« Toute la colère, un jour, va exploser ! » 04/11/20182018Presse/medias/articlepresse/images/2018/11/11.0.4253257178.jpg.420x236_q85_box-0%2C48%2C400%2C274_crop_detail.jpg

Article de presse

L'Est Républicain

« Toute la colère, un jour, va exploser ! »

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Nicole Friess : « Les militants de Lutte Ouvrière sont des travailleurs comme les autres. » ( Photo J.-P. Tx )

Nicole Friess : « Les militants de Lutte Ouvrière sont des travailleurs comme les autres. » ( Photo J.-P. Tx )

Depuis 45 ans, Nicole Friess, retraitée de l'administration au CHRU de Besançon, est de tous les combats de Lutte Ouvrière.

Quels que soient les aléas de la vie politique, jamais elle n'en a douté : la révolution surviendra.

Que la vie politique, depuis la rentrée, soit émaillée de polémiques et péripéties doit vous être indifférent, non ?

« Complètement ! Quel que soit le parti, à droite ou à gauche, qui détient le gouvernement du moment, il est au service de la bourgeoisie. Il sert le système financier et capitaliste, qui ne peut pas être humanisé, et ne défend pas les intérêts des travailleurs. Alors que nous, nous pensons qu'une société communiste est possible. Macron, c'est un guignol, une petite pointure, mais il fait ce job sans complexe. Ceux qui suivront feront pareil, quels qu'ils soient. »

Aucune indulgence ? Même pour les formations d'une gauche plus radicale ?

« Et qui nous proposent chacune son sauveur suprême ? Ce mythe de l'être providentiel est un poison. Il n'y aura pas de miracle. Beaucoup se font des illusions avec Mélenchon. Mais s'il était élu, il ne pourrait rien faire. On a bien vu, avec Tsipras, ce que ça donnait en Grèce. Au final, ces faiseurs de promesses s'inclinent devant le capitalisme. Ces partis, qui prétendent faire mieux mais en seront incapables face au système, démobilisent les travailleurs. Ils les écœurent avec leur trahison, leur impuissance, les mènent au rejet de la politique... quand ils ne font pas le lit de l'extrême droite populiste. Les sirènes des démagos peuvent nous conduire à une dictature. »

Où se situe votre différence ? «

C'est notre confiance en la classe ouvrière ! Nous la croyons capable de prendre les manettes. Ce sont les travailleurs qui font tourner la boutique et tout fonctionner dans la société. Les actionnaires ne font rien, sauf spéculer et s'en mettre plein les poches. À l'inverse de ceux qui sont dans la logique d'accompagnement du capitalisme, notre objectif, c'est la révolution. Nous n'agissons pas en fonction des sondages, des opportunités et nous refusons la personnalisation. Ce que nous voulons, c'est renverser la bourgeoisie. »

Comment comprendre, dans ce cas, que rien ne bouge ?

« Les ouvriers, à tort, ne croient plus en leurs propres forces. Ils ont perdu leur confiance en eux, en leur capacité de prendre leur destin en main. Ils hésitent devant l'inconnu, résignés face au capitalisme qui oppose les ouvriers les uns aux autres, aujourd'hui le migrant au chômeur, en attendant une autre cible. Et la misère progresse. Pour beaucoup, les fins de mois commencent au cinquième jour. Comment, alors, payer le loyer, la nourriture, l'école, le chauffage ? En mars, les expulsions reprendront. Avoir 50 ans et survivre avec le RSA, c'est être condamné à une galère monstre pour le restant de son existence. Les retraités sont rackettés. On ne peut pas penser à l'avenir quand on doit faire face aux préoccupations quotidiennes. Mais je crois que cette colère, rentrée, peut éclater du jour au lendemain face au mépris, à l'arrogance. Les travailleurs sont courageux, prêts à risquer leur peau quand il le faut. Et nous serons auprès d'eux ! »

Quel pourrait être le déclencheur, selon vous ?

« Personne ne le sait. Il faut juste être prêt. Cela peut aller très vite. Les économistes savent qu'il y aura un crash mais ils ignorent quand il surviendra. À une époque, le capitalisme savait lâcher du lest, consentir à de menues concessions pour éviter que la colère ne grandisse trop. Aujourd'hui, c'est fini. À ces patrons paternalistes et hypocrites ont succédé des financiers, des spéculateurs en bourse, des fonds de pension qui raisonnent à l'échelle de la planète et se fichent bien du sort des travailleurs. L'ouvrier produit mais ne peut pas acheter ce qu'il a lui-même fabriqué. Les usines ferment, les licenciements s'enchaînent, les délocalisations aussi, dans des pays émergents où les travailleurs sont encore plus exploités. Ici, l'austérité. Là-bas, la famine. Les actionnaires ne savent que faire du profit, c'est leur ADN. Ils seraient capables de vous vendre la corde avec laquelle ils seront pendus. »

Et malgré tout, vous présentez des listes à chaque élection...

« En sachant qu'on restera minoritaire jusqu'au bout. Ces scrutins sont l'occasion de nous faire entendre, de porter nos idées, en complément des luttes que nous menons sur le terrain, dans les entreprises ou les administrations, au plus près des travailleurs. C'est pour nous une tribune. Le résultat n'a guère d'importance, même si nous préférons avoir des élus. Les mots élection et révolution ne vont pas ensemble. »

En vous écoutant, on repense au slogan de 1968 : « Élection = trahison !

» Cinquante ans, déjà... « Et ça s'est terminé en impasse ! À cause des syndicats et partis de gauche qui ont effectivement trahi au final car cela ne servait pas leurs intérêts. On aurait pu aller beaucoup plus loin. Jusqu'où ? Je ne sais pas. » Cela a donné naissance à Lutte Ouvrière... « En 1969, après la dissolution de Voix Ouvrière. Et nous sommes restés fidèles, jamais nous n'avons changé de langage ou d'objectif. »

Propos recueillis par Jean-Pierre TENOUX

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