Le réchauffement climatique : un révélateur de l’irresponsabilité du capitalisme09/10/20152015Cercle Léon Trotsky/medias/cltnumero/images/2015/10/143.jpg.484x700_q85_box-6%2C0%2C589%2C842_crop_detail.jpg

Le réchauffement climatique : un révélateur de l’irresponsabilité du capitalisme

En décembre prochain aura lieu à Paris la conférence mondiale sur le climat, qu’on nous présente ici comme un événement d’importance. Évidemment ce sera l’occasion pour Hollande de se donner un rôle de chef d’orchestre, de dirigeant planétaire influent, d’autant plus – et ce n’est pas négligeable - que cette conférence tombera en plein pendant la campagne des élections régionales. La machine climatique s’est peut-être emballée, mais ce à quoi on assiste et on va assister encore bien plus, à mesure que l’on se rapprochera de ce prétendu événement, c’est à un emballement de la machine médiatique.

On peut d’ores et déjà prédire qu’il n’en sortira rien, pas plus que lors des vingt précédentes grands-messes sur le climat qui ont lieu tous les ans.

Depuis le début de l’ère industrielle, la température moyenne du globe a augmenté de manière sensible et le phénomène s’est accéléré significativement ces quinze dernières années. C’est au point que, si cette tendance se poursuivait, la température pourrait grimper de cinq degrés d’ici la fin du siècle. Un réchauffement qui entraînerait d’importantes conséquences pour la planète.

En fait, la plupart de ces bouleversements annoncés restent des hypothèses. Les modèles informatiques utilisés par les climatologues pour prévoir le futur sont imparfaits. Ce qui n’empêche pas que ces hypothèses aient une certaine probabilité de se réaliser et qu’elles représentent un réel danger pour les populations. Et, si les scientifiques prennent la précaution de donner des fourchettes, de nombreux commentateurs donnent avec délectation dans un catastrophisme sans nuance.

Pour Hollande, son implication dans la conférence climatique lui donnera un rôle d’autant plus important que l’on nous aura expliqué que l’heure est grave. Mais les dirigeants du monde ne se préoccupent pas plus de la planète qu’ils ne se préoccupent des hommes. Et comment croire que ces gens-là seraient capables de maîtriser le climat, alors qu’ils sont incapables d’organiser l’économie de manière rationnelle ?

Pendant que l’on va nous jouer en boucle ce spectacle de guignol, combien­ de migrants vont continuer à mourir en Méditerranée, repoussés par les barbelés des États riches et puissants, combien de bombes vont continuer à être larguées au Moyen-Orient, combien d’engins de mort ces mêmes puissances vont-elles continuer à vendre en rafales ? La vague d’émotions, suscitée par la photo du corps du petit Aylan sur une plage de Turquie, a été vite oubliée et les larmes de crocodile des dirigeants européens ne peuvent masquer cette infamie qu’a été, pendant tout l’été et aujourd’hui encore, leur attitude vis-à-vis des migrants. La proposition de Hollande d’accueillir 24 000 d’entre eux (sur deux ans ! ) est ridicule, indécente et ne peut faire oublier les coups de menton répétés de Valls ou de Cazeneuve rivalisant pour montrer leur fermeté à Vintimille ou à Calais. Leur politique vis-à-vis de la question migratoire ne changera pas, elle est une marchandise électorale, comme l’est, pour eux, l’agitation autour de la conférence sur le climat.

Une préoccupation fondamentale du marxisme

Disons pour commencer que les marxistes se sont toujours sentis concernés par les questions de l’homme et de la nature. Le fondement des idées marxistes c’est de combattre le capitalisme, non seulement parce que c’est une société d’exploitation de l’homme par l’homme mais aussi à cause de la manière irrationnelle dont elle est organisée. Nous ne raisonnons pas d’abord en syndicalistes mais avec une vision globale de l’humanité et de son évolution.

Marx et Engels ont su voir le formidable potentiel productif que recelait le capitalisme, mais en même temps ils voyaient tous les aspects qui l’empêchaient d’être la forme sociale de l’avenir humain, car l’économie de marché, la concurrence rendent impossible la maîtrise consciente de cet avenir. Même les formidables progrès techniques qui ont été réalisés sous le capitalisme ne permettent pas d’accroître significativement la maîtrise de l’homme sur la nature, car la société capitaliste ne maîtrise pas sa propre vie sociale.

Dans Dialectique de la nature, voici ce qu’écrivait Friedrich Engels en 1883 :

« La science sociale de la bourgeoisie, l’économie politique classique, ne s’occupe principalement que des effets sociaux immédiatement recherchés des actions humaines orientées vers la production et l’échange. Pourvu qu’individuellement le fabricant ou le négociant vende la marchandise produite ou achetée avec le petit profit d’usage, il est satisfait et ne se préoccupe pas de ce qu’il advient ensuite de la marchandise et de son acheteur. Il en va de même des effets naturels de ces actions.

Les planteurs espagnols à Cuba, qui incendièrent les forêts sur les pentes et trouvèrent dans la cendre assez d’engrais pour une génération d’arbres à café extrêmement rentables, que leur importait que, par la suite, les averses tropicales emportent la couche de terre superficielle désormais sans protection, ne laissant derrière elle que les rochers nus ? Vis-à-vis de la nature comme de la société, on ne considère principalement, dans le mode de production actuel, que le résultat le plus proche, le plus tangible  et ensuite on s’étonne encore que les conséquences lointaines des actions visant à ce résultat immédiat soient tout autres, le plus souvent tout à fait opposées ; que l’harmonie de l’offre et de la demande se convertisse en son opposé. »

Le propre de l’espèce humaine c’est qu’elle ne s’est pas contentée de vivre en prédatrice sur la nature. L’homme a apprivoisé la nature par l’invention des outils avant même d’apprivoiser des espèces animales pour en faire des animaux d’élevage (ou de compagnie) ou encore de domestiquer des plantes et permettre le développement de l’agriculture. Avec l’outil d’abord, puis en mettant d’autres espèces animales à son service, et surtout avec l’agriculture, l’homme a commencé à dominer la nature et à modifier profondément son environnement, sans d’ailleurs être capable de maîtriser les conséquences de ses actions et de ces transformations. Mais un certain équilibre avec la nature s’établissait.

Avec le capitalisme, deux aspects contradictoires des rapports de l’homme avec la nature ont été portés à un degré inconnu auparavant. L’aspect positif est l’extraordinaire développement des sciences et des technologies, qui ont donné à l’humanité les moyens d’accroître son emprise sur la nature de manière incommensurable par rapport aux sociétés antérieures. Mais parallèlement ces moyens sont restés pour l’essentiel aux mains d’intérêts privés, ceux des capitalistes, et ne sont pas mis au service de l’humanité. Les hommes restent incapables de maîtriser leur propre société.

La critique marxiste de la société capitaliste consiste d’une part à dénoncer l’exploitation mais aussi à souligner cette impossibilité de la société capitaliste à maîtriser de manière consciente son avenir. L’humanité a aujourd’hui bien des possibilités techniques pour assurer une meilleure maîtrise, mais parallèlement, à cause de la fuite en avant, de l’aveuglement de l’économie de marché, les dégâts que l’homme peut causer à la nature sont, eux aussi, portés à un degré inconnu par les sociétés humaines jusqu’alors. Et le réchauffement climatique pourrait bien être un de ces dégâts.

L’une des contradictions fondamentales du capitalisme consiste pré­ci­sément en cette différence entre les moyens techniques disponibles et l’impossibilité toujours plus grande de maîtriser les conséquences de leur utilisation.

La machine climatique

Pour mieux apprécier les risques concernant le réchauffement climatique, il est utile de comprendre comment fonctionne la machine climatique.

Le climat dépend en dernière analyse du Soleil qui chauffe l’air, les océans et les sols. La Terre tourne autour du Soleil en un an. Elle fait une rotation sur elle-même en un jour, et c’est le fait qu’elle soit légèrement inclinée sur son axe qui détermine les saisons : quand le pôle Nord est orienté vers le Soleil, c’est l’été dans l’hémisphère Nord et c’est l’hiver dans l’hémisphère Sud.

Les rayons du Soleil parviennent verticalement à l’équateur (lorsqu’il est midi). Mais, en se rapprochant des pôles, ils sont de plus en plus rasants. C’est ainsi qu’au printemps la même quantité d’énergie solaire se répartit sur une surface deux fois plus grande en Norvège qu’à l’équateur. Autrement dit, les régions situées autour de l’équateur reçoivent plus de chaleur que les régions polaires.

La chaleur est redistribuée à l’ensemble de la planète par l’atmosphère et les océans. À l’équateur, les mers, plus chaudes, s’évaporent davantage. L’air chaud, plus léger, s’y élève en altitude, puis s’écoule vers le nord et le sud. Mais la Terre tourne. Alors les masses d’air sont déviées dans le sens de la rotation de la Terre avant de redescendre vers le sol et de revenir vers l’équateur. Au-delà des zones tropicales, le soleil chauffe moins.

La rotation de la Terre entraîne les masses d’air qui forment les vents d’ouest qu’on voit sur nos cartes météo. En dérivant vers le nord, les nuages s’enroulent en spirale. Et c’est ainsi que les vents transportent la chaleur des zones tropicales vers les zones tempérées et répartissent l’énergie solaire sur toute la Terre.

La chaleur accumulée par les océans à l’équateur est aussi transportée par les courants marins. Dans l’Atlantique nord, le courant chaud qu’est le Gulf Stream remonte vers l’Arctique et le Groenland. La chaleur qu’il apporte provoque l’évaporation de l’eau océanique et l’air chaud qui en résulte, poussé par les vents, réchauffe l’Europe bien au-delà des côtes.

Au nord de l’Atlantique, les eaux de surface sont plus froides et plus salées. Plus denses, elles s’enfoncent dans les profondeurs de l’océan et engendrent un courant, froid, au fond de l’océan, qui repart vers le sud. Ce courant qui s’appelle le « tapis roulant océanique » va faire le tour de la Terre. Sa vitesse est très faible et il lui faut de l’ordre du millier d’années pour faire un tour complet. Il joue un rôle essentiel dans le transport de la chaleur de l’équateur vers les pôles, aussi important que l’atmosphère.

