Lacoste Solodi – Troyes : “On a appris plus qu’eux”28/02/20242024Journal/medias/journalarticle/images/2024/02/P13-2_Lacoste_Solodi_C_LO.jpg.420x236_q85_box-237%2C0%2C2125%2C1062_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Lacoste Solodi – Troyes

“On a appris plus qu’eux”

Lundi 19 février, la direction de Solodi (Lacoste), qui se disait jusque-là inflexible, a lâché une prime de 750 à 1 000 euros, en plusieurs fois, aux grévistes de l’entrepôt de Buchères, près de Troyes, qui réclamaient une augmentation mensuelle de salaire de 175 euros.

Illustration - “On a appris plus qu’eux”

Même si cela ne représente pas une augmentation de salaire, ces primes n’auraient pas pu être obtenues sans la mobilisation face à Lacoste, dont le président, Thierry Guibert, annonce vouloir atteindre les 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’horizon 2026.

Pendant huit jours, la majorité des 220 travailleurs en CDI ont fait grève. Certains en permanence, d’autres y ont participé à tour de rôle, en s’inscrivant sur un planning. Laissant libres les deux entrées du personnel, un piquet de grève a empêché tout camion d’entrer ou de sortir du site. Il est devenu le point de ralliement de la mobilisation, jour, nuit et week-end compris. Là, les grévistes ont pu se restaurer à l’abri d’une tente ou autour d’un feu de bois, discuter des fins de mois difficiles, des conditions de travail déplorables, des heures supplémentaires imposées, des tentatives d’intimidation de la direction, accueillir les intérimaires et tous les militants et travailleurs qui venaient les soutenir.

Aucune marchandise n’est entrée ni sortie. Le site Internet de la boutique Lacoste a même annoncé : « Nos délais de livraison sont susceptibles d’être allongés à huit jours maximum. » Car Buchères est l’unique site d’Europe où transitent les colis du e-commerce et de l’approvisionnement des magasins.

La direction a essayé par tous les moyens de briser le mouvement. Dès le lundi 12 février, elle dépêchait un huissier pour prendre des photos des camions empêchés d’accéder au site. Elle tentait d’isoler les grévistes en menaçant les intérimaires d’être blacklistés s’ils passaient au piquet. Mercredi 14, elle annonçait accepter d’ouvrir les négociations, à condition que le piquet soit levé. Le lendemain, elle convoquait des groupes d’une dizaine de salariés pour tenter de les diviser, de les dresser contre les délégués, elle devait rapidement renoncer à sa manœuvre.

Vendredi 16 février, une brochette de responsables Lacoste Monde, Europe, France, et le directeur du site organisaient deux réunions, l’une pour l’équipe du matin et l’autre celle de l’après-midi. Ces grands responsables y ont prétendu, tableau à l’appui, faire un effort pour les plus petits salaires, mais au détriment de ceux de la maîtrise, toujours dans le cadre d’une enveloppe de 3 %. Agressifs, ils refusaient de répondre à toutes les questions posées, remballant vertement tout intervenant et, déclarant avec mépris que l’augmentation des plus bas salaires permettra « de payer des études à vos enfants et d’aller au restaurant », la direction achevait d’exaspérer tout le monde.

Lundi 19 février, consultés sur cette base par Internet, les grévistes décidaient dans l’après-midi, à une grande majorité, de poursuivre le mouvement. Plus tard dans la journée, suite à une ultime négociation avec l’intersyndicale, la direction ajoutant des primes à ces 3 % prévus et menaçant d’engager une procédure en référé, quelques salariés étaient consultés sur place, et dans la soirée la grève prenait fin.

Les manœuvres de la direction ont choqué mais aussi fait réfléchir les travailleurs qui ont constaté : « La direction, elle, est préparée aux conflits » mais, cette fois, « nous, on a appris plus qu’eux ».

Partager