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Editorial
La médaille du mépris
Les agents hospitaliers l’ont redit à Macron vendredi dernier, alors qu’il faisait une visite à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière : ils ne se satisferont pas d‘hommages et de paroles mielleuses. Aucune médaille, ni aucune prime, aucun défilé du 14 Juillet ne remplacera leurs revendications : augmentations de salaire, d’effectifs et du nombre de lits.
Et ils ont de quoi se méfier ! Il y a deux mois, à Mulhouse, devant l’hôpital militaire de campagne, Macron leur avait promis un plan massif d’investissement et de revalorisation, ainsi qu’une prime exceptionnelle. Deux mois plus tard, les soignants attendent toujours le plan… et la prime qui n’a toujours pas été versée !
En deux mois, l’État a injecté 300 milliards dans l’économie au travers de prêts garantis aux entreprises. Il a accordé 7 milliards à Air France, 5 milliards à Renault. Il va en consacrer 18 à un « plan Marshall » pour le secteur touristique. Il n’y a rien de tel pour la santé. Pour un gouvernement qui a annoncé en faire sa priorité, cela en dit long !
Comme l’ont dénoncé les soignants, dans les hôpitaux, tout revient à « l’anormal ». Les renforts ont été renvoyés chez eux, les intérimaires remerciés, et le sous-effectif chronique se réinstalle. Alors qu’une deuxième vague épidémique se prépare peut-être, que la tension est à peine retombée et que le personnel a besoin de souffler, la hiérarchie presse les soignants qui avaient accepté de travailler 12 heures de suite de continuer. Ou elle remet en cause les congés et les RTT de l’été.
Avant, pendant, après… rien ne change. Les beaux discours, les mea culpa et les promesses du gouvernement ne sont que du cinéma destiné à cacher le mépris social de dirigeants dévoués au monde bourgeois. Et du mépris social, nos dirigeants en ont à revendre !
Il en faut d’ailleurs une couche pour proposer, comme l’ont fait des députés LREM, d’attribuer des chèques vacances aux agents hospitaliers payés en faisant appel aux dons de congés d’autres salariés. Faire appel à la charité quand il revient à l’État de payer !
Et tout cela alors que les ministres refusent de rétablir l’impôt sur la fortune… Tout cela pendant qu'Axa verse 3,46 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires, Sanofi 3,9 milliards, Total 1,8 milliard !
Ce que le ministre de la Santé prépare est tout aussi révoltant. Comme la droite et le Medef le préconisent, il prend prétexte de la revalorisation salariale pour s’attaquer aux 35 heures dans les hôpitaux. Autrement dit, pour gagner plus, les soignants devront surtout travailler plus. Comme si les soignants ne travaillaient pas assez ! Comme s’ils ne fuyaient pas déjà les hôpitaux à cause des conditions de travail et de la course à la rentabilité d’un système de plus en plus financiarisé !
Macron se moque des soignants comme de tous les travailleurs.
Au plus fort de la crise, Macron avait déclaré : « Il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd'hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ». Eh bien aujourd'hui, ce même Macron permet au grand patronat d’imposer à ces femmes et ces hommes de travailler jusqu’à 60 heures hebdomadaires, de réduire leurs vacances et de leur supprimer du temps de repos ! Et peut-être l’État fera-t-il de même avec les soignants dans les hôpitaux ?
Macron et ses sbires ne se soucient que d’une chose : plaire, rassurer et servir la grande bourgeoisie. Oui, c’est du mépris social. Mais il ne s’agit pas du mépris d’un seul homme ni même d’une famille politique. Il s’agit du mépris d’une classe sociale qui ne pourrait pas vivre sans des millions de femmes et d’hommes travaillant pour elle. C’est l’expression d’une classe exploiteuse qui se bat pour perpétuer sa domination.
Le gouvernement a multiplié les hommages à ceux qui sont montés au front, des éboueurs aux médecins, en passant par les livreurs ou les ouvriers de l’agroalimentaire. Mais, si reconnaissance de la Nation il y a pour ces travailleurs, elle sera du type de ces cérémonies organisées autour des monuments aux morts : ils seront mis à l’honneur à la façon des soldats de la guerre de 1914 tombés au front pour le capital. Ils auront peut-être une place dans le défilé du 14 juillet, mais cela ne leur assurera ni les fins de mois ni des conditions de travail décentes. Pour obtenir cela, les soignants, et tous les travailleurs avec eux, devront renouer avec les luttes ouvrières et la contestation de l’ordre bourgeois.