Ainsi donc, la circulation des courants océaniques et les déplacements des masses d’air dans l’atmosphère redistribuent la chaleur reçue à l’équateur et aux tropiques et gouvernent en partie les climats, tout cela avec une certaine inertie. Le phénomène physique auquel on doit le réchauffement climatique actuel est l’effet de serre, ainsi nommé par analogie avec les serres des jardiniers à l’intérieur desquelles il fait beaucoup plus chaud qu’à l’extérieur.

L’atmosphère se comporte comme la vitre de la serre à l’égard de l’énergie solaire. Celle-ci arrive sous forme d’un rayonnement visible et aussi de rayons infrarouges et ultraviolets. 30 % de toute cette énergie est directement réfléchie par les hautes couches de l’atmosphère (en particulier la couche d’ozone) et renvoyée dans l’espace. Le reste, à part une petite partie qui est réfléchie par les surfaces glacées, chauffe la Terre, son atmosphère, ses océans, ses continents, la végétation...

Mais la Terre ne stocke pas cette chaleur. À son tour, elle la rayonne, la renvoie vers l’espace sous forme de rayonnement infrarouge. Sauf que des gaz atmosphériques, les gaz à effet de serre, absorbent en partie cette chaleur. Comme la vitre de la serre, ils l’empêchent de s’échapper, ils la renvoient vers la Terre et ainsi la réchauffent.

Cet effet de serre est un phénomène normal, vital même, puisqu’il assure une température moyenne de 15 degrés à la surface de la Terre. Sans lui, elle serait de -18 degrés, et la vie serait bien plus difficile.

En fait, les gaz à effet de serre sont très peu abondants dans l’atmosphère. Celle-ci est composée de 78 % d’azote et presque 21 % d’oxygène qui, eux, ne produisent pas d’effet de serre. C’est dans le 1 % restant que se trouvent ces gaz : la vapeur d’eau (le gaz à effet de serre de loin le plus abondant), le dioxyde de carbone (CO² aussi appelé gaz carbonique), puis le méthane et aussi l’ozone.

Sur Vénus, la présence d’une atmosphère dense composée essentiellement de CO² joue un rôle clé dans l’explication de la température d’environ 450°C qui y règne. En revanche, sa rareté dans l’atmosphère de Mars a plongé la planète dans un froid glacial de -50°C.

Les facteurs du climat ont beaucoup changé au cours du lointain passé de la Terre

Au cours de la longue histoire de la Terre, le Soleil, l’atmosphère, les océans, les continents ont beaucoup changé. Ces changements ont été parfois brutaux, c’est-à-dire relativement rapides à l’échelle des temps géologiques (quelques millions d’années maximum, ce qui est considéré comme bref car la vie sur Terre a environ 3,5 milliards d’années). Des variations climatiques importantes ont souvent accompagné ces changements, sans en être nécessairement la cause première. Certains changements brutaux ont eu comme conséquence des extinctions massives d’espèces animales et végétales. La vie sur Terre a connu cinq de ces extinctions.

La plus massive, l’extinction dite du Permien-Trias, s’est produite il y a environ 250 millions d’années : 95 % de la vie marine et 70 % des familles d’espèces terrestres ont alors disparu. Même si la chaîne des événements qui ont conduit à cette extinction n’est pas encore totalement comprise, entre autres facteurs, il semblerait qu’une chaleur intense ait régné sur Terre, empêchant la vie de s’épanouir, une chaleur de l’ordre de 50-60°C à l’équateur et 40°C à la surface des océans, qui auraient alors libéré de grandes quantités d’hydrates de méthane, naturellement présent dans les fonds marins.

Un peu plus tard, eut lieu une autre extinction massive : il y a deux cents millions d’années, quand les continents, après s’être réunis en un seul, la Pangée, se morcelèrent et dérivèrent vers l’équateur, le climat redevint chaud et humide. Près de 75 % des espèces marines et 35 % des familles d’animaux auraient alors disparu, dont la plupart des grands amphibiens.

Sur les terres couvertes d’une végétation luxuriante, ce fut le début de la formidable prospérité des dinosaures, dans ce que l’on a appelé l’ère du Jurassique puis du Crétacé. La température était en moyenne de 3 à 4 degrés plus élevée qu’aujourd’hui. Cela nous paraît peu, car nous supportons des variations bien plus importantes ne serait-ce qu’entre le jour et la nuit. Mais lorsqu’il s’agit d’une moyenne, cette différence a des conséquences très importantes sur les conditions de la vie.

Ce règne des dinosaures dura environ 135 millions d’années, jusqu’à ce que, il y a 65 millions d’années, une activité volcanique intense rejette dans l’atmosphère, pendant près d’un million d’années, des quantités gigantesques de lave, de gaz et de poussières. Conjuguées à la collision d’une météorite avec la Terre, ces éruptions ont obscurci l’atmosphère et provoqué un refroidissement du climat, fatal non seulement aux dinosaures, mais aussi à un grand nombre d’espèces vivantes (estimé à 50 % ). Une partie importante de l’abondante végétation a été enfouie et a pu se transformer en pétrole.

Plus tard, il y a 30 millions d’années, c’est après que l’Amérique du Sud et l’Australie se furent éloignées du continent Antarctique qu’un courant froid s’est installé et que la calotte glaciaire du pôle Sud s’est formée.

Les glaciers du pôle Nord, la banquise qui couvre l’océan Arctique, se sont formés il y a trois millions d’années. Depuis, le climat est une succession de périodes froides, dites glaciaires, qui durent en moyenne cent mille ans, entrecoupées de périodes plus chaudes, interglaciaires, de dix à vingt mille ans. Cette alternance est liée à des phénomènes astronomiques : l’orbite de la Terre est cycliquement déformée par les grosses planètes comme Jupiter et Saturne et l’axe de rotation de la Terre a une inclinaison qui varie également de manière périodique.

Les changements climatiques des trois derniers millions d'années

Des forages de la couche de glace réalisés au Groenland et en Antarctique ont apporté des preuves et des précisions sur les variations du climat des dernières périodes glaciaires.

En effet, au fur et à mesure que la neige s’accumule, elle se tasse et se transforme en glace, piégeant des poussières, des pollens et des bulles d’air, qui sont autant d’archives. En juin 2004, en Antarctique, un forage a permis de remonter des carottes de glace sur... plus de trois mille mètres d’épaisseur. L’analyse de la composition de cette glace et des bulles d’air emprisonnées dans des milliers d’échantillons a permis de retracer l’histoire du climat sur 740 000 ans.

Les climatologues ont pu tracer la courbe de l’évolution de la température au cours de ce temps. Ils ont aussi tracé la courbe de la concentration du CO2 et celle du méthane. La correspondance est frappante ! Elle apporte la preuve que l’évolution de la température est étroitement liée à celles des gaz à effet de serre. Elle montre aussi que la température et les concentrations de gaz à effet de serre varient selon des cycles quasiment identiques, approximativement tous les cent mille ans, avec à chaque fois, un pic de réchauffement qui dure de dix à vingt mille ans, avec des écarts de température moyenne de l’ordre de 7-8°C entre les deux. Et il en irait ainsi depuis trois millions d’années.

Au cours de ces trois derniers millions d’années, les alternances de périodes glaciaires et interglaciaires ont accompagné l’évolution humaine. Elles l’ont même parfois façonnée, comme ce fut le cas pour les préhumains et, plus récemment, pour les hommes de Neandertal.

Dans la partie la plus occidentale de l’Europe, à chaque période glaciaire, la calotte polaire descendait très bas et, à l’est, les glaciers alpins constituaient une barrière quasi infranchissable. Donc, lors de chaque période glaciaire, c’est-à-dire pendant près de 80 000 ans à chaque fois, les populations humaines qui vivaient à cette extrémité du continent se trouvaient isolées des autres populations du continent eurasiatique, coupées du brassage génétique. C’est ainsi qu’elles auraient évolué vers ce type morphologique caractéristique des hommes de Neandertal. À l’autre bout du continent eurasien, en Indonésie, c’est pendant les périodes interglaciaires, à cause de la remontée des eaux, que les Hommes étaient isolés des populations continentales. Elles ont aussi développé des caractéristiques spécifiques.

Il y a 35 000 ans, les Neandertaliens ont disparu, laissant la place aux Homo sapiens, dont nous sommes. Le climat a guidé leurs voyages. Il y a 20 000 ans, au plus fort de la dernière période glaciaire, la calotte du pôle Nord descendait jusqu’à la hauteur de New York, Londres, Stockholm et Berlin. Le niveau des mers était 120 mètres en dessous du niveau actuel. Le détroit de Béring était franchissable à pied. C’est peut-être alors que commença le premier peu­plement de l’Amérique.

Il y a environ 18 000 ans débutait, lentement, la période de réchauffement du climat dans laquelle nous sommes, et ce pour quelques milliers d’années encore. C’est durant cette période que des transformations radicales sont apparues, modifiant toute notre histoire. Au Proche-Orient, il y a 12 000 ans, les pluies, la chaleur, les fleuves permirent l’apparition de l’agriculture et les premières civilisations.

Il y a 7 000 ans, avec le réchauffement, la remontée du niveau des mers fut telle que la Méditerranée se déversa littéralement dans la mer Noire, qui était jusqu’alors un lac d’eau douce. Son niveau serait monté de plus de cent mètres.

Si le climat était plus chaud, il n’était pas pour autant aride. Le Sahara était couvert de savanes herbeuses peuplées de girafes et de gazelles, comme en témoignent les peintures du Tassili, au sud-est de l’Algérie.

Plus tard, il y a 4 000 à 5 000 ans, les déserts se sont développés en Afrique. Les populations ont dû émigrer vers des contrées plus propices à l’agriculture, vers les rives du Nil. Elles furent à l’origine des grandes civilisations d’Égypte.

Plus près de nous, aux alentours de l’an 1000, l’Europe occidentale connut une période plus chaude, qu’on appelle l’optimum climatique médiéval. En 980, le Viking Erik le Rouge débarquait sur les côtes de ce qu’il baptisa Groenland c’est-à-dire « pays vert » . Les glaces qui empêchaient la navigation jusque-là avaient alors fondu. La colonie viking dura quatre siècles, puis disparut quand le climat recommença à geler les côtes du Groenland, au cours de ce qu’on a appelé le petit âge glaciaire.

