Elkem Silicones St-Fons : accident mortel et prévisible24/12/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/12/une_2995-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Elkem Silicones St-Fons : accident mortel et prévisible

Lundi 22 décembre, une explosion est survenue à l’usine Elkem Silicones à Saint-Fons, située dans le couloir de la chimie du sud de Lyon, tuant un travailleur et en blessant cinq autres, dont deux placés en urgence absolue.

Cette déflagration, probablement due à l’hydrogène, a eu lieu dans un atelier pilote, et dans des circonstances encore inconnues. En 2016, un cariste de 28 ans, salarié de la sous-traitance, Khalil Abed, était décédé suite à un accident dans la même usine. L’émotion et la colère sont donc grandes parmi les travailleurs des entreprises proches.

À l’heure de cette explosion suivie d’un incendie, vers 15 heures, beaucoup étaient encore au travail dans les usines alentour : Domo Belle-Étoile, Kem One, Syensqo, Seqens. Ce sont autant de sites chimiques qui sont classés Seveso seuil haut, comme l’est l’usine Elkem, qui fabrique des matériaux à base de silicones : ces installations utilisant des produits dangereux sont censées être particulièrement surveillées.

En pratique, les contrôles des services de l’État sont souvent formels, peu approfondis et quand des manquements sont relevés, ils ne sont pas toujours corrigés. Alors que l’incendie continuait sur le site Elkem, ce 22 décembre, la préfète a déclenché un plan Orsec. Les travailleurs, comme les habitants des communes populaires voisines, Saint-Fons, Feyzin, Vénissieux, Oullins- Pierre-Bénite, étaient censés se confiner par mesure de sécurité… Pourtant, dans les usines environnantes, certains n’ont appris la catastrophe que par les réseaux sociaux ou par des appels de proches, sans avoir été alertés comme le prévoit la procédure dans le cas d’un plan particulier d’intervention, ou alors une heure après.

L’accident mortel de 2016 à l’usine Silicones est dans toutes les mémoires. Un fût contenant un produit très inflammable avait été percé lors d’un transport. Le cariste avait alors cherché une solution, mais les fourches métalliques de son chariot avaient fait une étincelle et allumé l’incendie dans lequel il a perdu la vie. L’enquête avait démontré que le chariot adapté, avec un dispositif anti-déflagrant, était en panne depuis des mois. La justice avait fini par condamner l’entreprise Elkem Silicones et son sous-traitant GT Logistics à des amendes comprises entre 50 000 euros et 80 000 euros. Une somme dérisoire face au prix d’une vie humaine, surtout pour des entreprises qui brassent des millions.

Partout dans le couloir de la chimie, les travailleurs connaissent les ravages de la course à la rentabilité et des reventes successives, par morceaux, d’installations construites comme un ensemble. Actuellement, l’usine Silicones appartient au groupe norvégien Elkem, dont le principal actionnaire est la société d’État chinoise China National Bluestar. Comme d’autres usines, elle est issue du découpage de l’entreprise historique Rhône- Poulenc : alors que la branche la plus rentable, la pharmacie, est devenue une partie du richissime groupe Sanofi, les autres sites de chimie sont devenus Rhodia en 1999 avant d’être vendus à diverses entreprises. Les patrons cherchent à user au maximum les installations vieillissantes et la maintenance se fait à l’économie. Les problèmes techniques s’accumulent suite à des réparations de bric et de broc : bouchages, fuites, pompes défaillantes, mesures incohérentes. Les conditions de travail dégradées suite aux nombreuses suppressions d’emplois provoquent une hausse des accidents, qui vont des chutes dans les installations aux projections de produits toxiques, voire aux membres amputés dans des machines tournantes.

L’accident du 22 décembre ne surprend donc personne, mais pose une fois de plus le problème de l’irresponsabilité des capitalistes dans la gestion de ces usines dangereuses. Ce sont les travailleurs qui la payent dans leur chair.

Partager