Tchad : Macron fait crédit à Déby13/03/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/03/2902.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Tchad

Macron fait crédit à Déby

Jean-Marie Bockel, fraîchement nommé monsieur Afrique par Emmanuel Macron, a débarqué à N’Djamena le 7 mars après sa visite à Abidjan en février. L’émissaire de l’impérialisme français fait la tournée des régimes amis, après les turbulences essuyées par la présence française au Sahel.

Bockel a exprimé son « admiration » au président Mahamat Déby pour la façon dont il conduit la transition depuis la mort brutale de son père Idriss Déby en avril 2021. Ce dernier, au pouvoir pendant trente ans, était déjà grand ami de la France et son fils a pris la relève.

Bockel a affiché son ravis­sement parce que le 6 mai prochain se tiendra un scrutin présidentiel, sans cesse reculé depuis 2021. Mahamat Déby est bien sûr candidat et a toutes les chances d’être élu. En revanche, Bockel a passé sous silence le fait que, le 28 février, le président du Parti socialiste sans frontières, Yaya Dillo, a été abattu au siège de sa formation politique à N’Djamena. À 49 ans, Yaya Dillo faisait figure de sérieux concurrent.

L’assaut mené par une unité militaire commandée par un proche de Déby a fait plusieurs dizaines de morts et de blessés, confirmés par la justice tchadienne. Une photo de Yaya Dillo, un trou dans la tempe droite évoquant une exécution sommaire, a circulé sur les réseaux sociaux. Le siège du PSF a ensuite été rasé au bulldozer. Le prétexte à ce raid a été un mouvement de protestation conduit par le PSF devant l’Agence nationale de sécurité, les services de renseignement du pays, et qui, la veille, s’était soldé par plusieurs victimes.

Cousin de l’actuel président, Yaya Dillo avait occupé différents postes gouvernementaux, notamment celui de ministre des Mines et de l’Énergie entre 2008 et 2009, avant d’entrer en compétition avec le clan au pouvoir. Il l’avait déjà chèrement payé sous Déby père puisque sa mère et l’un de ses fils avaient été abattus lors de son arrestation en février 2021, dans un assaut commandé justement par Mahamat Déby.

L’opposant assassiné n’était pas un représentant des masses pauvres du pays, malgré l’intitulé trompeur de son parti fondé en 2015 qui revendique de regrouper « de jeunes cadres de l’administration publique, du secteur privé, des professions libérales, des milieux enseignants et des hommes d’affaires ». Mais son exécution témoigne de la férocité du régime en place à l’égard de toute opposition et sonne comme une intimidation dont la cible va au-delà des rangs du PSF.

Mahamat Déby marche en fait dans les pas de son père, contre ceux qui pourraient lui faire de l’ombre et surtout contre la population. ­Ainsi, la répression d’une manifestation en octobre 2022 avait fait cinquante morts et plus de 300 blessés, selon un bilan officiel probablement minoré.

Ce tableau ne chagrine pas le représentant de l’Élysée, et pour cause : Mahamat Déby ne remet pas en question la présence des soldats français – un millier dit-on aujourd’hui – qui stationnent au Tchad depuis 1983. Cette fidélité vaut certificat de bonne conduite démocratique de la part de la République française.

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