En effet, entre 1450 et 1800, l’Europe a connu un refroidissement consécutif à une baisse de l’activité du Soleil. C’est entre 1550 et 1700 qu’il a fait le plus froid, deux à trois degrés de moins en moyenne. Ces changements peuvent paraître faibles mais ils se sont traduits par des hivers longs et rigoureux. À Venise on patinait sur la lagune !

Depuis trois millions d’années, les cycles naturels du climat accompagnent l’histoire de l’Homme. Mais tout le monde ou presque s’accorde à dire que, depuis un siècle, l’activité des hommes est devenue le facteur déterminant du réchauffement climatique. Mais les activités humaines depuis un siècle, se font dans le cadre d’un système économique basé sur la propriété privée des moyens de production, les lois du profit, du marché et de la concurrence. Les activités humaines c’est le terme neutre pour ne pas parler de la réalité et des dérèglements de l’économie capitaliste.

Les changements depuis la révolution industrielle

Les carottes de glace polaire ont confirmé que les taux de gaz carbonique mesurés ces dernières années sont largement supérieurs aux maxima jamais enregistrés depuis 700 000 ans. La température moyenne du sol a déjà augmenté de 0,85°C depuis 1880, avec une accélération ces quinze dernières années, et la concentration du CO2 et du méthane dans l’atmosphère a régulièrement augmenté depuis 1800, avec une accélération nette depuis 1950  +40 % pour le CO² et +150 % pour le méthane, mais en volume le CO² reste largement prépondérant.

Aujourd’hui, 80 % de toute l’énergie utilisée dans le monde vient du charbon, du pétrole et du gaz, c’est-à-dire de combustibles fossiles. Ils proviennent de la lente décomposition, sous terre, de plantes ou d’animaux morts il y a des centaines de millions d’années. Issus de la matière vivante, ces combustibles contiennent essentiellement du carbone et de l’hydrogène. En brûlant, ils rejettent du CO2 et de la vapeur d’eau, deux des principaux gaz à effet de serre. Mais, l’atmosphère étant saturée en vapeur d’eau, celle-ci se condense rapidement en pluie ou en rosée  il en va autrement du CO², dont la durée de séjour atmosphérique est de l’ordre du siècle  il finit par être absorbé par les plantes ou dissous dans les océans.

Au niveau mondial, 50 % des gaz à effet de serre produits par les activités humaines viennent de la production industrielle et de la transformation de l’énergie. 25 % proviennent de l’agriculture et de l’exploitation du bois. La déforestation contribue doublement à l’effet de serre, car les arbres abattus n’absorbent plus le CO² et la combustion de ceux qu’on brûle pour libérer des surfaces cultivables produit du CO² et de la vapeur d’eau. Les transports, eux, contribuent pour 15 % aux rejets mondiaux de gaz à effet de serre. Le reste est imputable à la construction, au chauffage ou à la climatisation des bâtiments. Les océans et la végétation absorbent rapidement la moitié de ces rejets. Mais l’autre moitié s’accumule dans l’atmosphère.

L’intensification de l’agriculture et de l’élevage a aussi augmenté les rejets de méthane. Celui-ci provient des rizières, dont les surfaces ont été fortement développées dans la deuxième moitié du vingtième siècle, et aussi des ruminants, dont l’élevage s’est intensifié et chez qui la digestion des végétaux produit d’importantes émanations de méthane.

Pour ce qui est de la France, le secteur d’activité le plus polluant pour les gaz à effet de serre est celui des transports (28 % ), suivi de l’industrie (22 % ), de l’agriculture (22 % ), bâtiments et habitations comptant pour 18 % .

Les conséquences actuelles du réchauffement

La conséquence la plus visible du réchauffement climatique est le recul des glaces sur tous les continents. La couverture neigeuse de l’hémisphère Nord a diminué d’environ dix pour cent en quarante ans. Au pôle Nord, la banquise qui recouvre l’océan Arctique a commencé à fondre. Depuis quinze ans, elle se serait réduite de dix à vingt pour cent. Au pôle Sud, de gigantesques icebergs, dont certains atteignent cent cinquante kilomètres de long, se détachent de l’Antarctique et flottent vers l’Australie. Les glaciers de l’Antarctique occidental raccourcissent en moyenne de 50 mètres par décennie, avec une accélération de 30 % des fontes depuis 1990. Par ailleurs la réduction de la couverture neigeuse diminue le pouvoir réfléchissant de la surface terrestre vis-à-vis des rayons du soleil (ce qu’on appelle l’albédo) et amène ainsi un effet amplificateur du réchauffement.

En outre, certains sols habituellement gelés en permanence (le permafrost ou pergélisol) se dégèlent et, en dégazant, augmentent encore l’effet de serre. Les sols gelés ont en effet piégé de très grandes quantités d’hydrate de méthane, instable, qui ne demande qu’à s’échapper. Le pergélisol est un « puits de carbone » qui menace de se vider dans l’atmosphère.

On a pu mesurer une élévation du niveau moyen des mers de 17 cm au cours du 20e siècle, dont 8 cm depuis 1992. Plusieurs phénomènes contribuent à augmenter le niveau des mers.

Il y a d’abord la dilatation des eaux  une eau plus chaude occupe un volume plus grand. Cette dilatation contribue pour environ 30 % à la montée des eaux. Il y a surtout la fonte des glaciers terrestres, dont le plus grand volume se trouve en Antarctique. Par contre, signalons que la fonte de la banquise ou des icebergs n’a pas d’effet sur le niveau de la mer. Ceci vient du principe d’Archimède, qui explique qu’un glaçon flottant dans un verre d’eau ne modifie pas la hauteur d’eau lorsqu’il fond.

Une autre conséquence du réchauffement climatique semble être l’accroissement des événements climatiques extrêmes : épisodes caniculaires (augmentation du nombre de jours et surtout de nuits pendant lesquels la température est anormalement élevée), fortes pluies ou tempêtes tropicales : les plus violentes d’entre elles font l’objet d’un débat scientifique animé ; si leur nombre n’augmente pas vraiment au niveau de la planète, sauf pour le bassin de l’Atlantique nord, la majorité des scientifiques considèrent que les cyclones, recensés à partir des observations satellites, deviennent plus intenses et plus durables. Mais les données antérieures à l’ère des satellites sont manquantes, ce qui ne permet pas de conclure qu’il s’agit d’une tendance de long terme.

Le réchauffement du climat a aussi des conséquences visibles sur des espèces animales et végétales. En France, la date moyenne des vendanges est plus précoce d’une quinzaine de jours depuis le milieu du siècle dernier. Au Canada, les écureuils, les porcs-épics et les ratons laveurs ont progressivement migré vers le nord à raison de six kilomètres tous les dix ans. En revanche, incapables de s’adapter à des variations climatiques trop rapides, nombre d’insectes et de grenouilles ont disparu.

Mais il n’y a pas que certaines espèces animales qui sont menacées par le réchauffement climatique, il y a surtout de nombreux êtres humains.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime entre 200 millions et un milliard le nombre de personnes qui pourraient migrer d’ici 2050 pour des raisons climatiques. Et quand on voit avec quelle violence les pays riches refoulent tous les migrants (sauf les riches), on peut s’inquiéter pour les futurs réfugiés climatiques. Si cette société capitaliste n’est pas renversée, on peut malheureusement prévoir de futures catastrophes humanitaires. Les réfugiés climatiques seront des hordes de pauvres dont personne ne veut, traités comme des parias voire comme des criminels. Ce qui est en cause, ce n’est pas seulement le climat mais surtout l’incapacité de cette société à organiser la vie sociale de manière rationnelle, prévoyante et humaine.

Canicules et sécheresses

Les fortes chaleurs de l’été dernier, avec des températures frisant par endroits les 40°C, ont fait de l’été 2015 le second plus chaud de l’histoire de France depuis le début des relevés en 1900, avec 1,7°C en moyenne de plus que la normale (établie sur la période 1980-2010).

Mais le record a été battu en 2003, avec 3,2°C au-dessus de la normale. De nombreuses villes ont connu plusieurs jours consécutifs avec des températures supérieures à 40°C et qui restaient élevées même la nuit. Dans un pays pourtant industrialisé comme la France, cette canicule a engendré une surmortalité de 15 000 personnes, principalement chez les personnes âgées. Les chambres mortuaires avaient rapidement été saturées, si bien qu’il a fallu entreposer des cadavres dans un hangar réfrigéré du marché-gare de Rungis. Alors que les responsables des services d’urgence avaient tiré la sonnette d’alarme, les hôpitaux étant saturés, le gouvernement et les autorités sanitaires ont tout fait pour minimiser ou ignorer le problème (on pourrait dire enterrer le problème, en faisant de l’humour noir) jusqu’à ce qu’il ne fût plus possible de masquer l’ampleur de la catastrophe, ce qui a coûté son poste au ministre de la Santé de l’époque (Jean-François Mattéi).

Signalons au passage que l’ensemble des salariés ont été punis d’une journée de travail non payé, la bien mal nommée « journée de solidarité » , pour soi-disant financer des actions en faveur des personnes âgées. Seuls les salariés sont punis, car les professions libérales et les indépendants sont exemptés et les employeurs doivent reverser une contribution qui est inférieure à ce qu’ils gagnent par la journée de travail gratuit de leurs salariés  cette contribution ne représente que 0,53 jour par salarié, la différence est donc un bénéfice pour les patrons. Non seulement ils ne sont pas punis, mais en plus l’État leur a fait un cadeau sur le dos des salariés ! 

Autant que la canicule, ce qui a tué, c’est l’imprévoyance et l’absence de volonté de consacrer des moyens préventifs à une situation que les autorités jugeaient peu probable. De nombreux pays européens ont été touchés à des degrés divers. L’Italie a également eu 20 000 morts liés à cette canicule de 2003, ce que le gouvernement a réussi à cacher jusqu’en 2005. Pour l’ensemble de l’Europe le nombre de morts est de l’ordre de 70 000.

