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- Lutte ouvrière n°2987
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Leur société
“Menace russe”
un général en campagne
Auditionné le 22 octobre à l’Assemblée nationale, le général Mandon, nouveau chef d’état-major des armées, a déclaré : « l’armée française doit être prête à un choc avec la Russie dans trois ou quatre ans ».

Ce général venait s’assurer que les députés ne raboteraient pas la hausse de 6,7 milliards d’euros promise pour le budget 2026 de l’armée, alors qu’ils taillent dans les budgets les plus utiles à la population. Il peut être rassuré : alors que les divers groupes parlementaires se disputent pour savoir de quel montant il faut amputer le budget de la Santé ou des collectivités, ils sont tous d’accord, LFI et RN inclus, pour augmenter de 13 % le budget militaire, porté au total à 57 milliards.
Pour justifier ces augmentations, le précédent chef d’état-major, Thierry Burkhard, répétait qu’il fallait « gagner la guerre avant la guerre », ce qui signifiait que « les armées doivent montrer leurs forces et leur aptitude à s’engager dans un affrontement de haute intensité ». Il désignait, lui aussi, la Russie comme l’ennemi principal, tout en affirmant le 4 juillet « que la France n’était pas menacée de se faire attaquer directement et lourdement sur le territoire national ».
À nouveau gradé en chef, nouveau style ! La menace russe n’a pas plus de réalité aujourd’hui qu’il y a six mois. Les chars russes ne sont ni aux portes de Paris ni à celles de Berlin, et même pas aux portes de Kiev. Au prix de centaines de milliers de victimes, la guerre en Ukraine s’éternise depuis bientôt quatre ans sans que les troupes de Poutine aient réussi à l’emporter. Si Mandon, accompagné par tous les experts des plateaux de télévision, brandit en permanence la menace russe, c’est, un peu, pour justifier la hausse des dépenses militaires, et, beaucoup, pour mettre la population en condition.
Car si la menace russe est mise en scène, la marche vers une guerre « de haute intensité », c’est-à-dire pouvant engager des centaines de milliers de soldats, est bien en route. S’ils ne savent pas qui seront les belligérants, tous les états-majors des pays occidentaux s’y préparent. Or le cas de l’Ukraine le démontre : une telle guerre exige des armes et du matériel sophistiqué en très grande quantité et surtout le sacrifice de centaines de milliers de soldats. Le 13 juillet, en prenant ses fonctions, le général Mandon l’a dit crûment : « la jeunesse doit accepter les sacrifices, jusqu’au sacrifice ultime ». Devant les députés, son adjoint, le chef de l’armée de Terre, Pierre Schill, a été encore plus clair en déclarant : « J’ai besoin d’une masse importante. » Quelques jours avant, sur LCI, le même disait : « Je n’exclus pas le retour du service militaire. »
Dans de nombreux pays, les dirigeants discutent des voies et des moyens de disposer de réserves de soldats formés et prêts à aller se faire tuer ou mutiler. Le service militaire systématique étant estimé trop coûteux, difficile à gérer et pas très efficace, ils cherchent d’autres solutions. En France, les galonnés voudraient pouvoir disposer en 2035 de 105 000 réservistes contre 45 000 à ce jour.
Pousser la jeunesse vers l’armée, lui enfoncer dans la tête l’idée qu’elle devra se sacrifier pour la patrie, voilà ce qui se cache derrière la campagne sur la menace russe.