarait indépendante... pour se placer sous la protection de l'armée allemande.

La Tchécoslovaquie était taillée en pièces. Et sur set dépouille, la Pologne - cette Pologne que l'on qualifierait quelques mois plus tard de « malheureuse Pologne », parce qu'elle serait à son tour la victime de Hitler - la Pologne et la Hongrie, chacune de son côté, sautant sur l'aubaine, arrachèrent aussi des bouts de territoires.

Quelques jours plus tard, le 22 mars 1939, à la suite d'un ultimatum, le gouvernement lithuanien cédait la ville de Memel et la région avoisinante à l'Allemagne.

Le 23, un accord économique signé entre l'Allemagne et la Roumanie cédait l'exploitation des gisements de pétrole roumains à des sociétés mixtes germano-roumaines.

A la fin du printemps de 1939, le régime hitlérien avait la mainmise sur les ressources d'une bonne partie de l'Europe centrale, les pays non (ou non encore) soumis militairement étant de toute façon dans la dépendance économique du Reich.

En passant, Mussolini, de son côté, en profitait pour s'attaquer à l'Albanie qu'il envahit le 7 avril 1939.

Staline éloigne la guerre avec l'Allemagne... sur le dos de la Pologne

De la même manière que les Allemands des Sudètes avaient servi de prétexte à Hitler pour s'en prendre à la Tchécoslovaquie, ceux de Dantzig et du « corridor » lui en fournirent un quand il tourna ses ambitions du côté de la Pologne.

Mais une. fois de plus, Hitler procéda prudemment. En s'en prenant à la Pologne, il risquait en effet à la fois une riposte de l'Angleterre et de la France, qui ne seraient peut-être pas aussi conciliantes qu'au moment du dépeçage de la Tchécoslovaquie, et une intervention de l'URSS qui n'apprécierait peut-être pas, si la Pologne était entièrement occupée par l'Allemagne, d'avoir l'Allemagne comme voisine immédiate, et la Wehrmacht à ses frontières.

Hitler tenta donc d'éliminer au moins l'un de ces deux risques, et il fit faire des travaux d'approche du côté de Staline, histoire d'examiner la possibilité d'un accord de ce côté-là.

Et le 23 août 1939, coup de théâtre : le monde apprenait la signature entre le Russe Molotov et l'Allemand von Ribbentrop d'un pacte de non-agression.

Aux yeux des commentateurs officiels, le pacte germano-soviétique fut une monstruosité, l'alliance avec Hitler étant un scandale, tandis que l'alliance avec les impérialismes anglo-franco-américain serait, elle, vertueuse et légitime.

Oui, en effet, ce fut un scandale. Mais un scandale avant tout pour les travailleurs, les militants des Partis Communistes de toute l'Europe, pour lesquels depuis quelque quatre ans l'anti-fascisme devait passer avant les luttes sociales.

Staline, en fait, agissait de la même manière que les impérialistes. La signature du pacte fut entourée de simagrées analogues à celles auxquelles se livrent les diplomates des puissances capitalistes dans ces cas-là, même si, à ce qu'on dit, les diplomates allemands ne s'y attendaient pas.

Ainsi, Staline porta un toast en l'honneur de Hitler : « Je sais combien la nation allemande aime son Führer ; j'aime donc boire à sa santé ».

Comme les impérialistes, il profita des circonstances pour se faire attribuer, au passage et par avance, une partie de la Pologne, en même temps qu'il faisait reconnaître ses intérêts sur la Lettonie, l'Esthonie et également sur la Bessarabie et la Bukovine, régions intégrées à la Roumanie depuis 1911 Le droit des peuples, Staline ne connaissait pas. Ni plus ni moins que les dirigeants impérialistes.

Un accord économique complétait l'accord de neutralité germano-soviétique engageant l'URSS à livrer à l'Allemagne une aide importante en prévision d'un éventuel blocus de la part du Royaume-Uni.