Pour revenir à l’année en cours, fin mai, une vague de chaleur en Inde a tué plus de 22 000 personnes, la température est montée jusqu’à 48°C (5°C de plus que la normale saisonnière). Le journal Le Monde (29/05/15) écrit que « c’est comme si ces morts n’existaient pas » et raconte :

« Ni le premier ministre, Modi, ni la plupart des journaux du pays ne s’en sont émus. Les médias anglais passent ces morts sous silence, sans doute parce qu’ils sont lus ou regardés par une population qui vit avec l’air conditionné. Encore plus qu’ailleurs dans le monde, la canicule en Inde tue d’abord les pauvres, parce qu’ils ne travaillent pas dans des bureaux climatisés ou ventilés et qu’ils ne peuvent se passer d’une journée de salaire. Sanjay est un chauffeur de rickshaw au visage émacié, maigre comme un clou, et qui doit appuyer de tout son corps sur les pédales de son tricycle pour transporter les passagers assis derrière lui  : Si je m’arrête de travailler, je n’ai pas de quoi manger le soir, alors je continue sous la canicule, sauf au milieu de la journée où la chaleur est insupportable. Son seul moyen de lutter contre la chaleur : une serviette posée sur la tête.

La hausse des températures a transformé la rue en calvaire pour ces millions de travailleurs. Les ramasseurs d’ordures doivent traîner dans leurs chariots des monticules de déchets ménagers dans une odeur pestilentielle, les ouvriers du bâtiment doivent continuer à travailler pour que les appartements soient livrés à temps, faute de quoi les promoteurs immobiliers devront payer des pénalités de retard. »

Le bitume fondait sur les routes, les pauvres ne pouvaient plus dormir dans leurs baraquements en tôle où la chaleur était devenue infernale et s’installaient à l’extérieur.

Au mois de juin, c’est le Pakistan qui a connu de très fortes chaleurs, provoquant la mort d’au moins 1 000 personnes. Dans la plus grande ville du pays, Karachi, 20 millions de personnes ont suffoqué sous des chaleurs de 45°C, d’autant que les coupures d’électricité sont quotidiennes dans ce pays pauvre et ont empêché les climatiseurs ou les ventilateurs de fonctionner régulièrement. Plus de 80 000 personnes ont été soignées pour des coups de chaleur, malaises, déshydratation.

Il faut dire que l’interdiction de boire en cette période de ramadan n’a pas arrangé les choses, au point que plusieurs dignitaires religieux ont tout de même autorisé les personnes fragiles à ne pas jeûner, notamment à Karachi.

Dans l’Ouest américain, ce sont les sécheresses récurrentes qui posent de plus en plus de problèmes. La Californie connaît une sécheresse exceptionnelle depuis quatre ans et en conséquence un rationnement drastique de l’eau. Elle est régulièrement touchée par des incendies violents en été et en automne, mais leur précocité et leur intensité semblent révélatrices d’un dérèglement climatique. Dans le Nord et l’Ouest américain, des incendies géants ont détruit depuis le début de l’année une surface supérieure à celle de toute la région PACA.

Quel futur peut-on prévoir ?

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est une organisation créée par l’ONU en 1988, non pour mener elle-même des recherches, mais pour expertiser l’immense somme des productions de climatologues du monde entier afin d’en dégager des conclusions qui se veulent objectives : un lourd travail de compilation, d’évaluation et d’analyse des données fournies par plus de 2 000 chercheurs, employant une vingtaine de modèles climatiques différents. Il ne fournit de rapport que tous les six ou sept ans. Les deux derniers l’ont été en 2007 et en 2014.

Les experts du GIEC établissent des scénarios : le futur des activités humaines y est imaginé en fonction d’hypothèses sur la croissance démographique, le développement socio-économique et les futurs choix technologiques. Car, selon que les échanges entre pays continuent de s’intensifier, que les inégalités se réduisent ou se creusent, que la part des énergies renouvelables se développe ou se tasse, les émissions de gaz à effet de serre diffèrent.

On peut bien sûr douter de la valeur de ces modèles. Quel serait l’impact sur les activités humaines d’une crise économique majeure comparable à celle de 1929 ? Les économistes n’avaient pas prévu celle de 2008, car ces gens-là raisonnent dans le cadre d’un système économique qu’ils croient immuable et n’imaginent pas son effondrement ou son renversement. De nombreuses incertitudes demeurent donc dans ces prédictions.

Quoi qu’il en soit, tous les scénarios ont un point commun et prédisent une augmentation des températures (entre +0,3°C et +4,8°C en 2100, qui viennent s’ajouter à l’augmentation de 0,85°C déjà constatée depuis 1880). Et plus les modèles se perfectionnent, avec l’augmentation de la puissance des ordinateurs et l’accumulation des connaissances, et plus ils prévoient un réchauffement important. Ainsi on peut déjà constater que certains changements, comme la hausse du niveau des mers ou la fonte de la banquise arctique, ont été largement sous-estimés dans les prévisions du GIEC en 2007.

Si l’on en croit certains scénarios, avec la montée du niveau des mers, des régions entières pourraient être submergées. Les Pays-Bas seraient envahis par les eaux. Des îles, en particulier les atolls du Pacifique, pourraient être englouties, Il en serait de même de tous les deltas des grands fleuves, celui du Nil en Égypte, du Mississippi aux États-Unis, du Yang Tse Kiang en Chine. Alexandrie, la Nouvelle-Orléans, Shanghai seraient ravagées, mais aussi Bombay, Canton, Calcutta, New York, Tokyo.

Dans un pays comme le Bangladesh qui n’est que l’immense delta de deux grands fleuves descendus des sommets de l’Himalaya, la fonte partielle des glaciers viendrait ajouter ses effets à la montée des eaux. Le niveau du delta pourrait monter de près d’un mètre et le pays être rayé de la carte.

Le réchauffement climatique ne risque pas seulement de faire disparaître des territoires entiers, mais également de menacer l’approvisionnement en eau de très nombreux hommes.

La moitié de l’humanité vit à moins de 60 kilomètres des côtes. Huit des dix plus grandes villes de la planète ont été érigées près de la mer. Plusieurs d’entre elles s’alimentent en eau grâce à ce qu’on appelle des lentilles souterraines d’eau douce, qui flottent en fait à travers les roches poreuses, sur de l’eau salée marine qui imbibe le sol. Au fur et à mesure de l’extraction de l’eau douce, l’eau salée monte et peut contaminer la nappe phréatique. Ce phénomène s’observe déjà en des centaines d’endroits. Le pire est le cas de la bande de Gaza, qui n’a aucune autre ressource que sa nappe phréatique et dont l’eau n’est plus potable actuellement du fait de l’intrusion de l’eau de la Méditerranée. Comme, du fait du changement climatique, le niveau de la mer monte, la pollution par le sel marin des régions côtières va vraisemblablement augmenter. Cette situation naturelle déjà désavantageuse est considérablement aggravée par la politique de l’État israélien qui impose un blocus révoltant à ce pays (en plus de pomper l’eau des nappes phréatiques de Cisjordanie).

La fonte progressive des glaciers de l’Himalaya ou des Andes, dont certains pourraient disparaître complètement d’ici vingt ou trente ans, entraînerait à terme la disparition de ce qui constitue souvent la source exclusive d’eau douce pour certaines populations, au moins durant la saison sèche. En effet, lorsqu’il pleut, l’eau est stockée en altitude sous forme de glace, pour être restituée progressivement pendant la saison sèche. C’est un mécanisme de régulation très important pour l’approvisionnement en eau. Un sixième de la population mondiale dépend à l’heure actuelle de l’eau issue de la fonte de ces glaciers, notamment en Bolivie, en Équateur et au Pérou, en Asie centrale, en Chine, en Inde et au Pakistan. De grandes agglomérations comme La Paz en Bolivie auraient de graves problèmes d’approvisionnement en eau.

L’élévation des températures aurait également des conséquences sur la qualité de l’eau disponible pour la consommation humaine. Ainsi une augmentation de la température des lacs et des rivières entraînerait une dégradation de leur qualité biologique et chimique.

En outre, de nombreux experts alertent sur l’effet de seuil de certaines dégradations. À partir d’un certain niveau de dégradation, il ne suffit plus de ralentir voire de stopper une pollution, il devient très difficile de revenir en arrière.

Sous les tropiques, une autre conséquence du réchauffement des océans serait une évaporation plus abondante et plus rapide, qui entraînerait des cyclones plus fréquents, plus violents, aux trajectoires imprévisibles. Accompagnés de vents puissants, ils pourraient dévaster l’archipel indonésien ou les îles des Caraïbes.

Des climatologues envisagent aussi que l’air rendu plus chaud dessèche encore plus certaines régions tropicales. La recrudescence des sécheresses ferait progresser encore plus vite les déserts. Le manque d’eau rendrait catastrophique la situation de ces populations qui comptent déjà parmi les plus pauvres. De nombreuses zones subtropicales et le bassin méditerranéen, à quoi il faut ajouter une grande partie de l’Australie et le sud-ouest des États-Unis, risquent ainsi de faire face à des sécheresses croissantes.

On peut dire, pour reprendre l’expression d’un expert, que les impacts du réchauffement climatique se feront principalement sentir à travers l’eau : sécheresses, inondations, fonte des glaces, élévation du niveau des mers.

Pour l’Europe de l’Ouest, certains scientifiques envisagent un ra­len­tis­sement, voire une disparition du tapis roulant océanique qui pourrait entraîner un ralentissement du Gulf Stream, ce courant marin qui vient des tropiques et réchauffe nos contrées. Nous aurions alors à subir la rudesse des hivers canadiens. Mais, à l’inverse, d’autres imaginent que l’Europe se réchauffera malgré le ralentissement du Gulf Stream. Alors, les terres cultivables s’étendraient en Europe du Nord et en Russie. À condition toutefois que l’eau ne manque pas.

Certaines maladies infectieuses pourraient toucher des populations jusqu’alors épargnées, en élargissant la répartition géographique des insectes qui les transmettent.

L’épidémie de chikungunya à La Réunion a déjà montré que la répartition du moustique responsable de la transmission du virus, autrefois présent uniquement en Asie du Sud et du Sud-Est et dans l’océan Indien, s’est étendue à la Chine, à Afrique et même à l’Amérique.

Enfin, bien sûr, la faune et la flore seraient, elles aussi, affectées. On évoque ainsi la probable disparition, d’ici 2050, des récifs coralliens et des mangroves sur les pourtours côtiers. Et déjà, en Arctique, des ours polaires meurent, épuisés, faute d’avoir trouvé un radeau de banquise où se reposer.

