François Fruitet (LO) : « Il n'y a aucune solution dans le cadre du capitalisme »07/11/20182018Presse/medias/articlepresse/images/2018/11/Capture_1.PNG.420x236_q85_box-0%2C27%2C692%2C416_crop_detail.png

Article de presse

Factuel (Besançon)

François Fruitet (LO) : « Il n'y a aucune solution dans le cadre du capitalisme »

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François Fruitet, brandissant son journal sous sa casquette, dans le groupe de militants LO s'adressant aux manifestants du 9 octobre à Besançon. (Photos DB)

ENTRETIEN Jeudi 11 octobre 2018 / Daniel Bordür

Au lendemain de la première mobilisation depuis la rentrée et de la fête locale de son parti, ce militant trotskiste depuis 45 ans, ancien professeur de physique au lycée Pasteur de Besançon, estime que « les travailleurs sont démoralisés » et « dans la survie », tout en mettant en avant « l'objectif d'élever le niveau de conscience » pour préparer la révolution...

 François Fruitet, brandissant son journal sous sa casquette, dans le groupe de militants LO s'adressant aux manifestants du 9 octobre à Besançon. (Photos DB)

« Le capitalisme, c'est la crise, la misère et la guerre... La révolution nous coûtera moins cher... » Ce slogan clamé par les militants de Lutte Ouvrière à l'angle de la Grande rue et de la rue de la préfecture de Besançon, s'adresse aux manifestants qui défilent, ce mardi 9 octobre, contre la politique économique et sociale du gouvernement.

La harangue en point fixe, c'est une des spécialités de la maison. Quelques jours plus tôt, samedi 6, le parti trotskyste organisait sa fête annuelle locale à la Malcombe, à Besançon, en présence d'environ 200 personnes, pas toutes adhérentes puisque des militants du PCF ou d'EELV s'y sont rendus. Ils ont visionné des témoignages vidéos d'ouvriers ayant participé au mouvement de mai 68, assisté à un débat avec Georges Kvartskhava, un militant qui travaillait chez Peugeot-Sochaux, participé à une discussion sur la situation actuelle, conclu par « la nécessité d'un parti communiste révolutionnaire... »

Dans le défilé de mardi, plusieurs militants de LO nous interpellent : « on n'y a pas vu un journaliste ». Certes, le propos politique de LO varie peu avec les années, mais on voit souvent dans son cortège, au côté de militants apparemment indestructibles, parfois engagés en syndicalisme, de nouvelles et jeunes têtes. Assurément le propos de LO touche les uns quand il en fait sourire d'autres pour son gauchisme éternel voire désuet. Il fait incontestablement partie du paysage contestataire, revendique un positionnement révolutionnaire de lutte des classes qui prépare « l'expropriation de la bourgeoisie ».

« Aux élections européennes, on fera une liste sur le thème de la défense des intérêts politiques et matériels des travailleurs » Entretien avec François Fruitet, ancien professeur de physique au lycée Pasteur de Besançon, qui se présente comme « militant qui commence à avoir de la bouteille » mais n'a « pas de fonction particulière » au sein de l'Union communiste, la branche française de l'Union communiste internationaliste, Lutte ouvrière étant le nom de son journal.

Quel était l'objectif de cette fête ?

Que notre milieu, les sympathisants, passent une journée dans un cadre agréable, avec des débats, des livres, de la musique... C'est un événement politique et culturel de retrouvailles dans un univers de fête fraternelle. A Besançon, on l'a organisée jusque dans les années 1980, puis on l'a reprise en 2010. Il y en a une chaque année à Montbéliard depuis longtemps...

Où êtes-vous présents en Franche-Comté ?

Besançon, Montbéliard, Belfort et Dole où des militants tiennent un bulletin chez Solvay. Des militants du PC et d'EELV sont venus.

Quelles convergences et divergences avez-vous avec eux ?

On a fait nos débats, ils sont intervenus de façon non polémique. On a constaté des désaccords. Aux élections européennes, on fera une liste LO. On ne sait pas si on s'alliera au NPA, mais ce sera sur le thème de la défense des intérêts politiques et matériels des travailleurs. C'est à dire ? Que les travailleurs doivent se préparer à exproprier la bourgeoisie.

On n'entre pas dans le débat sur plus ou moins d'Europe, plus ou moins de libéralisme. Si les travailleurs ne se prennent pas en main, ce sera une catastrophe car il n'y a aucune solution dans le cadre du capitalisme.

Et la crise actuelle est loin d'être résolue, au point que les experts ne se demandent pas si le crack aura lieu, mais quand il arrivera. Et quand on voit les populismes, si ça se passe comme en Allemagne du nord, se posera la question pour les travailleurs de se défendre. Il y a ceux qui pensent qu'on améliorer les conditions, mais on n'y arrivera pas. La situation peut dégénérer très vite. C'est pour ça qu'on défend l'échelle mobile des salaries afin qu'ils suivent la hausse des prix...

Claude Cuenot, militant LO, proposant son journal lors d'un rassemblement devant le MEDEF contre la loi travail... (Archives)

Vous abordez peu les questions environnementales...