Le pacte germano-soviétique avait été signé le 23 août. Le 31, Hitler lançait un ultimatum à la Pologne exigeant la ville libre de Dantzig et l'organisation d'un plébiscite dans le « corridor ».

Le 1er septembre, les troupes allemandes entraient en Pologne. Le 3, l'Angleterre, puis la France se déclaraient en état de guerre avec le Reich.

L'Angleterre et la France déclarent la guerre à l'Allemagne... sans la faire

La perspective que Hitler s'était tracée de s'emparer de la Pologne sans que l'Angleterre et la France réagissent véritablement n'était cependant pas si fausse.

En apparence, la France et l'Angleterre s'étaient décidées à faire, en vertu de leur accord avec la Pologne, ce qu'elles n'avaient pas fait vis-à-vis de la Tchécoslovaquie. Officiellement, elles n'avaient pas donné leur aval à Hitler, elles refusaient d'accepter le fait accompli. Mais officiellement seulement. Dans la réalité, elle ne furent d'aucun secours pour la Pologne.

L'armée allemande conquit la Pologne en trois semaines à peine, écrasant une armée polonaise qui en était à envoyer une brigade de cavalerie contre les chars du général Guderian.

Le 17 septembre, les armées de Staline entraient à leur tour en Pologne. Celle-ci avait virtuellement cessé d'exister et le 18, les troupes russes faisaient leur jonction avec les troupes allemandes à Brest-Litovsk. Le but proclamé des deux compères était « de restaurer en Pologne la paix et l'ordre détruits par la désintégration de l'État polonais, et d'aider le peuple polonais à établir de nouvelles conditions pour sa vie politique ».

La Pologne, après l'Autriche et la Tchécoslovaquie, disparaissait de à case de l'Europe.

Hitler avait un but politique précis quand il donna cet ordre : « Les hommes capables de diriger en Pologne doivent être liquidés ». Il s'agissait de s'installer en territoire conquis, en terre de colonisation. Et le chef SS Heydrich informa le Haut-Commandement de l'armée de ce plan qui consistait, selon ses termes, à « nettoyer les Juifs, l'intelligentsia, le clergé et la noblesse polonais ».

Pendant ce temps, à l'Ouest, c'était la drôle de, guerre.

Durant toute la période de temps qui s'est écoulée entre la déclaration officielle de la guerre après l'invasion de la Pologne et le début des hostilités à l'Ouest, en avril 1940, pendant ces sept mois donc, l'armée française flanquée d'un corps expéditionnaire britannique, est restée l'arme au pied. Déclarer officiellement la guerre est une chose ; la mener réellement en est une autre.

Aucune contre-offensive en vue d'attaquer l'Allemagne sur son territoire pendant que le gros de ses forces était concentré en Pologne ; aucun bombardement même sur la Ruhr.

Sur cette période, les historiens français qui pleurent abondamment sur la « malheureuse Pologne », sont peu éloquents : il n'est jamais bon de montrer que la défense du droit des peuples souffre bien des atermoiements...

Bien évidemment, nous ne reprochons pas à l'impérialisme français de ne pas s'être montré assez belliqueux en septembre 1939, comme d'ailleurs durant toute cette période. Mais il faut bien voir que l'explication selon laquelle la France serait entrée en guerre pour secourir la Pologne, est une pure légende.

En tout cas, les officiers allemands eux-mêmes furent tout surpris de la passivité française : lors des procès de Nuremberg après la guerre, le général Keitel, grand chef de la Wehrmacht, déclara par exemple : « Nous, soldats, nous nous attendions toujours à une offensive de la France pendant la campagne de Pologne, et nous fûmes très surpris que rien ne se produisît... une attaque française n'aurait rencontré qu'une couverture. du côté allemand, pas une défense réelle. »

Le général Halder, qui était le chef du Grand État-Major de l'armée, affirma pour sa part : « Si les Français avaient vu la logique de la situation et avaient mis à profit l'engagement des forces allemandes en Pologne, ils auraient pu traverser le Rhin sans que nous puissions l'empêcher et ils auraient menacé la zone de la Ruhr, qui était pour l'Allemagne la facteur le plus décisif dans la conduite de la guerre ».

