Prêt à l’Ukraine : pour qui les pertes, pour qui les profits ?24/12/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/12/une_2995-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Prêt à l’Ukraine : pour qui les pertes, pour qui les profits ?

Les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne réunis à Bruxelles jeudi 18 décembre ont décidé un emprunt de 90 milliards d’euros pour financer un prêt équivalent à l’Ukraine destiné à couvrir ses dépenses de guerre jusqu’en 2027. Ce n’est pas un cadeau, même si les dirigeants européens se vantent d’un prêt à taux zéro.

Cette manne est présentée comme une réponse au retrait des États- Unis. Mais l’Union européenne a dû se résoudre à cette alternative car le gouvernement belge a refusé l’utilisation des avoirs russes déposés dans des banques belges, surtout chez Euroclear où sont entreposés quelque 180 milliards d’euros « russes ». Le gouvernement allemand poussait dans cette direction mais, comme toujours, l’UE a exposé ses divisions et a finalement renoncé à des mesures confiscatoires visant les trésors de l’État ou d’oligarques russes. Geler ces avoirs est une chose, les confisquer en est une autre qui serait un coup de canif dans les sacro-saintes lois de la propriété privée, instillerait la méfiance dans le système bancaire européen, voire déstabiliserait toute la finance. En effet, Euroclear est un géant mondial de la finance qui détient plus de 42 000 milliards d’euros de titres en dépôt, dont des réserves de banques centrales, donc d’États, et de grands investisseurs internationaux. En outre, Euroclear « héberge » environ 70 milliards d’actifs ouest-européens basés en Russie, que le Kremlin aurait pu à son tour confisquer si l’UE avait saisi les avoirs russes en Belgique. Autant d’arguments qui ont pesé lourd dans la décision finale des dirigeants de l’Union européenne.

Ces controverses au sein même de l’Union européenne dévoilent les enjeux véritables de la guerre qui ensanglante l’Ukraine et la Russie. Depuis 2022, l’aide financière de l’Union européenne à l’Ukraine n’est pas gratuite ; elle se fait sous la forme de prêts, pas sous la forme de dons. Entre 2022 et 2025, la dette de l’Ukraine a ainsi augmenté de plus de 60 %. Les créanciers de l’Union européenne en sont les principaux émetteurs, et ils l’étaient même avant le retour de Trump à la Maison-Blanche. Les 90 milliards à taux zéro promis à Kiev vont alourdir le fardeau de la dette ukrainienne car les créanciers « amis » exigeront d’être remboursés sans états d’âme – ils ont d’ailleurs commencé à le faire.

Ce ne seront ni les oligarques russes, même après la guerre, ni les oligarques ukrainiens qui paieront. Leurs fortunes resteront bien à l’abri dans des banques européennes et américaines ou des paradis fiscaux, l’épisode de ces derniers jours en est une illustration éclatante. En revanche, les chaînes de l’endettement emprisonneront la population ukrainienne qui, en plus du prix du sang, aura à verser celui sonnant et trébuchant de l’arsenal militaire fourni à Kiev, voire les centaines de milliards d’une hypothétique reconstruction. Bien plus que la prétendue liberté ukrainienne pour laquelle l’Union européenne serait engagée à la vie à la mort, la sécheresse de cette comptabilité de guerre et des profits de guerres explique la frustration des dirigeants européens d’être tenus à l’écart de la table des négociations par Trump.

En effet, dissimulés derrière les phrases ronflantes sur la paix et la liberté, sur la menace que représenterait Poutine pour l’Europe, l’Ukraine est d’abord pour l’Union européenne, face aux appétits américains et russes, une terre de conquête à livrer aux vautours de la finance, aux marchands d’armes et peut-être, demain, aux rois du BTP.

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