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Espagne - Renault : L'accord du chantage
En Espagne les industriels et les banquiers, aidés par le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero, tentent de faire payer la crise aux couches populaires. L'aide massive aux banques, qui pèse lourdement sur les finances publiques, s'accompagne d'une politique gouvernementale visant à permettre aux industriels de maintenir leurs profits aux dépens du niveau de vie de la population. Il y a plusieurs mois on assistait à l'effondrement du secteur de la construction, jetant à la rue des centaines de milliers de travailleurs salariés du bâtiment et de la construction.
Au cours de l'année écoulée, l'accroissement du chômage a été dramatique : 4 123 300 sans-emploi en septembre 2009, contre 2 598 700 en septembre 2008. Et la baisse du niveau de vie de centaines de milliers de travailleurs a entraîné une baisse de la consommation et la fermeture de commerces et de petites entreprises.
Le gouvernement de Zapatero multiplie depuis des mois les interventions en direction du patronat du secteur automobile, qui emploie près de 350 000 personnes et qui joue un rôle clé dans la vie économique de diverses régions, comme par exemple Renault à Valladolid, Seat (filiale de Volkswagen) ou Nissan à Barcelone, Opel près de Saragosse ou encore Ford près de Valence. Pour satisfaire le patronat de ce secteur qui se plaignait de la baisse de ses ventes, le gouvernement a rapidement réagi en introduisant comme en France une prime à la casse.
Mais aujourd'hui les dirigeants de ces sociétés, qui jouent sur la concurrence entre les travailleurs des différents pays pour accroître leurs profits, en veulent davantage. Ils réclament du gouvernement espagnol qu'il leur ouvre plus grand encore les caisses de l'État et les aide à imposer plus de sacrifices aux salariés. Restructurations, chômage technique, licenciements et menaces de fermeture d'entreprises prennent de l'ampleur.
Chez Renault, qui emploie près de 8 000 travailleurs dans ses usines de Palencia, Valladolid et Séville, la direction a mis en avant un « plan industriel » dans lequel elle demandait aux travailleurs une flexibilité accrue et un système de blocage des salaires à un taux inférieur à l'inflation pendant quatre ans. Dès le mois d'août dernier, le directeur de Renault Espagne annonçait que, puisque les syndicats n'acceptaient pas les mesures proposées, la décision était prise de fermer l'usine de Valladolid pour transférer la production en Slovénie ou dans un pays de l'Est où les salaires seraient moins élevés. Dans les jours suivants, la municipalité de Valladolid demandait aux syndicats de signer l'accord de la direction afin de sauver la ville.
Les syndicats expliquaient alors que, pour sauver l'usine et les emplois, ils acceptaient de s'asseoir autour de la table. Et début octobre un accord d'entreprise était signé par les syndicats majoritaires, les Commissions Ouvrières (CCOO) et l'UGT. Pour maintenir l'activité à Valladolid, Renault promettait vaguement de fabriquer un véhicule électrique en 2011.
Zapatero et son ministre de l'Économie Miguel Sebastian s'empressaient alors d'annoncer dans les médias que la prime à la casse serait reconduite et que Renault Espagne était sauvé. Zapatero donnait ainsi sa caution et son appui aux mesures antiouvrières qu'étaient en train d'accepter parallèlement les dirigeants des principales centrales syndicales.
En réalité cet accord de sauvetage est un accord imposé par un chantage forçant les travailleurs à accepter, pour les quatre années à venir, une baisse de leur pouvoir d'achat, les hausses du coût de la vie n'étant plus compensées.
Ils devront accepter aussi les futurs EREs (« mesures de régulation d'emploi « ) qui permettent entre autres au patron d'imposer des journées de chômage technique ainsi que des nouvelles mesures de mobilité inter-entreprises.
Ces exemples montrent comment le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero mène sur le terrain économique et social une politique identique à celle des autres gouvernements européens, qu'ils soient de droite ou de gauche. Ils montrent aussi comment les dirigeants des grandes centrales syndicales, loin de proposer aux travailleurs des moyens de défendre leurs intérêts, choisissent d'encourager ces derniers à accepter les sacrifices que le patronat et le gouvernement leur imposent. Pour éviter un mal pire, prétendent-ils. C'est évidemment un faux calcul et ils ne sont pas assez naïfs pour ne pas le voir, car c'est précisément cette passivité qui encourage le patronat à exiger toujours davantage.