Cet attentisme de l'armée française était dans la logique de toute la politique précédente de la bourgeoisie française. Celle-ci n'avait finalement pas de raisons de faire la guerre pour la Pologne.

Et puis, peut-être Hitler allait-il faire fi de son pacte avec Staline et foncer, immédiatement après la Pologne, sur l'URSS ?

Enfin, il y avait une question en suspens, une question capitale : qu'allaient faire les États-Unis ?

Or, si c'était le commencement de la guerre en Europe, en revanche, pour les trusts américains, pour l'heure, c'était un vaste marché qui s'ouvrait. Il allait y avoir des affaires à faire. Comme l'avait dit un certain sénateur Dirksen : « Nous disons que nous voulons être neutres, mais nous voulons aussi une portion d'un commerce profitable ».

L'embargo sur les armes et le matériel à destination des pays belligérants, c'était bien gentil, mais les industriels américains n'allaient tout de même pas laisser passer une occasion pareille de s'enrichir, alors que les Européens étaient déjà en temps normal de gros clients.

Ainsi, le 4 novembre, la loi de neutralité était amendée afin d'éliminer cet embargo, tout en appliquant aux ventes les clauses dites « cash and carry », c'est-à-dire payez comptant et emportez vous-mêmes. Car il ne s'agissait pas de dire courir des risques à la marine marchande américaine.

En conséquence, les achats européens d'avions, de machines-outils, à partir de 1939 (ainsi d'ailleurs que leurs achats en ravitaillement) allaient puissamment aider à la relance économique aux États-Unis. On peut certes attendre et voir venir : cela n'empêche pas, n'est-ce pas, d'encaisser les dividendes de la puissance industrielle pendant ce temps !

Pendant l'hiver 1939-1940, Hitler « digéra » en quelque sorte la Pologne. Mais lorsque le printemps fut venu, c'est d'abord au Nord, et ensuite à l'Ouest, qu'il tourna son armée.

En avril 1940, Hitler lança des troupes contre le Danemark, qui fut conquis en un jour. Puis, il s'en prit à la Norvège, où il tenait à contrôler en particulier le port de Narvik par lequel était acheminé le minerai de fer suédois nécessaire à l'Allemagne.

C'est là, en Norvège, et non en Allemagne, qu'eut lieu l'unique initiative contre l'armée allemande durant la drôle de guerre, de la part des Alliés, avec batailles navales et débarquement de troupes.

Initiative interrompue brutalement, car à l'Ouest il y avait du nouveau. Le 10 mai, l'armée allemande envahissait la Hollande, la Belgique, la France. Tandis que Rotterdam brûlait sous les bombes, l'armée hollandaise capitula le 15 mai, la Belgique le 27, et la France demanda l'armistice le 17 juin. Bilan : près de deux millions de prisonniers, 90 000 soldats tués.

Et Mussolini pendant ce temps ? Eh bien, pour commencer, il s'était contenté de mettre à profit les possibilités commerciales du moment, en vendant du matériel, y compris de guerre, en particulier à la France. Puis, il s'était vu contraint par Hitler à entrer en guerre contre celle-ci le 10 juin 1941.

Hitler à la recherche d'un modus vivendi avec ses rivaux impérialistes

La France hors combat, c'était une apogée pour Hitler ; la fortune des armes l'avait placé dans une situation de force extraordinaire.

C'est pourtant là qu'il se trouva devant des choix politiques décisifs, et il prit bien des précautions vis-à-vis de ses rivaux impérialistes.