Il demeure cependant un grand nombre d’inconnues sur ce réchauffement. La modélisation des activités humaines du futur est d’autant plus difficile que le capitalisme est un système irrationnel, capable d’emballements et de crises et irresponsable, car son moteur est l’avidité des bourgeois à s’enrichir. Les scientifiques ont d’autant plus de bonnes raisons de tirer la sonnette d’alarme.

Vingt-trois ans de grands-messes internationales...

Il y a aujourd’hui une véritable campagne mondiale pour faire croire que certains hommes politiques se préoccupent réellement du réchauffement climatique.

Mais si les dirigeants politiques des pays impérialistes et leurs divers experts s’agitent aujourd’hui autour de cette question, ce n’est pas par philanthropie ni parce qu’ils sont brutalement devenus soucieux de l’avenir des pays pauvres ou de celui de l’humanité.

Constatons déjà que, malgré leurs discours alarmistes, les autorités politiques des grands pays industrialisés ne se sont pas pressées pour prendre des mesures sérieuses en vue d’enrayer l’émission des gaz à effet de serre. Il y a déjà vingt-trois ans, depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992, que la question de la pollution atmosphérique, du climat et de son réchauffement sert de prétexte à des grands-messes internationales. Pour quel résultat ?

... pour accoucher du protocole de Kyoto

En 1997, les représentants de 38 pays se mirent enfin d’accord sur un chiffrage de la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils prévoyaient une réduction de 5,2 % en moyenne par rapport à leurs émissions de 1990. C’était le fameux protocole de Kyoto. Mais il fallut attendre décembre 2004, et bien d’autres sommets, pour qu’un texte juridique imposant cette diminution soit ratifié pour la période 2005-2012.

Entre-temps, il y eut de longues batailles entre les différents États pour mettre au point les modalités et les mécanismes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Derrière ces tractations laborieuses, il y avait bien sûr les intérêts et les rapports de force entre les grandes firmes de chaque pays. En matière d’environnement comme en matière de commerce international, les grands-messes sous l’égide de l’ONU ne sont que des arènes dans lesquelles s’affrontent les puissances impérialistes.

Au bout du compte, ce protocole ne fut ratifié ni par les États-Unis ni par l’Australie, qui représentent pourtant à eux deux le tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, la Russie et le Canada se sont retirés du protocole et la Chine à l’époque n’était pas concernée.

Très concrètement, le protocole de Kyoto ne prévoyait rien d’autre que la distribution, par chaque État adhérent, de quotas d’émissions de gaz carbonique à ses différents secteurs industriels. En Europe, ce sont des droits d’émettre 2,2 milliards de tonnes de gaz carbonique qui ont été répartis entre 11 000 sites industriels différents dans 25 pays. Un nombre réduit de grandes entreprises contrôle ces sites.

Les industriels ne prennent pas de gros risques, puisque le montant de l’amende prévue en cas de dépassement a été fixé à 40 euros la tonne de CO² jusqu’en 2007, puis à 100 euros, si même des pénalités ont été réellement appliquées.

Un protocole qui n’impose rien aux grands trusts

Aucun des mécanismes imaginés à Kyoto n’imposait la moindre contrainte aux grands trusts des secteurs énergétiques ni à la grande industrie, la chimie lourde, la sidérurgie, les cimenteries, la production du papier, du verre, tous les secteurs qui, à eux tous, émettent quasiment la moitié des gaz à effet de serre mondiaux.

Les plus grosses entreprises, implantées partout sur la planète, peuvent transférer leurs droits d’émettre d’une usine et d’un pays à l’autre. Les industriels ont même la possibilité de se revendre, entre eux, ces quotas qui deviennent ainsi de véritables « permis de polluer » qui s’échangent sur un marché appelé la Bourse du carbone, avec un prix variant en fonction de l’offre et de la demande. Ainsi le prix du droit d’émettre une tonne de CO² est passé de 30 euros en 2004 à 10 euros en avril 2006, après l’annonce d’un excédent de quotas, pour continuer à décroître jusqu’à pratiquement 0,00 euros en 2007. Début 2008, a démarré la phase II du protocole de Kyoto et en 2013 la phase III, avec des règles qui se voulaient plus contraignantes. Qu’on en juge  la tonne de CO² a commencé à être cotée à 20 euros, pour baisser régulièrement jusqu’à 2,90 euros. Pour les industriels, acheter des droits d’émission est bien moins coûteux que de réduire leurs émissions.

Cette Bourse du carbone permet toutes sortes de transactions purement spéculatives et même la constitution d’un marché dérivé. Sans compter quelques aigrefins qui, avec des sociétés fictives, ont réussi à monter une arnaque à la TVA sur le marché carbone et à voler le fisc français de 1,6 milliard d’euros selon la Cour des comptes (5 milliards selon Europol).

Le 24 février dernier, les députés de la commission Environnement du Parlement européen se sont prononcés en faveur d’un accord pour la création d’une « réserve de stabilité de marché » prévue pour fin 2018. L’objectif annoncé était de réussir à réguler le marché en retirant des quotas d’émission de CO² en période de récession et en en redistribuant en période de croissance. Une blague ! Déjà en janvier 2005, lors du forum économique mondial, 23 multinationales ont formé un groupe commun lors de la réunion pour le changement du climat du G8 : Ford, Toyota, British Airways et BP en font partie. Le 9 juin 2005, ce groupe a publié une déclaration commune mentionnant le fait qu’il était nécessaire d’agir contre le changement climatique, et qui insistait sur l’importance de trouver des solutions basées sur le marché. Eh bien non, le marché n’est pas capable de trouver des solutions au réchauffement climatique, pas plus qu’il n’est capable de résoudre la question du logement ou le problème de la faim dans le monde.

Créé sous l’égide des grands pays industrialisés, le protocole de Kyoto avait également prévu un mécanisme, pompeusement baptisé Mécanisme de développement propre, qui permet aux industriels occidentaux de récupérer des permis de polluer dans les pays sous-développés s’ils créent, à bon compte, des installations dites propres dans ces pays.

Mais, surtout, les quotas d’émission distribués par chaque gouvernement sont très généreux et, comme il n’y a aucun contrôle sérieux sur les quantités de CO² réellement émises, rien n’oblige vraiment les industriels à réduire les rejets de leurs installations. Or celles-ci sont vétustes. Les raffineries les plus récentes ont trente ans et beaucoup dépassent la cinquantaine  Une installation industrielle neuve inclut des procédés plus récents, plus économes en énergie  elle obéit à des normes environnementales plus sévères et rejette moins de gaz à effet de serre. Tant que les industriels ne transformeront pas massivement leurs installations, les émissions de CO² ne diminueront pas sérieusement.

Mais pourquoi y aurait-il plus de volonté de contrôle en matière de gaz carbonique qu’en matière de déchets toxiques ? Pourquoi y aurait-il plus de transparence dans ce domaine qu’en matière de sécurité au travail ou de contrôle des comptes des entreprises ? Chaque gouvernement défend ses propres capitalistes, quitte à s’asseoir sur ses engagements.

En 2009, la 15e conférence, qui se tenait à Copenhague, au Danemark, devait permettre de renégocier un accord international sur le climat, censé prolonger le protocole de Kyoto. Mais, après deux ans de négociations, le sommet s’est soldé par un échec : s’il affirmait la nécessité de limiter le réchauffement planétaire à 2°C (par rapport à l’ère préindustrielle), le texte de l’accord ne comportait aucun engagement chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se contentant de prôner la coopération pour atteindre un pic des émissions « aussitôt que possible ». En outre, des experts du GIEC ont mis en garde sur le fait qu’une augmentation de 2°C reste trop élevée et préconiseraient plutôt 1,5°C.

La conférence de Paris (COP21)

Aujourd’hui obsolète, car presque personne ne le respecte, le protocole de Kyoto doit expirer en 2020 et devrait être remplacé par un nouveau texte, qui est l’objet de la conférence de Paris – la COP21 comme ils disent, parce que c’est la 21ème conférence sur le climat  concernant cette fois 195 pays.

Pour que la température n’augmente pas de plus de 2°C à la fin du 21e siècle (par rapport à l’ère préindustrielle), l’objectif préconisé par le GIEC est une réduction de 40 % des gaz à effet de serre et une diminution de 30 % de la consommation d’énergies fossiles d’ici 2030. Chaque État participant à la conférence est censé remettre sa contribution, c’est-à-dire un engagement volontaire que prend l’État concernant les émissions sur son propre sol. Mais la mauvaise volonté de quelques poids lourds comme le Canada, l’Australie, le Brésil ou l’Arabie saoudite est manifeste.

Alors que son pays était jusque-là montré du doigt, le 2 août, Barack Obama a annoncé, pour les États-Unis, vouloir faire baisser la quantité de gaz à effet de serre émis par les centrales américaines de 32 % d’ici 2030 (par rapport à leur niveau de 2005) et faire passer la part des énergies renouvelables de 13 % à 28 % en quinze ans. Obama a en commun avec Hollande de choisir le terrain du changement climatique pour se donner le beau rôle de sauveur de l’humanité.

Le plan d’Obama, s’il devient réalité, devrait contraindre bien des centrales à charbon à modifier de façon importante leurs procédés industriels ou à fermer. Or les capitalistes qui ont investi dans le charbon ne l’entendent pas de cette oreille. Ils hurlent à la mort, à la faillite et à la destruction massive d’emplois si on les contraint à quoi que ce soit. Citons en particulier les frères milliardaires Koch, magnats du charbon (6ème ex-æquo dans le classement Forbes des plus grandes fortunes américaines) qui pratiquent un lobbying intense et financent de multiples initiatives visant à nier le fait que le réchauffement climatique actuel soit le fait de l’homme, à minimiser ce réchauffement et à éviter toute mesure contraignante, qu’ils qualifient de collectivisme. Mais, à voir la passivité des autorités américaines devant la frénésie des propriétaires de mines à décapiter des montagnes entières dans le Kentucky et la Virginie-Occidentale pour en accaparer le charbon, on se doute qu’ils ont le bras long.

