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- Lutte ouvrière n°2993
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Leur société
Violences policières à Sainte-Soline
“circulez, y a rien à voir”
Jeudi 4 décembre, Frédéric Teillet, procureur de Rennes, a classé sans suite la plainte de quatre personnes grièvement blessées le 25 mars 2023 à Sainte-Soline.
Confronté à la publication de vidéos accablantes, il a néanmoins choisi de donner le change en ouvrant une information judiciaire sur des tirs de grenade des gendarmes mobiles.
Quoique interdit, le rassemblement avait réuni plusieurs milliers de personnes sur le site choisi pour le creusement d’une « mégabassine ». Encouragés par Darmanin, qui annonçait dès la veille « des images très violentes », 3 200 gendarmes et policiers avaient réprimé la manifestation à l’aide de neuf hélicoptères, quatre blindés et d’une vingtaine de quads. Le bilan avait été de 47 blessés (six évacués) chez les forces policières et 200 blessés chez les manifestants, dont 40 graves et deux pronostics vitaux engagés.
Ce classement sans suite intervient un mois après la fuite de vidéos des caméras embarquées montrant des tirs tendus de grenade, certains gendarmes se félicitant de tirs « en pleine tête » ou dans les parties génitales et regrettant de ne pouvoir tuer les contestataires. Le procureur justifie sa décision en qualifiant de « conforme » l’un des tirs à l’origine des blessures graves et en prétendant impossible l’identification des auteurs des autres tirs : c’est que, voyez-vous, avec 5 000 grenades – une par manifestant – en quelques heures, les tireurs ne manquaient pas !
Le procureur a dû admettre que les images indiquent qu’un de ces tirs proviendrait d’un blindé, mais il a suffi que les gendarmes incriminés nient en être à l’origine pour que l’enquête s’arrête là. Le magistrat s’est néanmoins senti obligé de faire ouvrir une information judiciaire, mais sans retenir la « mise en danger de la vie d’autrui », qui requiert d’avoir enfreint une règle de sécurité dûment établie. Or, selon le procureur, aucun texte contraignant n’encadre l’usage du lance-grenade Cougar : pas de règlement, pas de mise en danger ! La non-assistance à personne en danger a également été classée sans suite, au motif que les retards de prise en charge des blessés auraient été dus à de malencontreux « malentendus » entre les autorités.
En fait, depuis plus de deux ans, les autorités ne creusent le dossier que pour mieux l’enterrer. Cela fait déjà un an et demi que l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a signalé les tirs tendus, souvent réalisés sur ordre… en les minimisant et sans réaction du procureur. L’IGGN aurait par ailleurs « oublié » d’exploiter les images d’un escadron et des vidéos que trois escadrons ne se sont même pas donné la peine de transmettre, sous prétexte de caméras en maintenance, d’images effacées…
À l’époque, en période de contestation de la réforme des retraites, l’État et son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin voulaient faire preuve d’autorité, quitte à risquer des morts, étant entendu que – comme à l’époque des Gilets jaunes – la République couvre les méfaits de ses soudards. Aujourd’hui il doit montrer qu’il tient parole.