En effet, Hitler n'exploita pas jusqu'au bout l'effondrement de l'armée française. Il a accepté un armistice qui, finalement, ne l'autorisait pas à occuper la totalité du pays. En juin 1940, il admettait un gouvernement français, une flotte française, et ne touchait pas aux possessions coloniales de l'impérialisme français.

Il n'ambitionnait pas de conquérir la France, mais de la faire céder ; pas de l'anéantir, mais de lui imposer la reconnaissance des intérêts de l'impérialisme allemand.

Il en allait de même à l'égard de l'Angleterre. Il n'était pas question pour Hitler d'entreprendre sa conquête - ce qui aurait signifié notamment diriger des pays puissants, avec des classes ouvrières certes démoralisées, mais pas vraiment vaincues, et toujours susceptibles de lui donner du fil à retordre. Ce n'était pas des problèmes qu'il voulait. C'était des colonies !

En tant que chef suprême de l'impérialisme allemand dans ces circonstances, Hitler voulait pouvoir se tailler un empire lui aussi, et il voulait que ses concurrents l'acceptent.

Les autorités françaises du gouvernement de Vichy n'étaient plus en mesure, en juin 1940, d'opposer de résistance à ces ambitions. Il en allait différemment des autorités anglaises.

Or, justement, vis-à-vis de celles-ci, Hitler pensait alors à faire la paix.

Dès le 20 mai, fou de joie selon le général Jodl à cause de ses succès militaires, il prévoyait une paix séparée avec l'Angleterre après la restitution des colonies à l'Allemagne. Il insistait sur l'importance de maintenir l'empire britannique comme « facteur de l'équilibre mondial ».

En août 1940, Hitler fit bombarder Londres et les principales villes industrielles de l'Angleterre pour faire pression sur elle ; mais ni le Haut Commandement, ni les États-Majors d'aucune des trois armes, n'avaient envisagé comment tenter une conquête de l'Angleterre.

Les espoirs de Hitler en une paix avec l'Angleterre furent déçus car Churchill exprima nettement que l'Angleterre n'accepterait pas de le voir dominer le continent européen au point où son armée était parvenue, notamment pas la France, deuxième puissance du continent.

Il y avait un autre aspect à la question : s'acharner pour essayer d'occuper l'Angleterre, c'était accroître le risque que les États-Unis entrent en scène immédiatement. Hitler craignait cette éventualité et cherchait à l'éviter.

C'était de l'attitude des États-Unis que dépendraient la configuration ultérieure de la guerre et son issue.

Or, dès mai 1940, Trotsky écrivait : « une victoire potentielle de l'Allemagne sur les Alliés serait suspendue comme un cauchemar sur Washington. En possession du continent européen et des ressources des colonies de ce dernier comme base d'action, ayant à sa disposition les usines d'armements et les arsenaux européens, l'Allemagne, surtout si elle agissait en accord avec le Japon en Orient, constituerait un danger mortel pour l'impérialisme américain ».

Les seuls affrontements sérieux entre l'armée allemande et l'armée anglaise, en 1940-1941 eurent lieu dans les Balkans et en Méditerranée.

A l'automne 1940, Mussolini avait attaqué la Grèce, ainsi que l'Egypte à partir de la Libye. Mais ce fut pour y essuyer des échecs. Et les troupes britanniques venues de Libye menaçaient de débarquer bientôt en Grèce.

Hitler devait donc venir à la rescousse, non pour les beaux yeux du Duce, mais pour s'assurer du côté des Balkans.

Pour pouvoir intervenir en Grèce, l'Allemagne dut d'abord conquérir la Yougoslavie, en avril 1941 (Belgrade fut rasée de fond en comble), avant que les colonnes blindées ne déferlent sur la Grèce dont les armées durent se rendre au bout de quelques semaines.

Désormais, les armées allemandes dominaient l'Europe, du Cap Nord à la Grèce et du Finistère à Brest-Litovsk.