Parallèlement, la Chine, qui avec les États-Unis forme les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, s’est engagée à atteindre son pic d’émission au plus tard en 2030, c’est-à-dire que ses émissions devraient baisser ensuite  elle a même développé massivement l’usage des énergies renouvelables, le captage du CO² dans les centrales électriques à charbon et les scooters électriques.

Ainsi il y a une certaine hypocrisie des pays développés à accuser certains pays du tiers-monde, en particulier la Chine, le Brésil ou l’Inde, de gâcher leurs efforts en matière de réduction des gaz à effet de serre. Signalons d’abord que les comparaisons internationales sont souvent fallacieuses, car elles classent les pays en fonction du volume de leurs émissions de CO² sans tenir compte du nombre d’habitants. Désigner la Chine comme le premier émetteur de gaz à effet de serre ne fait que souligner que ce pays est le plus peuplé du monde. Par contre si l’on regarde les émissions de CO² par habitant, elles étaient en 2010 de 17,6 tonnes aux États-Unis, 16,9 tonnes en Australie, 9,1 en Allemagne, mais seulement 6,2 tonnes en Chine, 2,2 au Brésil et 1,7 en Inde.

Là où l’hypocrisie atteint un comble, c’est que les pays développés ont obtenu du GIEC qu’il élimine, dans son dernier rapport de synthèse, un tableau intégrant pour chaque pays les émissions de CO² relatives aux objets manufacturés importés et consommés sur place. Comme une bonne partie de la production en Inde, en Chine ou au Brésil est destinée à l’exportation, cela aurait montré que certains pays comme la France sont beaucoup moins vertueux qu’ils ne le prétendent. La Chine est peut-être devenue l’atelier du monde, mais c’est un atelier de sous-traitance et bien des donneurs d’ordres se trouvent dans les pays occidentaux.

De toute manière, ce qui est en cause n’est pas la bonne ou mauvaise volonté supposée des dirigeants. L’économie capitaliste est tellement anarchique, tellement fondée sur l’égoïsme individuel, que la mise en place de mécanismes de régulation par les États se heurte aux intérêts privés des bourgeois, à la loi du profit, à la concurrence entre les capitalistes et entre les États eux-mêmes. Ainsi il y fort à parier que, si nouveau protocole il y a, il sera toujours aussi bidon et aussi peu contraignant pour les industries polluantes.

À la conférence de Paris, comme pour les conférences qui l’ont précédée, les négociations se feront en concertation avec le grand patronat. On peut d’ores et déjà parier que la recommandation d’abandonner le transport de marchandises par la route et de développer partout le transport ferroviaire ne sera pas faite, ou alors elle sera non contraignante.

Les sponsors devraient prendre en charge 20 % du budget de la conférence et, en tant que mécènes, pourront participer aux négociations. Comme l’ont dénoncé différentes associations, il y a une certaine ironie à laisser les négociations dans les mains d’industriels qui ont de gros intérêts dans les énergies fossiles au niveau mondial (parmi lesquels Engie, Michelin, Renault, EDF).

Les sponsors pourront afficher le logo « partenaire officiel Paris 2015 » pendant un an. Tous ont pavoisé autour du ministre Fabius, vantant qui ses véhicules électriques, qui ses solutions pour réussir la transition énergétique, qui son engagement pour préserver le monde de demain. Bref, des négociations aux mains des pollueurs (il vaut mieux être dans la place pour pouvoir torpiller les mesures trop contraignantes et orienter les mécanismes de subventions) et aussi une belle vitrine publicitaire pour eux, avec l’opportunité de nouveaux marchés.

Un sous-investissement général

Ce qui caractérise toute l’économie depuis plus de trois décennies, c’est la très grande faiblesse des investissements productifs et le vieillissement de l’appareil industriel, en particulier dans la chimie ou le pétrole. Mis à part la fabrication de produits récemment inventés et commercialisés, les industriels usent jusqu’à la corde leurs installations.

C’est particulièrement vrai dans le secteur pétrolier. Aux États-Unis ou en Europe, aucune raffinerie n’a été construite depuis 1980. Certaines ont plus de 75 ans, comme celle, propriété de BP, qui a explosé au Texas en 2005 et qui n’était quasiment plus entretenue. Les ministres des Finances des vingt pays les plus riches chiffraient ce sous-investissement à plus de 2 000 milliards de dollars.

Dans le delta du Niger, qui compte 606 champs pétrolifères, les fuites massives dans les installations sont récurrentes. Parmi les centaines d’oléoducs vieux de quarante ans et rongés par la rouille qui ont envahi le delta du Niger, il y en a un qui a déversé du brut pendant des mois. Forêts et terres agricoles ont alors été recouvertes d’une couche brillante de liquide huileux. Les puits d’eau potable ont été pollués. Un chef de village a raconté au journal Le Monde  « Nous avons tout perdu: filets, cabanes, casiers de pêche... C’est ici que nous pêchions et travaillions la terre. Nous avons perdu notre forêt. Nous avons prévenu Shell dès les premiers jours de la fuite, mais la compagnie n’a rien fait pendant des mois.» Il y a en moyenne 300 marées noires par an. La pollution a atteint un niveau effrayant et le nombre de cancers dans la population est en augmentation vertigineuse.

Et tout récemment c’est Total qui a été mis en cause par de nombreux habitants à cause des torchages (pratique qui consiste à laisser brûler les gaz qui s’échappent d’un puits d’exploitation de pétrole). Cela provoque des fumées épaisses et une pollution atmosphérique permanente. Le Nigeria a interdit cette pratique en 1984, mais Total continue et se moque des nombreuses plaintes à ce sujet. Ils ont l’argent pour corrompre qui il faut et une armée d’avocats.

Alors, faudrait-il croire ces socialistes de gouvernement et ces écologistes qui font mine de se préoccuper de la planète mais qui, au pouvoir, ne font rien contre les pratiques de Total ?

Pour récupérer tout ce gaz perdu (qui d’après la Banque mondiale suffirait à subvenir aux besoins de toute l’Afrique subsaharienne), il faudrait investir dans les infrastructures, des investissements lourds. Mais les compagnies raisonnent en fonction de leurs bénéfices à court terme et aux dividendes à verser aux actionnaires ; les intérêts des populations et de la planète ils s’en fichent. Les trusts pétroliers finiront bien par construire de nouvelles raffineries, lorsque les anciennes seront trop usées pour produire quoi que ce soit – au moins tant que le pétrole ne sera pas remplacé par d’autres sources d’énergie... À ce moment-là, leurs nouvelles installations intégreront des normes plus sévères en matière de pollution et d’émission de gaz carbonique. Mais ils ne le feront que lorsqu’ils auront engrangé, par avance, les capitaux nécessaires à cela. Les consommateurs et la collectivité paieront ainsi deux fois : une première fois avec leur porte-monnaie et une seconde fois à cause du retard, peut-être dramatique, pris dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les grandes compagnies ne négligent pas ces énergies renouvelables mais elles ne sont aujourd’hui pas suffisamment rentables du point de vue du marché capitaliste.

Vingt-cinq grandes compagnies se partagent le marché mondial de la distribution de l’énergie, du pétrole à l’électricité en passant par le gaz. Ces trusts du secteur énergétique font des profits qui battent des records chaque année. Mais ils demanderont aux gouvernements de financer à leur place la recherche et le développement dans les futures énergies.

Lépineuse question de lénergie

Le secteur de la production d’énergie étant le plus gros émetteur de gaz à effet de serre, le problème d’une alternative aux énergies fossiles est posé depuis un certain temps par les scientifiques. Les pays montrés du doigt comme étant les principaux émetteurs de gaz à effet de serre sont les États-Unis et la Chine. L’essentiel de leur électricité est produite en brûlant du charbon ou du gaz naturel.

La France, elle, apparaît comme un bon élève, la majeure partie de son électricité provient des centrales nucléaires, qui ne rejettent pas de CO² mais uniquement de la vapeur d’eau. Il y a cependant un autre problème, et de taille, qui est celui des déchets nucléaires, que l’on ne sait pas à l’heure actuelle traiter sans risques environnementaux majeurs.

À l’échelle du monde, l’énergie produite provient à 80 % d’énergie fossile (pétrole 32 %, charbon 27 %, gaz 21 % ) et à environ 6 % d’énergie nucléaire. La part des énergies renouvelables (hydraulique, solaire, éolien) demeure très faible, de l’ordre de 3 %, le reste, environ 10 %, provient des biocarburants et de l’incinération des déchets. Même s’il paraît difficile d’imaginer aujourd’hui comment l’humanité fera pour se passer d’énergie fossile, signalons quand même que certains pays comme l’Autriche ou les pays scandinaves ont une part d’énergies renouvelables dans leur consommation brute d’électricité supérieure à 65 % ; pour la Norvège c’est 98 %. La Suède a réduit de moitié sa consommation de pétrole en moins de quarante ans et envisage d’éliminer totalement l’énergie fossile des transports routiers d’ici 2030. À Lyon, un éco-quartier à énergie positive vient d’être mis en chantier, c’est-à-dire que les habitations produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment pour les besoins des occupants. Dans les pays nordiques, de nombreux quartiers de ce type existent déjà.

À moins de faire de la science-fiction, on ne peut imaginer tous les progrès scientifiques et techniques dont l’humanité sera capable, nous n’en doutons pas, dans l’avenir. La question énergétique trouvera une solution scientifique satisfaisante, mais le problème qui se pose aujourd’hui avec le réchauffement climatique n’est pas d’abord un problème scientifique, c’est un problème social.

Le capitalisme est un système anarchique qui ne fonctionne qu’avec le moteur du profit privé. Si les capitalistes peuvent faire du profit, peu leur importent les conséquences pour la planète. S’il faut dévaster une région pour en tirer telle ou telle matière première, la bourgeoisie n’hésite pas une seconde. Pour extraire du gaz du schiste, des sables bitumineux, ils se moquent des dégâts faits à la nature. Si par contre les énergies renouvelables, à force d’investissements publics et de racket des consommateurs, deviennent profitables, les capitalistes y investiront massivement. Ce que nous ne pouvons admettre, c’est le discours moralisateur visant à faire accepter aux consommateurs de payer plus cher pour que les capitalistes en tirent leur profit.