On a discuté du réchauffement climatique, mais dans un monde où seul le profit compte, on n'y arrivera pas...

Préparez-vous les élections municipales ?

On verra... Si on est dans la situation de l'Argentine, la question se posera différemment. La classe ouvrière est très émiettée dans sa représentation... Oui. Il y a surtout une démoralisation complète, mais notre politique ne dépend pas du moral des travailleurs. Qu'ils n'y croient pas, ce n'est pas de cela qu'on discute. Des conditions très difficiles sont ressenties. PSA-Vesoul est très impactée par ce que qui se passe en Argentine dont la dévaluation stoppe leurs exportations...

Comment faire avec les divergences ?

Ce n'est pas un problème. C'est la diversité. Ça a toujours été. Il faut avoir des objectifs pour nous. Macron est vomi, pire que l'a été Hollande. Et il y a une illusion de croire qu'avec Mélenchon ça changerait. « Il y aura toujours le mur de l'argent, le mur de la bourgeoisie... »

La France insoumise évoque la nécessité d'articuler mobilisation et élection...

Pourquoi pas une mobilisation, mais ce n'est pas une 6e république qui va changer l'exploitation. Ce n'est pas le gouvernement qui a décidé la loi travail, c'est le MEDEF... Et les partis allant au gouvernement ne le remettraient pas en cause. Tsipras ne s'est jamais appuyé sur la rue. Il y aura toujours le mur de l'argent, le mur de la bourgeoisie... Se battre contre le CETA, c'est du pipeau, c'est pour nous enfumer...

Pour revenir aux élections, quel est le calendrier de vos échanges avec le NPA ?

Nous prendrons notre décision à notre congrès de décembre, mais il y a pas mal de divergences...

Serait-il intéressant pour vous d'avoir des députés européens ?

On en a eus... C'est une tribune. Mais il y a peu de chance qu'on en ait cette fois et ce ne serait pas une nion NPA-LO qui changerait ça.

Les travailleurs sont-ils révolutionnaires ?

Ils sont la seule classe révolutionnaire possible, mais dans des conditions particulières. Aujourd'hui, ils n'ont pas le moral, ils prennent des coups dans la gueule, essaient de survivre. On va proposer un programme pour sauver notre peau. En 1936, il y a eu les congés payés, mais trois ans après, c'était la guerre. Des Les Echos, un article compare la situation d'aujourd'hui à celle de 39... Notre objectif, c'est d'élever le niveau de conscience.

Quand et comment êtes-vous entré à LO ?

C'était en 1973. J'ai connu un militant de LO qui m'a convaincu quand j'étais en classe prépa. J'avais 16 ans en 68, j'étais révolté mais pas politisé.

Et comment vous êtes-vous politisé ?

Par des camarades, des discussions, des lectures, des formations. L'intérêt d'une organisation, c'est qu'on y fait des choses qu'on ne fait pas tout seul. Les idées que défendait Trotsky en 1938 sont le meilleur outil...

« C'est utile qu'il y ait des mobilisations pour les migrants, mais ce n'est pas seulement un problème humanitaire. ».

Vous êtes aussi syndicaliste... J'ai adhéré au SNES comme militant au lycée Pasteur, mais je n'ai pas été secrétaire de section.

A LO, on milite surtout au sein des entreprises. On est peu à avoir des responsabilités dans un syndicat. Des copains peuvent en avoir, mais on défend surtout l'idée que les travailleurs doivent faire de la politique. On est d'abord des militants politiques. On se syndique parce que c'est un principe. Aujourd'hui, vous êtes plutôt en terre de mission... On n'est pas à la mode, pas dans l'air du temps.

Mais ça ne veut pas dire que les travailleurs ne se posent pas de questions. Pour nous, ça ne change rien, on va au contact. On a un groupe de jeunes à Besançon, quelques dizaines de personnes... On est 8.000 nationalement, environ 200 dans le Doubs... On était 200 à la fête cette année, un peu moins l'an dernier...

Vous engagez-vous dans des combats locaux, urbanisme, logement ou migrants par exemple ?

Non. On soutient, on va aux manifs. Sur les migrants, on est pour la libre installation. C'est utile qu'il y ait des mobilisations pour les migrants, mais ce n'est pas seulement un problème humanitaire. On a été au côté de SolMiRé... Pour ceux qui animent les comités, ça demande du temps, du travail. On ne peut pas être partout.

Vous êtes des révolutionnaires professionnels ?

Oui ! Au sens où c'est notre vie, pas au sens pécuniaire. Des militants LO sont élus locaux... Certains sont élus, mais pas comme LO. A Grand-Charmont, Christian Driano est élu sur une liste LO.

Dansquel état est LO ?

Plutôt bien si on nous compare au NPA... On a eu des camarades qui sont partis au NPA !

Avez-vous des relations avec le POI1 qui est également un parti trotskiste ?

Lequel ? LE POI ou le POID2 ? [il y a récemment eu une scission] Sur Besançon, on a peu de relations, on ne voit peu. Ailleurs, ça arrive qu'on travaille ensemble. Là, on ne les voit plus dans les manifs...

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