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Chili
l’extrême droite vers le pouvoir ?
À l’issue du premier tour de l’élection présidentielle du 16 novembre au Chili, la défaite de la gauche, actuellement au pouvoir, semble se dessiner pour le second tour, prévu dans un mois.

Jeannette Jara, membre du Parti communiste, mais candidate de la coalition Unité pour le Chili regroupant neuf partis et classée au centre gauche, est arrivée en tête. Avec 26,7 % des voix, elle dépasse le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, qui a en recueilli 24,1 %. Mais ce dernier est largement favori pour le deuxième tour, le total des voix des candidats de droite et d’extrême droite atteignant 70 %.
C’est la troisième candidature de Kast, ce rejeton d’un nazi réfugié au Chili après la guerre, qui s’est longtemps réclamé ouvertement de la dictature de Pinochet. Il avait cette fois mis un peu d’eau dans son vin, ce qui a permis à un autre candidat d’extrême droite, le « libertarien » Johannes Kaiser, de le doubler dans le radicalisme, allant jusqu’à promettre l’interdiction du Parti communiste. Les deux se sont rencontrés au soir du premier tour.
Avec l’aide des grands médias privés, toute la campagne a tourné autour de l’insécurité et de l’immigration, vénézuélienne en particulier, accusée de tous les maux. Tous les partis, y compris la gauche, sont allés dans le même sens. Il y a un mois, les médias retransmettaient les images de l’actuel président de gauche, Gabriel Boric, survolant fièrement le désert d’Atacama vers la frontière nord dans un hélicoptère de l’armée, pour aller inspecter le système de surveillance par drones qui vise à empêcher le passage des migrants.
Après l’explosion sociale de 2019, qui avait effrayé la bourgeoisie chilienne et fait en partie reculer le président de droite de l’époque, l’ensemble des partis de gauche avait entrepris de détourner les aspirations sociales vers un processus complexe d’élaboration d’une nouvelle Constitution censée changer le sort de la population. Gabriel Boric, ancien syndicaliste étudiant, avait été largement élu en 2021. Mais le processus illusoire de réforme constitutionnelle s’est ensuite dégonflé lamentablement, et le gouvernement Boric a déçu ceux qui en attendaient quelque chose. Retraites de misère, précarité du travail, salaires qui ne suivent pas l’inflation, tout a continué à empirer. La presse évoque les très maigres réformes favorables à la population, mais toutes ont été faites de façon que le patronat y trouve son compte. Ainsi, la baisse de la durée légale du travail hebdomadaire de 45 à 40 heures a été négociée en échange de plus de flexibilité, laissant aux patrons la possibilité d’aller quand ils le souhaitent jusqu’à 52 heures.
Le salaire minimum a été réévalué, passant de 325 euros à 492 mais, dans le même temps, les prix des produits alimentaires ont fortement augmenté, de 80 à 100 % pour les œufs, l’huile, le riz, et de près de 200 % pour la pomme de terre. La baisse de l’inflation en 2025 n’a pas permis aux plus pauvres de retrouver du pouvoir d’achat.
La candidate de la gauche, la communiste Jeannette Jara, était ministre du Travail et de la Protection sociale du gouvernement Boric. Seule responsable politique à venir de milieux réellement populaires, elle a suscité un temps un certain enthousiasme. Cela lui a encore permis de remporter, en juin, les primaires organisées par la gauche en vue de l’élection présidentielle, mais ne suffisait pas à compenser la déception causée par l’ensemble de la politique du gouvernement. Élue dans ses primaires avec un langage « de gauche », elle a passé ensuite tous ses temps d’antenne à démentir les illusions qu’elle avait semées.
Cherchant surtout le soutien des courants les plus droitiers de la coalition Unité pour le Chili, Jeannette Jara a pris ses distances vis-à-vis de son propre parti et s’est placée, comme les autres candidats, sur le terrain démagogique de la sécurité et de la fermeture des frontières. Elle pourra se présenter au deuxième tour comme la défenseure de la démocratie face à une extrême droite admiratrice du président argentin Milei et héritière de Pinochet. Ce duel rappelle celui de 2021, lors duquel Boric, qui affrontait déjà Kast, l’avait emporté. Mais, depuis, les conditions de vie des pauvres et des travailleurs n’ont fait qu’empirer, l’extrême droite s’est considérablement renforcée et la gauche actuellement au pouvoir pourrait payer le prix des désillusions dont elle est responsable.