C'était une situation de moins en moins tolérable pour l'impérialisme US. En ce printemps 1941, les dirigeants américains prirent une décision importante : la loi dite « prêt-bail » d'aide économique à la Grande-Bretagne (la seule puissance encore en guerre contre l'armée allemande depuis juin 1940), qui avait des besoins de plus en plus massifs et qui n'avait plus les moyens de payer.

C'était désormais tout le potentiel économique du plus puissant des impérialismes qui allait être mis en route pour combattre le camp de l'Axe. A la fin de l'année 1941, la production industrielle américaine aurait doublé par rapport à 1939.

Avec la loi prêt-bail au service du camp des Alliés, la neutralité américaine était devenue de plus en plus problématique.

Le seul moyen que trouva Hitler pour essayer d'empêcher une entrée en guerre contre lui des États-Unis, ce fut la fuite en avant et l'agression contre l'URSS.

Il savait que les États-Unis feraient tout pour empêcher l'Allemagne de dominer à la fois l'Europe et les empires coloniaux français et anglais. Mais il pouvait penser que s'il portait la guerre à l'Est, les dirigeants américains, par souci de ne pas renforcer l'URSS, s'abstiendraient d'intervenir, ou à tout le moins ne mèneraient pas contre lui une guerre sérieuse.

Evidemment, il avait deux ans plus tôt donné le mauvais exemple en signant le pacte germano-soviétique. Mais de toute manière, il n'avait pas le choix, et pas d'autre carte à jouer.

Ces décisions ne laissaient plus grand choix au régime nippon : privé de pétrole, privé d'acier, il ne pourrait plus continuer longtemps même son simple effort de guerre en Chine.

Il devait soit passer par les conditions américaines, soit tenter de trouver ses matières premières en Asie du Sud-Est, par la force, en Indonésie ou en Malaisie, par exemple.

Cependant, malgré le gel des avoirs japonais et l'embargo total décidé par les États-Unis, dès négociations se poursuivaient entre les deux pays, à l'initiative du Japon. Au début de novembre, Roosevelt les rompit.

Et le temps jouait contre le Japon. Début décembre, il avait déjà consommé quatre mois de ses réserves de pétrole.

Les États-Unis ont en réalité contraint les japonais à les attaquer. Le 7 décembre 1941, le Japon détruisait la flotte américaine du Pacifique stationnée à Pearl Harbour, dans les îles Hawaï, à l'exception des porte-avions, qui eux - opportunément - ne se trouvaient pas là.

Les militaires japonais n'escomptaient pas gagner la guerre contre la première puissance du monde. C'était bien sûr hors de question. Le but annoncé par l'État-Major était à plus court terme : paralyser pour un temps la flotte américaine afin de pouvoir envahir le Sud-Est asiatique et s'en assurer les ressources. L'État-Major en question estimait d'ailleurs seulement pouvoir tenir deux ans... D'ici là, la situation de la guerre aurait changé !

Le fait que l'État-Major nippon ait pris l'initiative de l'agression permit à Roosevelt de faire passer les États-Unis à l'état de guerre déclarée. Cela fournit un prétexte solide, apte à susciter une large mobilisation patriotique.

Depuis, on a dit que les dirigeants américains étaient en réalité informés de l'attaque imminente de l'armée japonaise, qu'ils l'ont, à tout le moins, laissé se produire. Quoi qu'il en soit dans les détails, le fait est qu'elle a eu son intérêt politique pour Roosevelt. Churchill l'a nettement dit : « Une attaque du Japon contre les États- Unis simplifiait considérablement et les problèmes qui se posaient à eux, et leur tâche ».

Et encore une fois, si les dirigeants de l'impérialisme américain avaient recherché cette attaque, ce n'était pas tant dans le but d'en découdre avec l'armée japonaise pour leurs possessions dans le Pacifique, que pour entrer dans la guerre contre l'impérialisme allemand, qu'ils jugeaient en passe de devenir un challenger menaçant au niveau mondial.