La démarche des grands groupes : faire financer les futurs investissements par la collectivité et les consommateurs

Par exemple, un rapport publié en janvier 2006 par Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale et conseiller de Tony Blair, préconisait que les États financent les investissements et l’essentiel des frais de recherche que les capitalistes rechignent à faire.

Les gouvernements n’ont pas attendu ces rapports pour déverser l’argent des contribuables. C’est ainsi que les branches Total énergie, Shell solaire ou encore Tiru, filiale d’EDF, se sont vu octroyer de fortes subventions du Parlement européen depuis longtemps : il y a eu le programme Énergie intelligente pour l’Europe (2003-2006), puis le plan d’action pour l’efficacité énergétique (2007-2012), enfin le programme Énergie sûre, propre et efficace (2012-2020) ; les subventions au secteur de l’énergie, y compris fossile, à l’intérieur de l’UE dépassent les 100 milliards d’euros par an.

Il en est de même dans l’industrie automobile, où moins de dix grands groupes se partagent le marché mondial. Après avoir pollué l’atmosphère avec le plomb et d’autres additifs dans l’essence, après avoir imposé à toute la planète le tout-routier et sa pollution atmosphérique majeure, ces grands groupes profitent des subventions des États pour financer la recherche sur des moteurs électriques ou hybrides ou pour améliorer la qualité des carburants et les rendre moins polluants.

Et le tout récent scandale Volkswagen montre ce que valent les préoccupations écologistes des industriels : c’est de l’enfumage. Il ne s’agissait même pas de fabriquer des voitures propres mais de vendre des voitures que l’on prétend propres en trichant avec les contrôles. L’écologie est devenue un ar­gument commercial, un argument de vente bien intégré dans l’économie capitaliste d’aujourd’hui. Pour apparaître comme un mécène très écolo et séduire l’acheteur américain, Volkswagen avait même financé en 2013 une exposition dite eco-friendly au Musée d’art moderne de New York. En réalité l’écologie est aussi une arme dans la guerre économique que les firmes et les États se livrent. Il est significatif de voir l’empressement du gouvernement allemand à défendre Volkswagen et on peut se demander si les États-Unis auraient pris les mêmes mesures de rétorsion face à la fraude s’il s’était agi de Ford ou General Motors.

Une autre idée majeure des campagnes actuelles, c’est qu’il faut que le prix de l’énergie augmente pour prendre en compte ses effets sur le climat et inciter les gens à être « écologiquement responsables ». Autrement dit, il faut que les consommateurs payent un prix plus élevé pour les énergies fossiles afin de rendre plus profitables les investissements dans les énergies renouvelables. Ainsi les dirigeants de Shell, Total, Statoil, BP et Eni viennent d’adresser un courrier à Fabius réclamant un engagement de l’État sur les prix pour, comme ils disent « sécuriser leurs investissements » dans les énergies alternatives.

Mais c’est d’un cynisme sans nom, car les riches continueront à utiliser leurs jets privés, à rouler dans leurs grosses voitures de luxe, à mettre des clims partout, pendant que les pauvres n’arriveront plus à se chauffer correctement. Les riches ne modifieront pas leur train de vie ou leur consommation d’énergie à cause du prix, mais les travailleurs auront de plus en plus de mal à payer leur voiture et à se déplacer.

"Chacun peut faire un petit geste"  ou  comment exonérer les responsabilités du capitalisme

Un autre leitmotiv des campagnes sur les menaces du réchauffement climatique, c’est que l’avenir de la planète est entre les mains de chacun d’entre nous.

S’il est vrai que toute l’humanité est directement concernée par l’avenir écologique de la planète et que la population devrait être informée et en mesure de prendre les décisions qui engagent son avenir, ces campagnes qui renvoient dos à dos les particuliers et les industriels, ou les actionnaires, reviennent à exonérer les responsabilités des capitalistes et à masquer le fait que le problème est dans le fonctionnement même du système.

Les consommateurs n’ont aujourd’hui aucune prise sur les choix et les orientations de la production industrielle, entièrement entre les mains de propriétaires privés. Ils sont entièrement dépendants de ceux qui leur fournissent l’énergie, des prix qui leur sont imposés, des technologies qu’ils trouvent sur le marché.

La population n’a pas plus de choix en matière de déplacements et de transport. C’est pourtant le secteur dans lequel les particuliers sont le plus accusés d’individualisme en refusant d’abandonner leur voiture particulière. Demander­ aux particuliers de ne pas prendre leur voiture, sans construire et entretenir des réseaux collectifs pratiques, fréquents et confortables, est une imposture. Comme c’est une imposture de leur demander de faire leurs courses à pied, près de leur domicile, quand les géants de la distribution ont concentré en périphérie de la plupart des villes les magasins les mieux achalandés et ceux dont les prix sont les plus abordables.

Rappelons enfin que les premiers à utiliser massivement le transport routier sont les entreprises, qui se font livrer à leurs portes leurs fournitures par des norias de camions. Toute cette organisation des transports, le gâchis humain, énergétique et écologique qu’elle entraîne, n’est évidemment pas de la responsabilité individuelle des particuliers.

L’hypocrisie de certains écologistes n’a, à cet égard, pas de limite. Certains ont créé des associations leur permettant de racheter leur pollution individuelle en gaz carbonique. Ils ont déterminé, de façon passablement ridicule, la quantité d’émission de carbone que chaque habitant de la planète aurait le droit d’émettre, chaque année, pour être écologiquement responsable (la fameuse empreinte CO2). Ceux qui dépassent leur quota individuel peuvent faire un don pour financer une entreprise écologique.

Tous ceux qui répètent que chaque consommateur tient l’avenir de la planète entre ses mains, que chacun peut faire un geste pour l’avenir de la planète, mentent. Ils ne font que dédouaner ceux qui s’enrichissent avec cette organisation économique et qui sont les seuls à la diriger.

La multiplication des déplacements inutiles de marchandises

En réalité, il faudrait surtout mettre en place une autre organisation de la production et de la distribution. Sur les marchés de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, on vend des oranges provenant d’Afrique du Sud. Elles ont été transportées par cargo, parfois après avoir transité par le marché de Rungis, près de Paris, alors qu’on cultive des oranges... en Amérique centrale et en Floride. C’est une absurdité !

La principale source de rejets de gaz à effet de serre, c’est l’organisation même de la production, de la distribution et de la consommation, avec son gaspillage d’énergie et de ressources. La lutte permanente entre groupes concurrents pour gagner des marchés, l’absence complète de recensement et de prévision des besoins de la population, provoquent une pollution et un gaspillage plus profonds encore. Elles provoquent la multiplication absurde de déplacements intercontinentaux de marchandises, justifiés seulement par des raisons commerciales.

Chaque grande entreprise, chaque trust rationalise sa production et l’organigramme de ses différentes usines. Mais chacun le fait en concurrence avec tous les autres. Au fil des fusions et des rachats de sous-traitants dans l’industrie automobile, des pièces de moteur ont pu venir du Brésil ou des États-Unis pour être assemblées en Europe sur des véhicules Renault ou Volkswagen, tandis que des pièces équivalentes traversaient l’océan Atlantique dans l’autre sens pour être montées sur des véhicules Ford ou General Motors.

Cette multiplication inutile des transports a lieu aussi sur les routes. Par exemple, les Pays-Bas exportent 350 000 tonnes de viande de poulet par an vers l’Allemagne, tandis que l’Allemagne en envoie 100 000 tonnes qui voyagent dans l’autre sens, vers les Pays-Bas.

Le transport routier encouragé par les gouvernements

Les grands groupes de distribution et les grandes entreprises de production ont imposé la généralisation du transport routier des marchandises. Pour supprimer leurs stocks et les mettre directement sur les routes, elles ont inventé le flux tendu et maintenant le flux tiré : la production se fait à la commande­ avec zéro stock, ce qui a l’avantage pour les patrons de libérer du capital (car un stock est pour eux du capital qui dort), mais les stocks, au lieu de se trouver dans les sites de production, se trouvent sur les routes.

Or le transport routier de marchandises contribue à l’effet de serre par les émissions de gaz carbonique, mais aussi pollue par celles de monoxyde de carbone ou d’azote, d’aérosols ou d’additifs divers, dangereux pour la santé publique.

Cette politique du tout-routier a été possible par la baisse importante des coûts, qui s’est faite d’abord sur le dos des chauffeurs eux-mêmes. Elle a aussi été possible parce que les collectivités ont pris en charge une part importante des investissements pour construire les infrastructures routières, sans que ces coûts soient répercutés sur le prix du transport de marchandises. Ce sont les norias de poids lourds qui défoncent les routes mais le contribuable qui paye leur entretien.

Il est d’ailleurs significatif que ce soit l’État qui ait réalisé l’essentiel des investissements routiers mais aussi ferroviaires et aéroportuaires, alors que les profits vont au privé. Le démantèlement progressif de la SNCF, la privatisation des autoroutes et récemment des aéroports (comme ceux de Toulouse, de Nice ou de Lyon) de même que le prix du gazole au rabais pour les camions montre clairement pour qui « roule » l’État.

Dans l’Union européenne, le transport par route représente 85 % des déplacements de voyageurs et 73 % du fret terrestre. En France, à force de fermetures de lignes, le réseau SNCF voyageurs est aujourd’hui revenu à sa longueur des années 1890. Le fret par rail a chuté de 10 % de 1995 à 2005. Et le gouvernement envisage la suppression prochaine de nombreuses lignes de train intercités sous prétexte de rentabilité insuffisante, alors que parallèlement il vient d’ouvrir les mêmes lignes ou d’autres aux autobus privés. Et même la SNCF, ne voulant pas être en reste dans cette curée, ouvre des lignes avec sa compagnie Ouibus. Le ministre de l’Économie, Macron, se vante de ce que les lignes de bus permettraient de créer entre 10 000 et 16 000 emplois d’ici 2020, mais ce n’est rien comparé à tous les emplois que la SNCF a supprimés ces dernières années. Et surtout, vanter le transport par bus au moment même où va se tenir la conférence de Paris sur le réchauffement climatique, c’est vraiment se moquer du monde. Ils n’ont honte de rien !

Rationaliser les échanges et les déplacements de marchandises

Il ne s’agit pas pour autant, contrairement à ce que réclament certains écologistes, de supprimer tous les échanges de marchandises et de « relocaliser progressivement toute la production économique ».

