Portugal : l’extrême droite refait surface13/03/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/03/2902.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Portugal

l’extrême droite refait surface

Aux élections législatives anticipées du 10 mars, au Portugal, droite et gauche se sont retrouvées à égalité. La nouveauté est l’arrivée en force du parti d’extrême droite Chega (Ça suffit !).

Dans la nouvelle Assemblée de 230 députés, l’Allian­ce démocratique (AD, droite) dispose de 79 sièges (+2), le PS de 77 (-43) et Chega de 48 (+36). Montenegro, le leader de l’AD, rejette les propositions d’alliance de Chega et va former un gouvernement minoritaire, le PS refusant de le soutenir.

En 2022, après sept années de gouvernement minoritaire où il avait besoin au Parlement du soutien du Parti communiste portugais et du Bloc de gauche, le Parti socialiste d’Antonio Costa avait obtenu une majorité absolue de 120 sièges. Il disposait de ce large soutien parce que son arrivée mettait fin à cinq ans de plans d’austérité sévère imposés par l’Union européenne et pilotés par la droite. Mais ce soutien s’est effrité et une série de scandales ont amené Costa à démissionner et ont permis au président de la République (de droite) de convoquer de nouvelles élections, que le PS a donc perdues.

Le PS se vantait pourtant d’avoir ramené la prospérité économique. La dette publique est en baisse, le budget est légèrement excédentaire, l’inflation est descendue à 4,3 % (contre 7,8 % en 2022), le taux de chômage à 6,7 %. Le tourisme, secteur phare, rapporte 28 milliards d’euros.

Tout va bien donc pour la bourgeoisie portugaise. Mais si les hôtels se vantent d’avoir vendu 73 millions de nuitées, les Portugais des couches populaires se plaignent d’avoir de plus en plus de mal à se loger. C’est au point que le gouvernement a dû allouer une aide au loyer aux enseignants des régions de Lisbonne et de l’Algarve, la zone touristique du sud du pays, où Chega est arrivé en tête des élections. Les secteurs de l’enseignement et de la santé sont en grande difficulté et connaissent depuis des années des grèves à répétition. Les salaires sont bas, avec le smic à 820 euros brut, alors que les prix avoisinent ceux de la France. Deux millions de Portugais vivent sous le seuil de pauvreté, dont la majorité des retraités. Rien d’étonnant à ce que de nombreux jeunes émigrent, comme durant les années 1960 et 1970. Ils ne fuient plus la dictature et les guerres coloniales, mais la misère et la crise.

André Ventura, le leader de Chega, développe depuis cinq ans un discours sécuritaire et xénophobe. Il attaque les Roms, et les immigrés en général, les homosexuels, les femmes qui avortent. Il se déclare antisystème, partisan de moins d’État, moins d’impôts, moins d’aides sociales. Son slogan, « Dieu, famille, patrie et travail », rappelle les thèmes de la dictature salazariste qui a régné sur le Portugal jusqu’à la révolution des œillets du 25 avril 1974. Chega essaie de relayer le mécontentement social, en en rendant les immigrés responsables. Son mot d’ordre « Nettoyer le Portugal » les vise, eux tout comme le gouvernement socialiste touché par les scandales.

Le succès de Chega est un succès électoral qui ne correspond pas à une organisation militante. Mais, un demi-siècle après la fin de la dictature, cette ascension d’un parti d’extrême droite sonne comme un sinistre retour en arrière.

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