C'est ainsi que la guerre est devenue mondiale en 1941, quand l'URSS d'une part a été attaquée par l'armée allemande, et d'autre part quand, après l'agression japonaise de Pearl Harbour, les États-Unis sont entrés en guerre.

Une marche à la guerre que seul le prolétariat aurait pu enrayer

Les impérialismes ont plongé la planète presque tout entière dans un enfer de feu, d'acier, de sang.

Pour les puissances impérialistes, l'enjeu était mondial. Ce qui était en cause, c'était un nouveau partage du monde. Leur guerre fut à l'échelle du monde. Elles y entraînèrent la plupart des peuples, d'une manière ou d'une autre, et les territoires de bien des petites puissances qui avaient cru pouvoir rester neutres servirent aussi de champ de bataille.

Ainsi la Deuxième Guerre mondiale n'a pas éclaté subitement comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages. Ce fut un processus dont l'enclenchement se mit en route lors de la crise de 1929. Ensuite ce fut par une longue série d'étapes successives, dont l'une permettait, et entraînait, la suivante, que la guerre devint mondiale.

Ici, en France, on nous apprend à la dater de 1939, car c'est là qu'elle commença pour nous. Pour l'Ethiopie, elle commença en 1935, pour la Chine en 1937, pour l'Autriche en 1938, pour la Norvège en 1940, et elle ne fut vraiment mondiale qu'en décembre 1941.

Pour qu'il y ait la guerre, les impérialistes durent d'abord vaincre leurs propres peuples, par la violence, ou par la tromperie. Mais ensuite ils s'évertuèrent, les uns comme les autres, à reculer le plus longtemps possible sa généralisation. Chacun le fit au détriment de plus faible que lui, et là encore, partie par la force, partie par la tromperie. Hitler ne réalisa ses conquêtes que pas à pas. A chaque fois assez pour se renforcer, et pas trop afin de ne pas déclencher, trop vite, de réactions de la part des plus puissants contre lui : l'Angleterre et la France d'abord, l'URSS ensuite, les USA enfin.

Mais à chaque fois, la logique même de ses victoires, dont aucune n'était définitive, lui imposait d'aller plus loin et de courir le risque suivant. Il utilisa la ruse, permettant à la Pologne de se tailler un morceau de Tchécoslovaquie, ce qui la neutralisait et la rassurait en même temps, tout juste quelques mois avant de l'attaquer.

Il signa un pacte avec l'URSS pour empêcher celIe-ci de réagir lors de l'invasion de la Pologne, tout en envisageant une guerre contre elle si cela pouvait neutraliser les États-Unis.

Mais du côté des futurs alliés, il en allait de même. La France et l'Angleterre ont sacrifié l'Autriche, puis la Tchécoslovaquie, puis la Pologne, avant d'entrer elles-mêmes en guerre, ou plus exactement avant que Hitler les attaque.

Et les États-Unis en ont fait autant en reprenant la stratégie qui leur avait si bien servi lors de la Première Guerre mondiale : ils ne sont entrés en guerre que les tout derniers, lorsque les belligérants européens, c'est-à-dire leurs rivaux économiques de l'époque : l'Allemagne, la France et surtout l'Angleterre, se furent mutuellement épuisés dans la guerre.

En conclusion, nous ne parlons pas de cette époque pour prédire une Troisième Guerre mondiale.

Nous ne la souhaitons pas. Les classes ouvrières du monde entier peuvent encore l'éviter. Le processus n'est d'ailleurs pas encore enclenché.

Et puis, dans la période dont nous avons parlé, à un moment au moins, en juin 1936, la classe ouvrière européenne aurait pu faire reculer la guerre, et peut-être définitivement, en supprimant la seule cause des guerres de notre époque : le capitalisme et ses crises.

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