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Dans le monde
Autriche : patrons et gouvernement passent à l’offensive
En Autriche, la traditionnelle séquence automnale de négociations salariales s’est achevée sur des reculs importants pour les travailleurs.
Dans la métallurgie, elles ont été conclues en quelques heures, alors que d’habitude elles durent des semaines, les dirigeants syndicaux de l’ÖGB faisant mine d’arracher quelques dixièmes de pourcent supplémentaires à la table des négociations.
Cette année, un accord a été conclu pour deux ans, sans possibilité de renégociation si l’inflation continue sa hausse. Des augmentations dérisoires (1,4 % en novembre 2025, 1,9 % en novembre 2026) ont été annoncées, bien en dessous de l’inflation actuelle, qui est officiellement autour de 4 %, bien plus en réalité en ce qui concerne les loyers, la nourriture ou l’énergie. Pour « compenser » un peu, deux primes ont été accordées, alors que le syndicat en avait toujours critiqué le principe, car cela signifie sur le long terme des pertes encore plus importantes pour les salariés.
Dans la fonction publique (hôpitaux, crèches, écoles, jardins publics, etc.), la convention salariale, qui avait été négociée il y a un an, a été révisée et considérablement détériorée. Désormais valable pour trois ans, elle prévoit une augmentation salariale annuelle d’environ 1,5 %. Quant à la grave pénurie de personnel qui touche ce secteur, et qui engendre les seules (petites) protestations sociales visibles dans le pays, elle n’a même pas été évoquée. La mairie de Vienne, ainsi que le land du Tyrol, ont aussitôt adopté un accord identique pour leurs propre salariés.
Dans d’autres branches, comme le commerce et le secteur social, les résultats ont été comparables. Tout cela n’est certes guère différent des attaques qui ont lieu ailleurs, en France par exemple. Mais cela marque un tournant en Autriche, où la bourgeoisie s’achetait depuis des décennies la paix sociale en accordant des salaires et des prestations sociales un peu supérieures à ceux pratiqués dans d’autres pays d’Europe. Ainsi, il y a à peine deux ans, au printemps 2023, au plus fort du pic d’inflation, des augmentations de l’ordre de 10 % avaient été accordées sans même la menace d’une seule heure de débrayage de la part du syndicat.
À ces attaques contre les salaires s’ajoutent des mesures d’austérité dans bien des domaines. À Vienne, qui est gouvernée par la social-démocratie, les autorités ont décidé que la carte annuelle permettant d’emprunter les transports publics passera, au 1er janvier 2026, de 365 à 467 euros, soit une hausse de 28 % ! En même temps, le report de quatre ans de la construction d’une nouvelle ligne de métro a été annoncé. En Styrie, dirigée par la droite et l’extrême droite, 45 projets sociaux ont déjà été supprimés depuis juillet 2025. Les retraites subiront, de leur côté, une amputation globale de 300 millions d’euros : il n’y aura pas d’ajustement à l’inflation. De même l’allocation de mobilité pour les personnes souffrant d’un handicap sera réduite de moitié, passant de 697 à 335 euros.
Depuis des mois, le gouvernement répète qu’il faut faire des économies, que les caisses de l’État seraient vides. Ce qui est certain est que toutes les caisses ne le sont pas. Du côté entreprises cotées en Bourse, les dividendes versés aux actionnaires demeurent à un niveau record : 6,1 milliards cette année. Et, d’après le Global Wealth Report 2025, 400 personnes possèdent à elles seules 37 % de l’ensemble du patrimoine financier du pays, soit plus de 800 milliards d’euros. Mais le ministre social-démocrate des Finances, Marterbauer, qui s’était auparavant engagé en faveur d’un impôt sur les riches, demande désormais régulièrement à la population active, y compris aux plus pauvres, de passer à la caisse.
L’Autriche, souvent présentée comme un petit pays à l’abri des tempêtes du monde, n’échappe plus aux conséquences de la crise. Face à cette situation de nombreux travailleurs, habitués au traditionnel « partenariat social », qui semblait les protéger un peu, accusent le coup. Le mécontentement et la désorientation s’expriment, pour l’instant, par une vague de démissions du syndicat.
C’est d’autant plus compréhensible que dans le gouvernement dirigé par la droite, mais à participation social-démocrate, c’est une dirigeante de l’ÖGB qui occupe le poste de ministre des Affaires sociales. Alors que le calme social règne dans le pays depuis des décennies, la classe ouvrière devra se redonner les moyens de faire face à l’offensive patronale.