La division internationale du travail a représenté un progrès fondamental, en améliorant considérablement la productivité humaine et en unifiant les continents. La suppression des échanges de matières premières comme de produits manufacturés, le retour à des économies locales fonctionnant en vase clos, sont aussi utopiques que réactionnaires.

Ce qui est en cause, c’est que cette division internationale du travail agit dans le cadre du capitalisme, avec la multiplication des déplacements absurdes de marchandises et l’absence complète de rationalisation des transports. Ce n’est pas la division internationale du travail qu’il faut mettre en cause, mais la concurrence.

Les industriels comme les grandes sociétés de transport disposent pourtant, en interne, de moyens de rationalisation et de planification. Les camions des grandes sociétés sont équipés de positionnements par satellites qui permettent de suivre en temps réel chaque camion depuis un centre de routage, pour minimiser les déplacements et les frais. Les plannings de livraison sont gérés par des moyens informatiques. C’est aussi le cas de la compagnie maritime CMA-CGM, qui suit le périple à travers la planète de ses 1 000 000 conteneurs à partir de son siège marseillais.

Ainsi il serait aujourd’hui possible de réduire les déplacements de camions, et donc le gaspillage, à l’échelle du continent européen, tout en conservant la plus grande souplesse. Cela suppose de supprimer la concurrence entre les transporteurs et de mettre en commun leur système de gestion des déplacements de leurs véhicules, mais aussi de supprimer la concurrence entre les commanditaires.

Tant que régneront la concurrence et l’anarchie du marché capitaliste, des files ininterrompues de poids lourds continueront à traverser l’Europe sur les mêmes axes en se croisant. Et ils continueront à polluer l’atmosphère...

Le communisme est aussi l’avenir de l’écologie

Malgré ses nombreuses incertitudes scientifiques, et même si la Terre a connu au cours de son histoire bien des variations climatiques, parfois très importantes, le réchauffement climatique actuel représente une menace sérieuse pour l’humanité.

L’irresponsabilité générale de toute l’organisation économique et sociale actuelle ne peut pas permettre à l’humanité d’y faire face consciemment et sans drame.

Au nom des générations futures, certains courants écologistes voudraient que les générations actuelles limitent fortement leur consommation. leurs déplacements motorisés, leur accès au progrès technologique. Ils affirment que, si tous les habitants de la Terre accédaient à un développement économique comparable à celui des pays les plus riches, il faudrait plusieurs planètes pour y faire face. Ce n’est qu’une variante à peine moins réactionnaire des idées de Malthus, qui au 18e siècle estimait qu’il y avait trop d’individus sur la Terre et que la sélection (par l’argent) devait faire son œuvre.

À l’heure actuelle, les trois quarts de l’humanité n’ont qu’un accès réduit à l’eau potable, à un logement, à l’électricité, à l’éducation et la culture, à des soins médicaux. Un être humain sur cinq n’y a pas accès du tout ! Ceux qui dénoncent le productivisme sont des cyniques, ils n’ont que faire de ces trois quarts de l’humanité qui manquent de tout. En réalité leurs idées sont des idées de classe, des idées de la petite bourgeoisie de pays riches.

Dans la mouvance écologiste, certains ont fait des équilibres naturels quelque chose de sacré, et d’autres ou les mêmes prônent la décroissance ou préfèrent dénoncer le productivisme plutôt que le capitalisme. Mais l’homme, depuis qu’il s’est affranchi progressivement de sa condition animale, n’a fait que modifier et transformer les équilibres naturels. Le feu est une conquête extraordinaire pour l’humanité mais aussi un grand danger, puisque l’on pouvait brûler toute la savane.

Quand l’agriculture s’est étendue à toute l’Europe, elle a entraîné des déforestations de grande ampleur. Ce sont les pâturages intensifs des moutons et des chèvres domestiqués par les hommes qui ont accéléré l’érosion des sols, formant ainsi les paysages arides de la Grèce ou du Proche-Orient.

C’est aussi l’agriculture qui a façonné les paysages dits naturels. Le maïs, les tomates, la pomme de terre... ont été apportés d’Amérique en Europe, tandis que le café du Brésil est venu d’Afrique. Les hommes ont sélectionné de nouvelles plantes, de nouvelles espèces animales qui ont permis le développement de l’humanité sans que les équilibres de la planète en soient jusqu’à présent menacés.

Mais depuis la révolution industrielle, avec le développement sans précédent des capacités de production, avec l’augmentation importante de la population mondiale au cours du vingtième siècle, l’empreinte des activités humaines sur la planète a changé d’échelle. Cette accélération présente de réels dangers. Mais ce qui est en cause c’est l’irresponsabilité de l’économie capitaliste, dont le moteur est la recherche du profit privé qui se réalise à travers un marché aveugle. Avec la question du réchauffement climatique, on peut dire que la prédation du capitalisme sur la planète a fini par atteindre toute l’atmosphère. La cause première des dangers qui menacent aujourd’hui l’humanité n’est pas le changement climatique mais le capitalisme.

En réalité, l’humanité n’est pas démunie pour faire face au réchauffement et à la plupart des conséquences que les scientifiques laissent entrevoir. Il ne s’agit pas, bien sûr, de modifier la distance entre la Terre et le Soleil ou l’axe d’inclinaison de la Terre, ni de provoquer un volcanisme artificiel.

Les hommes ont su s’installer au cours de leur histoire sous toutes les latitudes, sous presque tous les climats, dans les déserts comme dans les régions polaires. Ils imagineront d’autres solutions au fur et à mesure des problèmes qu’ils auront à résoudre.

Le réchauffement climatique, ses conséquences comme ses causes, est d’abord un problème social. S’il est certain que ce réchauffement pénalisera d’abord les populations les plus pauvres, c’est parce qu’elles sont déjà, aujourd’hui, reléguées dans les zones les plus ingrates ou les plus dangereuses, comme les deltas des grands fleuves.

Un pays comme le Bangladesh, l’un des plus pauvres de la planète, est déjà régulièrement dévasté par des inondations qui, si elles ont des causes naturelles, n’en sont pas moins aggravées par le sous-développement, par la fragilité des habitations, par la déforestation massive des pentes en amont des fleuves qui baignent ce pays. Si 16 % du Bangladesh devaient être submergés à la suite d’une montée des eaux d’un mètre, ce sera en effet l’apocalypse pour les pauvres, comme l’écrivent certains journalistes qui font peur à leurs lecteurs en parlant de réfugiés climatiques.

Le développement scientifique et technique atteint par l’humanité devrait, au contraire, nous permettre d’anticiper sur les conséquences du ré­chauf­fement. Si les modèles confirment que les eaux des océans monteront d’un mètre d’ici un siècle, on pourrait se donner dès maintenant les moyens d’y faire face. On pourrait aménager, par avance, de nouvelles villes pour reloger les habitants qui vivent aujourd’hui dans des zones inondables à proximité des côtes ou de grands fleuves. Il reste sur la planète bien des zones hospitalières peu habitées.

Se préoccuper de l’état de la planète que nous léguerons à nos enfants, et même du sort des ours polaires menacés par la fonte des banquises, est légitime. Ce n’est pas le marché qui peut régler ces questions, car le marché ne s’intéresse qu’à ceux qui ont de l’argent, donc ni aux ours polaires ni aux pauvres du Bangladesh. Les dirigeants du monde ne sont pas forcément aveugles et savent bien qu’il y a une certaine urgence à agir pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Mais, pour ce faire, il faudrait réglementer et contrôler bien plus l’économie, et cela ils ne peuvent pas le faire, car le capitalisme est une économie anarchique, fondée sur la concurrence et la propriété privée des moyens de production, ce qui la rend irresponsable. Les dirigeants de la bourgeoisie ont toujours eu les pires difficultés pour s’opposer aux intérêts privés des bourgeois individuels, même lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts à long terme de leur propre système. Et le sens dans lequel raisonnent ces dirigeants et les solutions qu’ils cherchent accroissent les inégalités. Par exemple depuis juillet 2005 il faut payer 7 livres (9,50 euros) par jour pour circuler en voiture dans la ville de Londres.

Une société communiste cherchera à satisfaire l’ensemble des besoins de tous, ni plus ni moins. Ces besoins se renouvelleront et s’amélioreront sans cesse, mais pas à la manière du capitalisme qui créé des besoins artificiels pendant qu’il condamne à la sous-alimentation près d’un milliard d’individus. C’est bien pour cela que la théorie de la décroissance est réactionnaire. Pour autant le communisme ne défend pas le productivisme. Rationaliser la production n’est pas nécessairement l’accroître à l’infini. Il ne s’agit pas non plus de tout centraliser ni de produire toujours plus. L’échelle de la centralisation dépend de la nature du problème et doit aller de pair avec la démocratie la plus large. Pour ce qui est du climat, il est évident que le problème ne peut être résolu qu’à l’échelle mondiale. Mais seule une économie rationnelle et planifiée à l’échelle du monde permettra à l’humanité d’organiser de manière scientifique et humaine son futur.

Ce que pouvait dire Marx à son époque sur l’impossibilité d’organiser l’économie de manière rationnelle dans le cadre du capitalisme est encore plus vrai aujourd’hui. L’humanité dispose de possibilités de contrôle infiniment supérieures à celles du siècle de Marx. Mais, parallèlement, la concurrence et l’irresponsabilité n’ont fait que s’accroître. Le débat qui se déroule sur la question du réchauffement climatique en est l’illustration. C’est une question qui concerne d’emblée toute l’humanité, mais ce à quoi nous assistons c’est à une arène supplémentaire de rivalités entre puissances, une arène où chaque pays défend d’abord les intérêts économiques égoïstes de ses propres multinationales. C’est pourtant un domaine où il est évident que la solution ne peut être que globale et où la loi du profit et les intérêts privés doivent être mis au pas.

Le seul moyen de faire face au réchauffement climatique – oit en le réduisant, soit en trouvant les moyens d’y adapter la société  est de se débarrasser de cette organisation économique absurde. Cela, nous en sommes convaincus, arrivera bien avant que le réchauffement de la planète soit vraiment nuisible à l’humanité et à la vie sur la Terre. C’est le seul moyen pour léguer aux générations futures un monde sans drames ni écologiques ni sociaux.

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