Italie : chez Stellantis, menaces patronales et démagogie14/02/20242024Journal/medias/journalarticle/images/2024/02/P16-2_Fiat_Mirafiori_le_7_fevrier_C_LO.jpg.420x236_q85_box-0%2C0%2C800%2C450_crop_detail.jpg

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chez Stellantis, menaces patronales et démagogie

À l’usine historique Fiat de Mirafiori, à Turin, qui fait partie maintenant du groupe Stellantis, des travailleurs ont débrayé le 7 février, suite à l’annonce par Tavares de leur mise au chômage technique jusqu’à la fin du mois de mars.

Illustration - chez Stellantis, menaces patronales et démagogie

En même temps que la direction annonçait le chômage partiel pour le secteur carrosserie, le PDG de Stellantis, Tavares, faisait planer la menace de la fermeture totale de toute l’usine, ainsi que de celle de Pomigliano, dans la banlieue de Naples, si le gouvernement italien ne soutenait pas le secteur automobile. Ces dernières semaines, celui-ci a fait mine de s’opposer à la politique de Stellantis, Giorgia Meloni, la dirigeante d’extrême droite du gouvernement, accusant le groupe de privilégier la France et d’abandonner le « joyau italien ». Tavares a répliqué, dans une interview : « Plutôt que d’attaquer Stellantis sous prétexte que nous produisons moins dans votre pays, l’Italie ferait mieux de protéger les emplois du secteur automobile. » Comment ? En mettant plus d’argent sur la table pour soutenir la transition électrique. Le patron de Stellantis a par exemple déclaré que l’électricité coûte trop cher en Italie et que les infrastructures n’y sont pas assez développées.

Tavares donne des milliards aux capitalistes qui contrôlent Stellantis, à commencer par la famille Agnelli-Elkann, qui reste l’actionnaire principal du trust. Et ce ne sont pas les froncements de sourcils de Meloni qui vont l’empêcher de continuer à pomper l’argent public. Le gouvernement italien se plie en fait sagement aux exigences du trust et a annoncé la hausse de la prime à l’achat d’un véhicule électrique, à près de 14 000 euros. S’y ajoutent les centaines de millions déjà versés pour la restructuration des usines, la transformation de certaines en pôles logistiques ou usines de production de batteries, etc.

Tout cet argent n’empêche nullement le trust de poursuivre ses attaques contre les travailleurs. Depuis la fusion du groupe Fiat-Chrysler avec PSA au sein de Stellantis, plus de 7 500 emplois ont été supprimés dans ses usines italiennes, dont la production a pourtant augmenté de plus de 9 % en 2023. C’est aux dépens des travailleurs, avec des cadences augmentées, des transferts d’un atelier à l’autre, d’une équipe à l’autre ou même d’une usine à l’autre, que Stellantis produit plus, avec moins d’ouvriers.

La direction fait miroiter des milliers de nouveaux emplois dès qu’arriveront les modèles électriques et les nouvelles usines de production de batteries, qui remplaceront celles de production de moteurs thermiques. En attendant, c’est le chômage partiel, la fermeture d’ateliers et la rumeur de fermeture d’usines entières que les ouvriers subissent. Et les pressions au départ en échange de primes se multiplient sur les ouvriers les plus cassés par le travail, venant confirmer les craintes.

Avant les dernières annonces, Mirafiori tournait déjà au ralenti côté Carrosserie, les semaines de chômage technique alternant avec les semaines travaillées. En Mécanique par contre, les samedis obligatoires s’enchaînent, tandis que, dans les bureaux, des employés sont externalisés dans une filiale, ce qui promet une baisse de leurs conditions de salaire et de travail.

Dans le sud du pays, la réorganisation bat son plein à l’usine de Melfi. Des centaines de travailleurs sont transférés à l’usine de Pomigliano, à plus de 150 km. L’un d’eux, transféré sur la chaîne qui produit l’Alfa Romeo Tonale – dont la direction vient d’annoncer l’arrêt de production – expliquait fin janvier dans un quotidien local : « À plus de 50 ans, je dois aller à des kilomètres de ma famille, tenir un poste où, en 1,50 minute très exactement, je dois exécuter trois opérations sur la carrosserie, parcourir 20 mètres pour aller chercher une pièce et revenir pour la mettre en place. C’est absurde, mais ils s’en foutent. Ils nous parlent de transition vers l’avenir, mais pour les ouvriers, c’est le retour au 19e siècle. »

Pour s’opposer à ces attaques, les directions syndicales en appellent à une « vraie politique industrielle » ou, dernière trouvaille, à une entrée de l’État au capital de Stellantis, à l’image de l’État français qui possède 6 % du capital du trust. Les différents partis font mine de croire qu’ainsi le gouvernement italien tiendrait un moyen de pression sur Stellantis. Comme si, en France, l’État actionnaire protégeait les emplois, les conditions de travail et les salaires des ouvriers !

Le patron et les responsables politiques, du gouvernement ou de l’opposition, voudraient faire croire aux travailleurs qu’ils sont embarqués dans une guerre contre ceux des autres pays pour obtenir la production de nouveaux modèles. Les travailleurs doivent raisonner à l’opposé : pour pouvoir prendre sur les milliards de profits des Agnelli et des Peugeot de quoi maintenir des conditions de vie dignes pour tous, il leur faut s’unir par-delà les frontières.

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