Inde : des élections sous contrôle22/05/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/05/une_2912-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Inde : des élections sous contrôle

Les élections générales à la Chambre basse du Parlement de l’Union indienne ont commencé vendredi 19 avril et s’achèveront début juin. 969 millions d’électeurs sont appelés à élire 543 députés.

À la tête de son parti, le BJP, le chef du gouvernement, l’ultranationaliste hindou Narendra Modi, est favori pour l’emporter et s’assurer ainsi un troisième mandat.

Les conditions dans lesquelles se déroulent ce scrutin en disent long sur l’évolution autoritaire du régime et ses liens avec la grande bourgeoisie. L’Inde figure certes au 5e rang mondial en termes de PIB et compte 140 milliardaires. Mais, avec plus de 800 millions de pauvres, elle demeure une dictature sociale féroce. En poste depuis dix ans, Modi n’a pas plus que ses prédécesseurs mis un terme au sous-développement hérité de la domination coloniale britannique. Dans les campagnes comme dans les villes, l’immense majorité des travailleurs n’ont aucun droit ni protection sociale. Leurs conditions de logement sont indignes et le chômage est massif.

Un scrutin sans enjeu pour les travailleurs

Pour le Parti indien du peuple (BJP) au pouvoir, il s’agit d’élargir son emprise sur la vie politique, y compris dans des États – l’Union indienne en compte 28 – où, notamment dans le Sud, il demeure très minoritaire. Se posant en patriote, Modi a axé sa campagne sur les thèmes favoris de l’extrême droite nationaliste hindoue, désignant les 200 millions de musulmans comme un corps étranger infiltré et ses opposants comme anti-hindous

L’opposition, soit une trentaine d’organisations, s’est réunie dans une alliance hétéroclite baptisée INDIA autour du Parti du Congrès, celui des artisans de l’indépendance, Nehru et Gandhi. Ce parti a dirigé le pays pour le compte de la grande bourgeoisie indienne durant une cinquantaine d’années après 1947, et les travailleurs n’ont rien à en attendre.

Bien que favoris, Modi et le BJP, largement soutenus financièrement par le patronat, ont multiplié les mesures contre leurs opposants. La généralisation du vote électronique ouvre la voie aux trucages et ne permet aucune opération de contrôle. Rien ne sanctionnera non plus les pressions habituelles, y compris physiques, sur une partie des électeurs, ou l’achat de voix.

À cela s’ajoutent une multitude de décisions policières ou judiciaires. Au nom de la lutte contre le terrorisme et les « pratiques illégales », la justice n’est pas tenue de fournir de preuves de ses accusations et peut à son gré prolonger les périodes de détention. Ainsi, les comptes du Parti du Congrès ont été bloqués en février et des amendes massives lui ont été imposées. Des milliers de contrôles fiscaux inopinés ont par ailleurs été diligentés contre des membres de l’opposition, au point que celle-ci dénonce le « terrorisme fiscal » du pouvoir. Enfin, plusieurs de ses responsables ont été arrêtés, notamment Arvind Kejriwal, le Ministre en chef de Delhi, mis en cause dans une affaire d’attribution de licences de vente d’alcool.

Les grands médias sont le relais de cette politique. Ils sont aux mains des plus puissants capitalistes, notamment Gautam Adani et Mukesh Ambani, plus riche milliardaire d’Inde et dixième fortune mondiale. À lui seul, le groupe de 300 médias de ce dernier peut s’adresser à 800 millions d’habitants. Quant aux indépendants et à certains journalistes étrangers, ils subissent les foudres du pouvoir avec une série d’enquêtes fiscales, de perquisitions, de suppressions de visa et même d’assassinats.

Un « capitalisme de connivence »

Ce poids des principaux capitalistes dans la campagne reflète leur hégémonie dans l’économie indienne et le fait que la bourgeoisie nationale prospère à l’abri de l’État. Aux contrats que celui-ci lui procure, il faut ajouter la corruption généralisée, la prévarication des hauts fonctionnaires, le clientélisme et le népotisme. Sous l’ère Modi, les grandes dynasties, présentes dans les secteurs d’activité les plus rentables, ont prospéré comme jamais. À eux seuls, les groupes Adani et Ambani produisent 4 % du PIB et réalisent 25 % des investissements. En 2002, la fortune de Mukesh Adani ne dépassait pas les 70 millions. Aujourd’hui, malgré les scandales récents qui l’ont divisée par deux, elle s’élève encore à près de 50 milliards de dollars. Les parrains de Modi ont donc largement de quoi soutenir le BJP tant que celui-ci lui donne satisfaction. Jusque-là, le retour sur investissement s’est avéré payant.

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